La condamnation de Jésus

Récits d’Emmerich

 

 De l’allemand Das bittere leiden unsers
herrn Jesu Christi, trad. Cazalès 1844 
 

2e édition | 2021

 

 

 

Table des matières

Visions ......................................................................................................................................... 1

Tribunaux................................................................................................................................... 15

Croix ............................................................................................................................................ 43

Corps........................................................................................................................................... 60

Assemblée ................................................................................................................................. 65

Descente.................................................................................................................................... 69

Résurrection............................................................................................................................... 76


 

PRÉFACE

Dans ce récit d’Emmerich, vous verrez les canailles fréquenter les palais de Caïphe et Ananus, les foules qu’ils entraînent dans la bassesse, Jésus être torturé sans raison par ordre d’Hérode et Pilate, qui sont ceux et celles qui composent la nouvelle assemblée, comment ils s'organisent et pourquoi ils n’iront plus adorer au Temple.

La fiancée de Jésus Christ est dans une dimension si réelle, comme l’a rapporté Thomas dans son évangile : Le royaume du Père est comme une personne qui voulait tuer quelqu’un de puissant ; encore dans la maison il sortit son épée et la plongea dans le mur pour savoir si sa main pouvait le faire. Alors il tua le puissant esprit.

Feu mon père disait, petit train ira loin.

Gloire et honneur à Dieu. J. Legrand

  

 

 

C’est dans le calme
et la confiance que

sera votre force.

                 Iehvah

 


Visions

1

Après avoir donné son pain et son vin à ses disciples, Jésus quitta la salle à manger la tristesse dans l’âme. Les onze apôtres étaient dans la joie d’avoir reçu de Jésus le pain et le vin, et encore pleins de son discours sur l’amour, quand ils suivirent Jésus qui les emmena sur le mont des oliviers par la vallé. La pleine lune se levait sur le mont quand ils arrivèrent à la porte de la vallée de Josaphat. Le seigneur s’avança dans la vallée. Il leur dit qu’il viendrait juger le monde ici,  non pauvre et faible comme à l'instant, et que les autres trembleront en criant aux montagnes de les cacher. (Joel 3.2, Osée 10.5)

— Vous serez tous choqués de moi cette nuit comme il est écrit (Zacharie 13.7) : Je frapperai le berger et les brebis se disperseront. Lorsque je serai ressuscité je vous devancerai en Galilée.

Mais ils ne comprirent pas, ce qui arriva souvent dans la soirée, pensant qu’il divaguait sous l’effet de la fatigue. Ils se pressèrent autour de lui pour exprimer leur amour de différentes manières, soutenant qu’ils ne l’abandonneraient jamais, mais Jésus continua à parler dans le même sens.

— Même si tous se choquent de toi, dit Pierre, je ne me choquerais jamais.

Le seigneur lui répondit qu’il le renierait trois fois avant le chant du coq.

— Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierais pas, insista Pierre.

Les autres vinrent parler ainsi, l’un après l’autre, et la tristesse de Jésus augmenta. Pour le calmer, ils poussèrent jusqu’à dire, à la façon des humains, que ce qu’il prédisait n’arriverait pas. Et parce qu’ils forçaient inutilement, ils commencèrent à douter, et la tentation vint sur eux. Ils traversèrent le torrent Cédron par un autre pont que celui où Jésus sera emmené prisonnier. Il leur faisait faire un détour avant d’aller à Getsemaneh (גת שמנה presse d’olives), ce jardin de la vallée de Josepha au pied du mont des oliviers. La salle à manger était à 1 km de la porte de la vallée de Josaphat, et de là même distance jusqu’au portique de Getsemaneh, où il avait quelquefois enseigné ses disciples, où ces derniers jours il passait la nuit parmi eux. Getsemaneh était un grand jardin bordé d’un muret de terre, avec des arbres fruitiers, des plantes d’agrément et quelques maisons ouvertes inoccupées où on pouvait prier et se reposer. Les apôtres et autres avaient la clé de ce jardin, ceux qui n’avaient pas de jardin y faisaient des repas de fête.Il y avait des cabanes de feuillage, c’est là que vont aller huit des apôtres, que les disciples rejoindront plus tard.

21 h Il faisait nuit quand Jésus et ses apôtres arrivèrent à Getsemaneh. La lune éclairait le ciel, un danger se rapprochait et Jésus leur annonça. Percevant leur peur, il dit à huit d’entre eux de rester près des cabanes de feuillage par cette phrase :

— Restez ici pendant que je vais voir où je peux prier.

Le jardin du mont des oliviers était bien que plus petit que Getsemaneh et bordé que d’une haie, il avait beaucoup d’oliviers avec des terrasses et des bancs d’herbes bien entretenues, et de grandes grottes fraîches propices à la prière et la méditation. Jésus va aller prier dans un côté plus sauvage. Le seigneur emmena en haut que Pierre, Jean et Jacob. Passé le chemin qui sépare Getsemaneh du jardin des oliviers, Jésus sentit une angoisse venir sur lui et devint très triste. Jean lui demanda comment il pouvait être comme ça alors qu’il les avait toujours encouragés. Jésus répondit :

— Mon âme est triste jusqu’à la mort. (Psaumes 42)

Jésus aperçut des angoisses venir vers lui de tous les côtés, des visions terribles approchaient sous forme de brouillards.

— Restez ici veiller avec moi, dit-il. Et priez pour ne pas tomber sous la tentation.

Il fit quelques pas et déjà ces visions l’attaquaient et le saisissaient dans les angoisses. Il descendit un peu à gauche sous un rocher où il y avait une grotte profonde de 2 m, des plantes suspendues faisaient rideau. Les apôtres étaient juste au-dessus. Maintenant qu’il s’était éloigné de tous ses apôtres, ces visions d’horreur se formèrent en cercle autour de lui. Il tremblait et entra prier dans la grotte comme un homme s’abrite d’un orage soudain, le terrain s’affaissa mollement. Les angoisses augmentèrent. Ces visions menaçantes furent plus distinctes dans cette petite grotte qui semblait contenir tous les péchés du monde, du premier jusqu’au tout dernier, avec leurs châtiments : c’est dans cette grotte qu’Adam et Ève s’étaient lamentés dans les larmes, chassés du paradis sur une terre étrangère. C’est sur le mont des oliviers qu’ils étaient venus. Sans aucune résistance, le seigneur se soumit aux souffrances qui allaient commencer avant sa mort pour satisfaire la justice divine contre les péchés. Il remit sa divinité sacrée comme fils de Dieu au sein de la Trinité, et s’enferma dans son innocence humaine afin d’acquitter les châtiments des péchés du monde par les douleurs et les angoisses. N’ayant maintenant que l’amour pour enflammer son coeur d’homme dans sa volonté à satisfaire la justice contre l’attachement aux mauvais penchants et croissance des péchés, Jésus prit tout ce qui se rattachait d’expiations, de pénitences, de purifications et sanctifications par amour et compassion envers nous autres pécheurs. Afin de payer nos péchés sans nombre, il laissa des souffrances interminables l’envahir et elles entrèrent dans les membres de son corps et dans les facultés de son âme comme un arbre aux mille douleurs.

Péchés du monde | visions

Laissé à sa seule humanité, triste et courbé d’angoisses, implorant Dieu devant tous les péchés du monde qui défilaient avec mépris sous la vraie forme de leurs laideurs intérieures, dans sa prière il les prit pour lui et s’offrit à la justice de son Père céleste en contrepartie de cette dette colossale. Devant Jésus,parmi ces horreurs satan s’agitait sous sa forme méprisable dans un rire infernal et une fureur croissante, faisant succéder des scènes de plus en plus dégoûtantes et criant sans cesse à l’humanité de Jésus :

— Prendras-tu aussi celui-ci sur toi, en souffriras-tu le châtiment ? Comment veux-tu satisfaire pour ça ?

22 h Un rayon céleste partit du côté où le soleil monte et une armée d’anges descendit le fortifier et le ranimer tandis que tout le reste de la grotte était envahi de mauvais esprits qui l’attaquaient en lui montrant les souillures de nos crimes et l’insultant. Il prit toutes ces horreurs d’un coeur aimant Dieu et ses créatures parfaitement, et subissait la torture de leurs cruels châtiments, si innombrables qu’une année ne suffirait pas à les rapporter. Cette masse démesurée de péchés se déversa sur son âme comme un océan et Jésus s’offrit comme victime expiatoire, appelant à lui tous les châtiments rattachés à nos crimes impunis. Et comme au désert, satan souleva d’incessantes tentations et osa accuser la pureté même en disant :

— Comment veux-tu prendre tout ça sur toi alors que tu n’es pas pur toi-même. Regarde ceci et ça aussi.

Sans gêne, il déroulait des fautes imaginaires, lui reprochant les erreurs et soi-disant scandales soulevés par ses disciples, et l’embarras qu’il avait amené dans le monde en renonçant aux anciennes traditions. Se faisant le plus habile des pharisiens, satan lui reprocha d’être la cause du massacre des innocents ainsi que des souffrances de ses parents en Égypte, et de n’avoir pas sauvé Jean le baptiste de la mort ; d’avoir désuni des familles, d’avoir protégé des accusés, de n’avoir pas guéri des malades, d’avoir fait du tort aux habitants de Gergésa en permettant aux possédés de renverser leurs cuves et aux démons de précipiter leurs cochons dans la mer. Il mit sur lui les fautes de Marie-Magdala pour ne pas l’avoir empêchée de retomber dans le péché, il l’accusait d’avoir abandonné sa famille et d’avoir dilapidé le bien d’autrui. Dans le but de déranger son âme, satan présenta à Jésus tout ce que ce tentateur peut reprocher à la mort d’un homme ordinaire, il l’éprouva à titre d’homme juste ayant agi sans motif supérieur, car sa divinité en tant que fils de Dieu lui fut cachée.

Parfait en son humanité, Jésus voulut aussi souffrir l’épreuve de remise en question des bonnes oeuvres de ceux qui meurent dans le mérite. Et pour vider tout à fait la coupe de l’agonie, il accepta que le mauvais esprit, ignorant qu’il était fils de Dieu,puisse présenter devant Dieu ses oeuvres de charité comme des actes coupables que la grâce de Dieu n’avait pas pardonnés. Il lui reprocha de vouloir effacer les fautes d’autrui tandis que lui-même était dénué de mérite et avait à satisfaire la justice divine pour des prétendues bonnes oeuvres. La divinité de Jésus comme fils de Dieu supporta que l’ennemi remette en question son dévouement et le présente comme un homme qui se vante d’avoir une part personnelle dans ses bonnes oeuvres, à moins qu’il joigne ses mérites au sacrifice du seigneur. Le tentateur lui présentait les oeuvres de son amour comme étant dépourvues de mérite et le mettaient en dette envers Dieu, il mit des contrats sous ses yeux où ses bonnes oeuvres étaient inscrites comme dettes et les montrait du doigt en disant :

— Tu es redevable pour ça et pour cet autre.

Il déroula un contrat sur ce que Jésus avait reçu de Lazare Élazar et ce qu’il avait dépensé de la vente de la propriété de Marie à Magdala, disant :

— Comment as-tu osé gaspiller le bien d’autrui et faire du tort à cette famille ?

Les péchés sans nombre se présentaient au seigneur pour se faire expier et il s’offrait à eux. J’ai senti le poids des accusations contre lui, car parmi les péchés du monde dont Jésus se chargeait je vis aussi les miens en grand nombre, et toutes mes fautes affluant comme un fleuve me furent montrées dans le cercle des épreuves qui l’assiégeaient. Tournée vers lui comme les anges consolateurs, les yeux fixés sur mon-fiancé, je priai dans les larmes. Hélas sous le poids des douloureuses angoisses, le seigneur se tordit comme un ver. Je ne pus retenir ma colère quand satan l’accusa de la vente du bien de Marie-Magdala et criai :

— Comment peux-tu reprocher la vente de ce bien comme un péché, n’ai-je pas vu le seigneur utiliser cette somme remise par Lazare pour des oeuvres de compassion et libérer vingt-sept pauvres prisonniers pour dette à Thirza.

Au début Jésus priait à genou avec calme, mais il sentit de l’épouvante en voyant les innombrables crimes des hommes ainsi que leur ingratitude envers Dieu. Il fut pris d’une angoisse si violente et douloureuse qu’il cria en frissonnant de froid :

— Mon Père, si c’est possible que cette coupe s’éloigne de moi, éloignez cette coupe mon Père, tout vous est possible. Mais il se reprit disant, cependant que votre volonté se fasse et non la mienne.

Sa volonté et celle de son Père étaient une, même s’il s’émouvait en face des multiples formes de la mort, il se sacrifiait par amour pour la cause des faiblesses de la race humaine. Toutes espèces de méchancetés, de vices, d’ingratitudes, se déversèrent avec leurs punitions. L’homme en lui ressentit les terreurs de la mort, des souffrances expiatoires, avec autant de démons qui l’oppressaient et l’attaquaient. Couvert de sueur, il tomba çà et là en se tordant les mains et tremblotant de froid.

22 h 30 Il se releva malgré que ses genoux le portaient avec peine. Totalement défait et méconnaissable, cheveux hérissés, lèvres blanches, baigné de sueur et tombant à chaque pas qu’il faisait pour se traîner jusqu’aux trois apôtres sur la plateforme, il les trouva allongés en train de dormir, assommés de fatigue et d’inquiétude. Le seigneur alla vers eux comme un homme terrorisé d’angoisse va vers ses amis, aussi comme un berger va au-devant de son troupeau quand un danger menace, car il les savait dans l’angoisse et la tentation. En approchant, de terribles visions le harcelèrent, il joignit les mains et tomba avec tristesse auprès d’eux. Dans son délaissement, il dit d’une voix éteinte :

— Dors-tu Simon... Ne pouviez-vous veiller une heure avec moi ?

Ils se réveillèrent et le soutinrent, car il chancelait. Ils ne savaient plus quoi penser. S’il ne leur avait pas jadis apparu entouré de cette lumière bien connue ils n’auraient jamais retrouvé en lui ce Jésus.

— Maître qu’avez-vous ? dit Jean. Est-ce que je dois appeler les autres, devons-nous fuir ?

— Même si je vivais trente-trois ans à guérir et enseigner encore, cela ne suffirait pas pour faire ce qu’il me reste à faire d’ici demain, répondit Jésus. N’appelle pas les huit que j’ai mis de côté, car ils ne pourraient me voir dans la détresse sans se choquer, ils tomberaient dans le doute et m’oublieraient après de nombreuses tentations. Mais vous qui avez vu le fils de l’homme transfiguré, vous pouvez le voir assombri et délaissé. L’Esprit est vivant, mais la chair est faible, veillez pour ne pas sombrer sous les tentations et priez.

Il parlait pour eux et pour lui aussi. Pour les encourager à persévérer, il leur enseigna à surmonter la faiblesse et la mort. Après un quart d’heure, il retourna dans la grotte accablée de tristesse, son angoisse augmenta encore. Ils tendirent les mains vers lui puis tombèrent en larmes dans les bras l’un de l’autre se demandant :

— Qu’est-il arrivé pour qu’il soit si éprouvé...

Ils se couvrirent la tête tristement et commencèrent à prier. Il s’était passé une heure et demie depuis leur arrivée au jardin des oliviers comme dit l’écriture : N’avez-vous pu veiller une heure avec moi ? Mais cela ne doit pas être pris à la lettre, à notre manière de compter. Les trois apôtres ont d’abord prié puis ils se sont rendormis, par manque de confiance ils retombèrent sous la tentation. Attendant à l’entrée du jardin des oliviers, les huit apôtres ne dormaient pas, la tristesse de Jésus dans ses dernières paroles les avaient mis dans l’inquiétude, ils se traînaient en cherchant où se cacher sur le mont des oliviers en cas de danger. De l’autre côté, les disciples et amis de Jésus, aussi inquiétés, marchaient et parlaient ensemble dans l’attente de quelque événement. Il n’y avait aucun bruit ce soir dans Iérusalem, les juifs faisaient les préparatifs de la fête dans leurs maisons et les campements des étrangers venus pour Pesah n’étaient pas près du mont des oliviers. Les dévotes, c’est-à-dire la mère du seigneur, Marie-Magdala, Marthe, Marie de Cléophas, Marie-Salomé et Salomé, avaient quitté la salle à manger pour aller chez Marie la mère de Marc dont la maison était en bordure de Iérusalem, face au mont des oliviers. Avertie des bruits qui couraient, Marie retourna en ville avec ses amies pour avoir des nouvelles de Jésus. Nicodème et Joseph d’Arimathie vinrent la trouver avec Lazare et sa parenté d’Hébron, comme les disciples ils avaient eu connaissance des inquiétantes prophéties de Jésus dans la salle à manger et étaient allés s’informer chez des pharisiens de leur connaissance ; ils n’avaient rien appris d’une prochaine tentative contre le seigneur et disaient que le danger ne pouvait être très grave, qu’on n’attaquerait pas le seigneur si près de la fête. Ils ne savaient rien encore de la trahison de Judas, et Marie leur dit qu’il était agité ces derniers jours et sûrement parti le trahir après avoir quitté la salle à manger, qu’elle l’avait souvent averti d’être un fils de perdition. Puis les dévotes retournèrent chez Marie la mère de Marc.

Expiations à faire | visions

L’âme aux douleurs, Jésus revint dans la grotte et se prosterna sur son visage, bras étendus, il pria son Père céleste. Un nouveau combat de trois quarts d’heure débuta. Des anges vinrent lui révéler les souffrances qu’il devait assumer pour expier les péchés. Ils lui montrèrent l’homme avant sa chute à la belle ressemblance de Dieu et comment il s’était défiguré. Ils lui firent voir la racine d’où sortait la convoitise, sa nature et ses ravages chez les humains, du premier péché jusqu’aux derniers, et l’équivalent de leurs châtiments en disgrâce et durée. Ils lui expliquèrent quelles souffrances il lui fallait subir en son âme et corps pour réparer la justice divine et acquitter ainsi les châtiments redevables à la convoitise de la race humaine, jusqu’à ce que les dettes de la race humaine soient entièrement payées par le fils de Dieu, seul humain exempt de péché. En prenant sur lui les châtiments redevables par la race humaine, il lui fallait aussi surmonter la répugnance de la mort et ses souffrances. Les anges lui révélèrent tout par différentes visions. Une sueur de sang coula sur le front de Jésus, son épouvante à la vue de ces expiations était telle qu’on ne peut la définir, l’humanité du seigneur fut oppressée sous la masse effroyable de douleurs et d’horreurs à acquitter. Dans un mouvement de compassion, les anges souhaitaient le réconforter et prièrent vivement devant le trône de Dieu pour l’amour qui se sacrifiait, et en un instant il fut entre la miséricorde et la justice de Dieu. Dieu révéla sa présence sous forme lumineuse, où la divinité du fils était l’essence même de son Père et de l’Esprit saint qui procédait du Père au fils.

Le fils était un peu en retrait dans le Père afin que son humanité porte les souffrances et que sa volonté humaine ne cesse de prier le Père de les détourner. À la compassion des anges, dans leur désir de le réconforter, au même instant Jésus reçut du soulagement, puis tout disparut et les anges partirent. Il allait devoir subir de nouvelles attaques. Sur le mont des oliviers, alors que Jésus se soumettait à l’épreuve de la répugnance de la mort et ses douleurs, il fut décidé qu’il les ressente afin de les surmonter, les subir faisait partie des souffrances, et il fut permis au tentateur de faire ce qu’il fait à tout homme qui veut se sacrifier pour une sainte cause. À la première agonie, il montra à Jésus l’énormité de la dette qu’il devait acquitter, satan alla même jusqu’à inventer des péchés dans ses oeuvres. À la seconde agonie, les anges montrèrent à Jésus les douleurs expiatoires nécessaires pour acquitter la justice divine dans toute l’ampleur de son amertume. Cela lui fut révélé par les anges, car le père du mensonge ne peut pas montrer d’expiation possible, ce désespéré ne montre pas comment s’exerce la compassion divine.

L’assemblée | visions

Par sa complète soumission à la volonté du Père, Jésus ayant gagné le combat sans opposer aucune résistance, un nouveau cercle de visions lui fut montré. Comme chez tout homme qui se dévoue par sacrifice, le doute souleva cette inquiétante question : de quel profit sera ce sacrifice... Et son coeur se consterna à la vue du pire avenir. Quand Dieu créa le premier homme, Il lui envoya le sommeil et ouvrit son côté pour prendre une de ses côtes et en faire une compagne. Il emmena Ève la mère de tous les vivants devant Adam qui déclara : Chair de ma chair, os de mes os, l’homme quittera Père et mère pour s’attacher à sa femme et être une seule chair. Jésus le nouvel Adam va accueillir le sommeil - la mort de son corps sur la croix, il va laisser ouvrir son côté à la nouvelle Ève - l’assemblée litt. église, fiancée pure et mère des vivants. Il va donner le nouveau sang du salut, l’eau de purification et l’Esprit à la race humaine, trois témoins de la fiancée sans tache. En donnant sa chair, il veut être sa tête et nous les membres soumis à sa tête, chair de sa chair, os de ses os. Prenant la nature humaine pour subir la mort pour nous, il quitte Père et mère pour s’attacher à sa fiancée, la nourrir de sa chair et devenir une seule chair avec elle. Il veut être avec l’assemblée sur terre et que nous soyons unis en lui fermement comme il a dit : Les portes de l’enfer n’auront pas avantage sur elle.

Résolu à exercer un amour sans limite envers les pécheurs repentants, Jésus devient le frère des pécheurs repentants et prendre sur lui les châtiments redevables à leurs crimes. Il regarda tristement la dette immense et les douleurs qui allaient tout réparer, et abandonna tout son être comme victime expiatoire suivant la volonté du Père, béni soit-il. Voyant les douleurs des coups et des blessures à venir, bien décidé à racheter sa fiancée céleste au prix de son sang, il vit aussitôt l’ingratitude des hommes. Les difficultés de ses apôtres, ses disciples et ses amis se montrèrent à lui et il vit l’assemblée peu nombreuse à cause de divergences ; les dissociations survenaient sous l’orgueil et la désobéissance, et augmentaient en répétant la chute du premier homme ; il vit la mauvaise tiédeur d’innombrables croyants, de ceux qui s’étaient souillés de mensonges, les prétendus docteurs et leurs tromperies, l’héritage spirituel pollué par les sacrificateurs prêtres pourris et les conséquences néfastes de leurs actes, l’abomination de la désolation dans le royaume de Dieu et dans le sanctuaire causée de cette ingrate humanité qu’il veut racheter de son sang au prix de souffrances innommables.

Ingrats | visions

Les scandales défilèrent en série devant Jésus, les scandales des temps passés jusqu’à notre temps à la fin du monde, dont les causes se basaient sur des erreurs, des faussetés, des entêtements, des moqueries, des trahisons, des déviances de réformateurs d’apparence sainte, de fanatiques enragés. Certains insinuaient de n’avoir pas été bien crucifié, d’autres de n’avoir pas souffert comme ils supposaient, et déchiraient la robe sans couture de son assemblée parce qu’ils ne l’acceptaient pas comme il avait donné dans la largesse de son amour. Beaucoup dans son assemblée le maltraitaient, l’insultaient, le reniaient, haussaient les épaules ou secouaient la tête pour éviter ses bras tendus, et allaient tous dans l’abîme se faire engloutir. D’autres sans nombre, qui n’osaient pas le renier ouvertement, s’éloignaient de son assemblée, dégoûtés de ses maux, comme le lévite s’éloigne de l’homme dépouillé par les voleurs, et s’écartaient de sa fiancée blessée comme les lâches abandonnent leur mère quand des voleurs et des meurtriers viennent la nuit, à qui ils ont laissé la porte ouverte par négligence ou déloyauté. Jésus les vit prendre le butin et emporter au désert des vases d’or et des colliers brisés ; il les vit tous loin de la vraie vigne, dispersés dans les raisins sauvages comme des troupeaux égarés, livrés en pâture aux loups ou conduits par des mercenaires dans de mauvais pâturages, refusant d’entrer dans le refuge du bon berger qui donne sa vie pour ses brebis. Ils erraient dans le désert, agités aux vents au milieu des sables, sans patrie, refusant de voir sur la montagne la ville qui ne peut se cacher, maison bâtie sur le roc de la fiancée son assemblée à qui il promet d’être près d’elle jusqu’à la fin des siècles et que les portes de l’enfer n’aient pas avantage sur elle. Il vit ceux qui refusaient de passer par la porte étroite pour ne pas avoir à s’humilier, et suivaient ceux qui prenaient la porte large pour construire des cabanes sur le sable, qu’ils défaisaient et refaisaient sans cesse où il n’y avait ni sacrifice ni autel. Ils avaient sur leur toit des girouettes qui tournaient au vent comme leurs doctrines, se contredisaient sans pouvoir s’entendre, sans jamais de position fixe, et renversaient leurs cabanes en lançant leurs débris sur la pierre angulaire imperturbable de l’assemblée. Beaucoup de leurs maisons étaient dans l’obscurité, mais ils ne venaient pas sous la chandelle de la maison de l’épouse, ils traînaient autour des jardins de l’assemblée, yeux fermés, vivant des parfums qui s’en dégageaient. Ils ouvraient leurs bras à de sombres idoles pour suivre des astres errants qui les emmenaient à des puits sans eau. Au bord du gouffre et dévorés par la faim, ils refusaient d’entendre l’épouse qui les appelait, riant avec arrogance aux serviteurs envoyés pour les inviter au festin nuptial, refusant d’entrer dans le jardin à cause de la haie épineuse. Ils n’avaient ni blé ni vin à leur faim, aveugles imbus d’eux-mêmes, disant ne pas voir dans l’assemblée le verbe fait chair. Jésus pleura. Il voulut souffrir même pour ceux qui refusaient de le voir, ou refusaient de porter leur croix avec lui jusqu’à la montagne de la ville bâtie sur le roc et manger de son pain et son vin. Une grande multitude rachetée par son sang se fit étranglée, violemment arrachée par satan, malgré avoir reçu une sanctification litt. consécration. Jésus vit le repli des premiers croyants à présent et à venir, tandis que la voix du tentateur lui répétait sans cesse :

— Veux-tu souffrir pour des ingrats pareils ?

Il sentit l’oppression. Le fils de l’homme lutta, il joignit les mains et tomba accablé à genoux, sa volonté humaine livra le difficile combat de surmonter le dégoût devant une race si ingrate envers Dieu. Une sueur de sang coula tout le long de son corps jusqu’au sol et il dit plusieurs fois :

— Mon Père, est-il possible de souffrir pour tous ces ingrats... O mon Père, que votre volonté se fasse si cette coupe ne peut pas s’écarter de moi.

Il semblait crier, est-ce possible de supporter une telle ingratitude ? Je vous prends à témoin de ce que j’endure. Regardant autour, cherchant du secours dans sa détresse, prenant à témoin de ses souffrances le ciel, la terre et les astres du ciel. Au même moment dans la grotte il fit plus clair comme si la lune et les étoiles s’étaient rapprochées, et Jésus cria de douleur. Les trois apôtres se réveillèrent et voulurent le rejoindre. Pierre dit à Jacob et Jean :

— Restez, je vais aller à lui.

Il entra vite dans la grotte et dit :

— Qu’avez-vous maître ?

Il vit Jésus terrorisé et en sang qui ne semblait pas faire attention à lui et ne répondait pas. Pierre revint dire que le seigneur n’arrêtait pas de gémir. Alors ils se couvrirent la tête et prièrent assis avec tristesse et larmes.

Légions du mal | visions

Quand satan se montrait, il empruntait pour chaque péché des têtes d’animaux de renard, loup, dragon, serpent, tigre et même homme noir, pour marquer l’abomination du péché avec les démons. Ceux-là entraînaient les hommes par multitude et les déchiraient devant le seigneur qui voulait subir le douloureux chemin de la croix pour leur délivrance. Souvent ensuite satan emprunta la forme d’un serpent ayant un serre-tête sur la tête qui lacérait de sa queue ceux qu’il renversait, et envoyait ses légions avec leurs outils de destruction. Certains semblaient aveugles, ils se frappaient entre eux et revenaient avec furie écraser le seigneur d’injures et de malédictions. Ils frappaient sans relâche, le transperçant de glaives ou de pieux comme des batteurs de grain dans une aire immense en rage contre le grain de blé céleste tombé sur terre pour y mourir et nourrir tous les hommes du pain de vie éternelle. Jésus chancela sous leurs coups, il tombait, mais se relevait chaque fois. Ces légions d’enragés étaient de ceux qui maltraiteraient son corps saint et saint-sacrement dans l’avenir par toutes sortes de déviances - des aveugles, infirmes, sourds, muets, et même des enfants qui ne voulaient pas regarder la vérité, qui refusaient de marcher dans la vérité, qui n’écoutaient pas ses avertissements face aux menaces, qui ne voulaient pas combattre par la Parole ; des enfants perdus à cause de parents mondains ou maîtres oublieux de Dieu, nourris de convoitises terrestres, ivres de vanité, dégoûtés aux choses célestes ou ayant grandi loin d’elles et devenus incapables d’y goûter. Parmi eux beaucoup d’enfants de choeur mal élevés, irrespectueux, qui n’honoraient pas le saint dans les cérémonies où ils prenaient part : ces fautes retomberont en partie sur la négligence des maîtres et des administrateurs d’église. Beaucoup de prêtres, certains même qui se considéraient pleins de foi et piété le maltraitaient au saint-sacrement, beaucoup ne le prenaient pas à coeur, d’autres étaient négligents ; l’autel, le tabernacle, la coupe, l’ostensoir, les vases, les ornements et ce qui sert de parure à la maison du roi du ciel et de la terre, tout était laissé à la saleté et la poussière par indifférence. L’inhospitalité des hommes l’attrista. Le seigneur allait se donner à eux sans se plaindre du verre sale, de l’eau ou du vin souillés, des fidèles qui laissaient la crasse dans le tabernacle de leur coeur. Et ces administrateurs d’églises insensés qui s’empressaient aux projets ambitieux pour contenter les caprices des grands du monde, tandis que le roi du ciel et de la terre était couché devant la porte comme le pauvre Lazare, souhaitant les miettes que la charité ne donnait pas. Les chiens seuls léchaient ses plaies faites par nos mains, pécheurs qui retombent dans le péché comme le chien retourne à son vomi. Un an ne suffirait pas pour rapporter les adversités qu’on faisait sur le corps de Jésus et au saint-sacrement. Les membres de l’assemblée qui se réuniraient après son sacrifice, se sépareraient, s’isoleraient, et se disperseraient. Il les regarda tendrement dans ses visions et pleura de les avoir perdus. Ceux qui s’écartaient de l’assemblée replongeaient dans les faussetés, sensibles au serpent qui les agitait ; des peuples entiers furent arrachés de son sein, privés de participer aux grâces de l’assemblée. Déchiré en mille et laissé aux angoisses, Jésus sentit le poison dissocier l’arbre de ses branches et ses fruits, et toutes dissociations jusqu’à la fin des temps quand le blé sera placé dans les greniers et la paille dans le feu. Mon-fiancé céleste plaça gracieusement la main sur le coeur par ces mots :

— Nul n’a encore vu cela, et ton coeur serait brisé de douleur si je ne le soutenais pas.

Fin des visions infernales | visions

De grosses gouttes de sang coulaient sur son visage. Jésus sortit de la grotte écrasé d’une lourde charge, l’âme profondément blessée. Les trois apôtres s’étaient assoupis assis sur leurs genoux, tête couverte comme en deuil, vaincus de tristesse et de fatigue. Jésus gémit. Ils se réveillèrent à son approche, mais sous le clair de lune ils ne reconnurent pas son visage défiguré couvert de sang et ses cheveux désordonnés. Le seigneur joignit ses mains et ils se levèrent aussitôt le soutenir avec affection.

Il leur annonça sa mise à mort pour le lendemain, qu’il serait pris dans une heure pour être emmené dans un tribunal où il sera insulté et calomnié, puis il sera fouetté et livré à une mort cruelle. Il ne leur parla que quelques minutes. Ils ne répondirent pas, ne sachant pas quoi dire tant sa figure et son discours étaient graves, peut-être délirait-il ? Il leur demanda de consoler sa mère ainsi que Marie-Magdala.

23 h 15 Le seigneur voulut retourner dans la grotte, mais trop faible pour avancer, Jean et Jacob l’emmenèrent et revinrent ensuite. À ce moment-là les huit apôtres, ayant regagné les cabanes de Getsemaneh après avoir cherché un endroit où se cacher, finirent par s’endormir découragés, perturbés de tentations. Les autres disciples ayant d’abord vaqué d’un côté et d’autres, la plupart se retirèrent à Bethphagé lorsqu’ils eurent connaissance des prophéties de Jésus. Lors de ses agonies, sa dévote mère perdit conscience plusieurs fois après avoir vu de ces choses, la tristesse et l’angoisse la firent plier en deux à genoux sur une pierre du jardin de Marie la mère de Marc, avec Marie et Marie-Magdala. Marie-Magdala aussi était sensible aux souffrances de notre-seigneur, c’est pourquoi il la recommanda aux disciples, il vit qu’elle souffrirait beaucoup pour lui et qu’elle ne l’offenserait plus. De nouveau dans la grotte, luttant sans relâche contre la répugnance des penchants humains, épuisé de fatigue Jésus pria :

— Mon Père, éloigne de moi cette coupe si c’est ta volonté, mais que ta volonté se fasse non la mienne.

Nos patriarches | visions

L’abîme s’ouvrit. Les premières marches du purgatoire se montrèrent au bout d’un lumineux tunnel. Jésus vit Adam et Ève, tous les patriarches avec les prophètes, les justes, les parents de sa mère et Jean le baptiste qui attendaient sa venue dans le monde d’en-bas. Son coeur se fortifia à leur vue, car sa mort allait tirer ces captifs de la prison, et leur ouvrir le ciel. Jésus vit tous ces saints de l’ancien monde avec un regard de consolation et d’affection. Les anges lui montrèrent aussi les bienheureux qui avaient joint leur combat au sien et s’unirent au Père céleste par les mérites de son sacrifice litt. Passion. Ils passèrent en foule devant lui investis de leurs actions et souffrances par ordre de date, de classe et dignité, apôtres, disciples, vierges et dévotes, martyrs, confesseurs, ermites, papes, évêques et religieux, en grandes troupes. Toute l’armée des bienheureux se présenta à ses yeux. Jésus vit la sanctification libératrice jaillir en flots continus de la source ouverte par son crucifiement. Sur leur tête des couronnes de victoire formées de fleurs, dont les couleurs, les odeurs et vertus variaient selon les souffrances du combat qui leur avaient valu la victoire éternelle par leur union aux mérites de Jésus. Ces bienheureux exerçaient les uns sur les autres une influence réciproque qui puisait dans l’unique source du corps et saint-sacrement du sacrifice de Jésus. Tout en eux formait une unité harmonieuse, travaux, martyr, victoire, vêtement, aspect. Bien que diversifiée, cette unité travaillait dans les rayons de l’unique soleil de son sacrifice et de sa parole faite corps qui éclaire les ténèbres, vie et lumière des hommes. Lorsque la communauté des saints passa devant Jésus, il se trouvait placé entre l’attente espérée des patriarches et la victoire à venir des bienheureux. Entouré de ces deux groupes comme une couronne de victoire, Jésus retrouva force et consolation. Ces visions de l’avenir planaient à une certaine hauteur, et quand ces consolations disparurent un grand nombre d’anges lui montrèrent son sacrifice très proche, tout près du sol.

Crucifiement | visions

Des scènes apparurent clairement devant lui depuis le baiser de Judas jusqu’à ses dernières paroles sur le bois dans les moindres détails, Judas, fuite des disciples, Ananus, Caïphe, Pilate, Hérode, condamnation, couronne d’épines, portage de la croix, mère, bourreaux, Véronique, mis en croix, coup de lance. Jésus vit tout, entendit tout et perçut toutes les âmes, de son propre gré il accepta tout par sacrifice d’amour pour les humains. Il pria pour qu’un état de nudité totale lui soit épargné et il lui fut accordé d’avoir les reins ceints. À la fin des visions de souffrance, quand les anges disparurent, Jésus tomba comme mort. Les sueurs de sang abondèrent et imprégnèrent son vêtement. La grotte était encore dans l’obscurité lorsqu’un grand ange ayant une longue robe bordée de franges vint vers Jésus, il apportait dans ses mains une petite coupe de lumière rougeâtre et une petite fève sans que ses pieds touchent sol. L’ange tendit sa main droite au seigneur et Jésus se releva. Il mit cette nourriture à sa bouche et lui fit boire la coupe lumineuse, puis il disparut. Jésus reçut une nouvelle force. Il resta quelques minutes plongé dans une paisible méditation et rendit grâces à son Père céleste. Il fut réconforté. Il revint sans chanceler vers les disciples, essuya son visage avec un linge et remit de l’ordre dans ses cheveux humides de sueur de sang.

Tribunaux

2

Depuis déjà longtemps quelques sadducéens rusés incitaient Judas à trahir, il s’était alors mis en relation avec quelques pharisiens, fatigué de la vie errante et persécution d’apôtre. Ces derniers mois il n’avait pas arrêté de voler les aumônes dont il était le dépositaire et son avidité poussa plus quand il s’indigna que Marie-Magdala verse un parfum d’aussi grande valeur. Il avait rêvé d’un empire temporel où il aurait un emploi avantageux, mais ne voyant rien venir il chercha qu’à s’amasser du capital et se mettre sous la protection des forts de ce monde face aux persécutions et difficultés croissantes, et l’autorité du grand cohen lui fit impression. Récemment encore ils vinrent à différentes reprises le trouver à Béthanie et ces derniers jours Judas avait multiplié les démarches pour décider les chefs-sacrificateurs à agir, et le sanhédrin fut intéressé à sa proposition. Voulant se rendre agréable aux pharisiens et recevoir la récompense promise en livrant Jésus, Judas ne pensait pas que la conséquence serait la condamnation de Jésus, ses pensées n’allaient pas jusque là, seul l’argent le préoccupait. Encore malintentionné malgré avoir reçu de Jésus le pain et le vin, satan s’empara de lui pour accomplir son forfait. Car satan soulevait d’un côté la haine parmi les ennemis de Jésus, de l’autre il dit à plusieurs que Judas n’était qu’un misérable, et encore qu’on ne pourrait pas rendre un jugement avant la fête ni réunir un nombre suffisant de témoins contre Jésus. Autant satan poussait les juifs qui détestaient Jésus à vouloir sa mort, autant il craignait la mort d’une innocente victime qui ne se dérobait pas à ses persécuteurs. Aussi chacun mit en avant une différente proposition et on demanda à Judas :

— Pourrions-nous le prendre ? N’a-t-il pas des hommes armés avec lui ?

— Il est seul avec onze disciples peureux et lui-même est découragé.

Judas leur dit qu’il fallait prendre Jésus maintenant ou jamais, car il ne pourrait leur livrer une autre fois vu qu’il ne retournerait peut-être plus vers lui. Il leur dit que s’ils ne le prenaient pas maintenant Jésus viendrait se faire roi avec une armée de partisans. Cet argument fit effet et on s’accorda à son avis. Il reçut trente pièces d’argent comme prix de sa trahison. Voyant alors dans leurs manières du mépris à son égard, Judas poussa l’orgueil en proposant de remettre cet argent au Temple et passer pour un homme désintéressé mais ils refusèrent car le prix du sang ne pouvait pas être offert au Temple. Quand Judas vit leur mépris envers lui, il eut un sentiment de trahison qui lui donna un profond goût amer, sans pouvoir se rétracter, mais ils ne le laissèrent pas repartir sans indiquer le chemin à suivre pour prendre Jésus, accompagné de trois pharisiens. Judas dit que Jésus n’était plus dans la salle à manger, mais sûrement au mont des oliviers où il avait l’habitude de prier. Il demanda de n’envoyer avec lui qu’une petite troupe de peur que les disciples s’aperçoivent de quelque chose et soulèvent une sédition. Trois cents hommes devaient se poster à Ophel, au sud du Temple, en cas de renfort, car le petit peuple d’Ophel était des partisans de Jésus, dit-il. Il dit aussi de prendre garde que Jésus s’échappe par des moyens mystérieux et recommandait de l’attacher à une chaîne qu’il ne pourrait briser par des moyens magiques. Les juifs eurent du dédain et répondirent :

— N’en impose pas. Nous ne le laisserons pas s’échapper si nous le tenons.

Judas fut vexé de leur dédain, mais ne se repentit pas, car il s’était donné à satan (par l’argent).

Ils donnèrent l’impression de s’accorder avec lui mais ils agissaient à son vis-à-vis comme un traître à qui on ne se fie pas, qu’on repousse après s’être servi. Les soldats avaient reçu l’ordre de le surveiller de près et ne pas le laisser aller jusqu’à ce que Jésus soit amené ; parce qu’il avait reçu son prix d’avance, ils craignaient qu’il parte avec l’argent sans prendre Jésus. La troupe de vingt soldats qui accompagnerait Judas était de la garde du Temple sous les ordres d’Ananus et de Caïphe. Leur tenue ressemblait à celle des soldats romains, seule la barbe différait car les romains ne la portent qu’aux joues. Tous étaient armés d’épées et de quelques piques, portant des torches et lanternes sur bâton, mais ils n’en allumèrent qu’une. La plus grande partie des gardes resta à Ophel en cas de soulèvement en faveur de Jésus. Judas partit avec vingt (20) soldats, suivis de quatre (4) mercenaires apportant des cordes et des chaînes, derrière eux les six (6) agents pharisiens en relation avec Judas, un (1) sacrificateur proche d’Ananus, un (1) partisan de Caïphe, deux (2) pharisiens et deux (2) sadducéens ennemis acharnés du seigneur.

3

Arrivés à la porte de la vallée de Josaphat, les soldats prirent un autre ton et devinrent rudes avec Judas. Jésus et les trois apôtres marchaient sur le chemin qui sépare Getsemaneh du jardin des oliviers tandis que Judas se trouvait à vingt pas d’eux à l’entrée du chemin. Il voulut aborder Jésus seul, mais les soldats du Temple lui dirent :

— Pas ainsi camarade, tu n’échapperas pas tant que nous n’avons pas le galiléen.

Quand Jésus et les apôtres virent le groupe armé, Pierre voulut les affronter par la force et dit :

— Seigneur, attaquons les mercenaires, les huit sont tout près d’ici.

Jésus lui dit de rester tranquille et il se mit en arrière. Quatre apôtres venus du jardin de Getsemaneh demandèrent ce qui se passait, c’était Jacob le-mineur, Philippe, Thomas, et Nathanael fils du vieux Siméon, avec eux des disciples qui les avaient rejoints à Getsemaneh. D’autres disciples aux aguets se tenaient prêts à fuir. Les gardes empêchèrent Judas de leur parler. Jésus s’avança vers la troupe et leur dit à haute voix :

— Qui cherchez-vous ?

— Jésus de Nazareth, dit le soldat en chef.

— C’est moi.

Ils reculèrent à ces mots et tombèrent comme pris de paralysie. Quand Judas voulut s’approcher, Jésus lui tendit la main et dit :

— Mon ami, qu’es-tu venu faire ici ?

Judas marmonna quelque chose sur une affaire. Jésus dit qu’il aurait mieux valu pour lui de n’être jamais né. Pierre et les autres encerclèrent Judas en le traitant de traître et de voleur. Judas se mit à mentir et les mercenaires vinrent le défendre, ce qui témoigna contre lui. Les soldats une fois debout s’approchèrent de Jésus en attendant le signe du traître.

— Qui cherchez-vous ? leur dit encore Jésus.

— Jésus de Nazareth, dirent-ils.

— Je vous l’ai déjà dit, c’est moi. Si c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci.

À ces mots les soldats tombèrent saisis de convulsion. Jésus leur dit de se relever, ils furent terrorisés. Les apôtres serraient Judas de près mais les gardes le dégagèrent en le sommant de donner le signal prévu.

Judas vint vers Jésus, il lui donna un baiser en disant :

— Je te salue.

— Tu trahis le fils de l’homme d’un baiser Judas, dit Jésus.

Les soldats entourèrent Jésus et les mercenaires se saisirent de lui. Les apôtres se jetèrent aussitôt sur les soldats en criant :

— Devons-nous frapper avec l’épée, maître ?

Pierre prit l’épée et blessa l’oreille de Malchus qui tomba, il était le valet du grand cohen. Bien qu’encore secoués de leur chute, les soldats encerclaient Jésus sans quitter les mercenaires. Jésus dit :

— Pierre, remets ton épée dans l’étui. Qui prend l’épée périra par l’épée. Penses-tu que je ne puisse prier mon Père de m’envoyer plus de douze légions d’anges ? Ne dois-je plutôt pas vider la coupe que mon Père m’a donnée à boire, comment l’écriture s’accomplirait si ces choses ne se faisaient pas... Laisse-moi guérir cet homme.

Il toucha l’oreille de Malchus et pria, il le guérit. Les disciples s’enfuirent dans toutes directions et les six pharisiens calomnièrent Jésus :

— Quel agent du diable. L’oreille a paru blessée par ses sortilèges et ces mêmes sortilèges l’ont guérie.

— Vous êtes venus avec des bâtons et des pieux comme pour un assassin alors que j’ai enseigné dans le Temple tous les jours parmi vous et vous n’avez pas mis la main sur moi. Voici votre heure, l’heure du pouvoir des ténèbres est venue, leur dit Jésus.

— Tu ne peux pas nous renverser avec tes sortilèges, dirent-ils en donnant ordre de l’attacher.

— Nous saurons mettre fin à tes pratiques, dirent les autres.

Les quatre mercenaires ni les six pharisiens ne furent renversés parce qu’ils étaient totalement sous les liens de satan, ainsi que Judas près des soldats. Tous ceux qui furent renversés se convertirent, ce fut signe de la conversion des soldats qui avaient encerclé Jésus sans vouloir mettre la main sur lui. Après sa guérison Malchus se convertit aussi, mais continua son service pour garder l’ordre, et dans les heures qui suivirent il servit de messager à d’autres amis de Jésus et à sa dévote mère en leur rapportant ce qui se passait. Alors que les pharisiens multipliaient moqueries et insultes, les mercenaires attachèrent Jésus avec brutalité. De basse souche, ces païens d’un teint brun rougeâtre étaient petits et robustes, très agiles, n’ayant qu’une toile sur les reins et un haut sans manche. Ils serrèrent des cordes neuves à ses bras, poignet droit sous coude gauche, lui mirent une ceinture à pointes de fer, un collier de piquants rattaché à la ceinture par des lanières croisées sur le torse, avec quatre longues cordes pour tirer à volonté. D’autres torches furent allumées et ils se mirent en marche ; en avant dix des vingt hommes de la garde du Temple, suivis des mercenaires, de Jésus, des pharisiens et des dix autres soldats de la garde du Temple. Les pharisiens donnèrent l’ordre d’arrêter Jean qui était à l’arrière, mais il s’enfuit en leur laissant son manteau, n’ayant plus qu’un vêtement sans manche. Ce manteau dont Jean se couvrait tête, cou et bras était une longue toile ordinaire aux juifs. Les apôtres se tenaient à distance, dépassés et en sanglot. Jésus allait pieds nus dans une longue robe de laine sans couture avec une autre par-dessus en plus du sous-vêtement qui couvre la peau. Les juifs comme les disciples en général couvrent leur peau d’un talith qui se composait de deux morceaux qui se joignent aux épaules et ouverts aux côtés, ils couvraient leurs reins d’un sous-vêtement fait de quatre morceaux. Ils traitaient Jésus comme un criminel, sans aucun ordre ni mandat. Les mercenaires le frappèrent avec des cordes à noeuds à bétail et l’insultaient pour flatter ces pharisiens. Jésus tomba deux fois sous leur brutalité. Ils marchent vite et traverseront bientôt le pont du Cédron. Au milieu du pont ils le poussèrent dans le torrent. Ses pieds se mirent à saigner suite aux coupures des pierres et des épines, sans l’assistance divine cela aurait suffi à le tuer ; les cordes se détachèrent aux mains et il put protéger son visage des rochers. L’impact de sa chute laissa une empreinte sur le rocher. Il but de l’eau au Cédron selon l’écriture : Il boit au torrent en chemin, c’est pourquoi il relèvera la tête.

Parole de Iehvah à mon-seigneur : Assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. Iehvah étendra de Sion le sceptre de ta puissance pour dominer au milieu de tes ennemis. Ton peuple est plein d’ardeur quand tu rassembles ton armée avec des ornements sacrés. Du sein de l’aurore, ta jeunesse vient à toi comme une rosée. Iehvah l’a juré et ne s’en repentira pas, tu es sacrificateur pour toujours à la manière de Melchisédec. Le Seigneur à ta droite brise des rois le jour de sa colère, Il exerce la justice parmi les nations, tout est plein de cadavres, Il brise des têtes sur toute l’étendue du pays. Il boit au torrent pendant la marche, c’est pourquoi il relèvera la tête. (Psaumes 110)

23 h 45 Les mercenaires le remontèrent sur le pont au bout de leurs cordes. Les six pharisiens le repoussaient de leurs bâtons en lui disant :

— Son annonciateur Jean le baptiste ne lui a pas préparé un bon chemin ici.

— J’envoie devant toi mon ange pour te préparer le chemin ne s’applique pas ici.

— Pourquoi ne ressuscite-t-il pas Jean d’entre les morts pour lui préparer la voie.

À quelques minutes de la porte du quartier Ophel situé sur le mont Sion où habitaient Ananus et Caïphe, les soldats donnèrent le signal de renfort quand ils virent des gens et une troupe de cinquante (50) avec des torches. Malchus et quelques soldats de la garde se détachèrent du groupe et s’enfuirent vers le mont des oliviers. Siméon, Nathanael et les huit apôtres partirent alerter les dévotes, la mère de Jésus, Marthe, Marie-Magdala, Marie de Cléophas, Marie-Salomé, Marie mère de Marc, Suzanne, Jeanne Chusa, Véronique et Salomé.

Au sud du Temple était Ophel, une colline emmurée, Judas dit que les habitants d’Ophel pouvaient tenter quelque chose pour le libérer car ils étaient en faveur de Jésus. Mais la plupart n’étaient que de pauvres journaliers, porteurs d’eau ou de bois pour le Temple, et des maçons blessés que Jésus avait guéris après le meurtre de Jean le baptiste.

Quand la communauté des croyants se distingua des juifs, ils s’installèrent et aménagèrent leurs tentes et leurs cabanes dans Ophel jusqu’au mont des oliviers. Étienne en faisait partie. Réveillés par les soldats, les habitants d’Ophel sortirent pour voir ce qui se passait mais les soldats les repoussèrent brutalement dans leurs maisons en disant :

— Jésus votre faux prophète est emmené prisonnier et sera mis en croix. Le grand cohen ne peut pas laisser ce malfaiteur continuer le métier qu’il fait.

Ils commencèrent à gémir en courant de côté et d’autre, certains même se jetèrent à genoux en criant en faveur de Jésus, les bras tendus vers le ciel. Ils suivirent Jésus des yeux, disant :

— Qui nous aidera...

— Qui nous consolera et nous guérira...

— Rendez-nous cet homme.

La troupe s’arrêta un instant quand un soldat ordonna aux mercenaires de relâcher un peu les liens. Un deuxième soldat apporta de l’eau d’une fontaine voisine et Jésus le remercia en quelques mots et prophétisa sur les sources d’eau vive. Cela raviva les railleries des pharisiens. Ces deux soldats se convertirent avant sa crucifixion et rejoignirent les disciples. Des gens du peuple, des racailles de dernier rang, se joignaient aux soldats et se mettaient déjà à calomnier Jésus. Les soldats passèrent une porte de la muraille et marchèrent jusqu’à la rue Millo, puis au sud, et montèrent de grands escaliers avant d’arriver chez Ananus. Les mercenaires frappaient Jésus, tombé sept fois sous la violence des coups. Pierre et Jean suivaient de loin et vinrent chez des serviteurs d’Ananus que Jean connaissait afin d’avoir accès à la salle du tribunal où serait conduit Jésus ; ils furent vêtus de leur tenue pour les faire entrer au tribunal où se trouvaient déjà les faux témoins. Les messagers officiels coururent à travers la ville réveiller les anciens du peuple, des sadducéens, des hérodiens, scribes et autres qui devaient prendre part au procès. Les apôtres allèrent avertir Nicomède et Joseph d’Arimathie ainsi que d’autres membres du conseil bien intentionnés, dont certains amis du seigneur que les pharisiens n’avaient pas convoqués. À ce moment-là Judas vaquait parmi les débris et tas d’immondices qui se trouvaient au bas des pentes du sud de la ville.

4

Ceux que Jésus avait souvent confrontés, des arrogants de Nazareth, Capharnaum, Thirza, Gabara, Jotapat, Siloh et autres villes, se regroupèrent aux pharisiens et sadducéens pour trouver des vauriens qui l’accuseraient contre de l’argent, mais il n’y avait que d’anciens rancuniers. Ce regroupement d’ennemis se composait de pécheurs non-repentis que Jésus refusa de guérir, de pécheurs en rechute redevenus malades, de jeunes vaniteux qu’il n’avait pas voulus comme disciples, de faux héritiers mécontents des biens donnés aux pauvres, de débauchés repoussés par leurs anciens camarades convertis, d’adultères séparés de leurs complices ramenés à la vertu, soit flatteurs, soit instruments de satan ; tous ces juifs avec quelques principaux se mirent en marche pour se présenter au palais de Caïphe et déposer leurs griefs.

Sous Ponce Pilate, cette nuit les souffrances du seigneur commenceront, demain il sera crucifié, descendra aux enfers, sera enseveli, ressuscitera le troisième jour, montera au ciel s’asseoir à droite de notre Dieu et tout-puissant Père, et de là il jugera les morts et vivants, ainsi soit-il.

Beaucoup d’hommes pieux amis de Jésus tournaient ça et là se questionnant sur le mystère qui devait s’accomplir, d’autres indécis quoique bien intentionnés furent ébranlés dans leur conviction et cédèrent à la tentation. Ceux qui persévéraient étaient peu nombreux, plusieurs avaient le coeur si touché devant la résignation du sauveur qu’ils se retirèrent avec tristesse et silence.

5 | 6

24 h Jésus se fit conduire au palais d’Ananus. Les soldats de la garde du Temple le firent entrer avec les mercenaires dans une cour jusqu’à la salle où siégeait Ananus et vingt-huit (28) conseillers placés sur une estrade.

La salle était pleine de soldats du Temple, de juifs du peuple qui n’arrêtaient pas d’insulter Jésus, de domestiques d’Ananus et les témoins qu’il avait rassemblés qui se rendront aussi chez le grand cohen Caïphe.

Ananus | tribunaux

Ananus avait cédé la fonction de grand cohen à son beau-fils Caïphe, sa nouvelle charge maintenant était de prévenir l’intégrité de la doctrine en amenant ceux qu’on accusait dans ce tribunal où il siégeait avec ses membres et les chefs-sacrificateurs. Le visage baissé, les mains liées, rattaché par de longues cordes aux mercenaires, le seigneur Jésus était debout silencieux devant Ananus. Ce vieil homme maigre, la barbe peu fournie, imbu de lui-même, fit l’ignorant jusqu’à feindre l’étonnement que Jésus soit le prisonnier annoncé.

— Comment, c’est toi Jésus de Nazareth... Où sont donc tes disciples, où est ton royaume... Il me semble que les choses n’ont pas tourné comme tu le croyais. On a trouvé que c’était assez d’insulter Dieu et les sacrificateurs, assez de ‘violations’ à shabat . Où sont tes disciples ? Parle donc agitateur ! Séducteur ! N’as-tu pas mangé l’agneau de Pesah d’une manière inhabituelle, en un temps et lieu que tu ne devais pas, veux-tu faire une nouvelle doctrine ? Qui t’a donné le droit d’enseigner, où as-tu étudié ? Parle. Quelle est ta doctrine qui met le trouble partout ? Allons parle, quelle est ta doctrine ?

Jésus leva sa tête fatiguée et dit en regardant Ananus :

— J’ai parlé en public devant tous. J’ai enseigné dans le Temple et les synagogues où s’assemblent les juifs, je n’ai rien dit en secret. Pourquoi m’interroges-tu ? Demande ce que j’ai dit à ceux qui m’ont entendu. Regarde autour de toi, ils savent ce que j’ai dit.

Un mercenaire abject flatteur du grand cohen frappa sa tête d’une main gantée de fer en disant :

— Est-ce ainsi que tu réponds au grand cohen.

Sous la force du coup Jésus tomba dans les marches, son sang coula, il y eut un retentissement d’injures, de rires et de murmures dans la salle. Ils relevèrent Jésus.

— Si j’ai mal parlé, montre-moi en quoi. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? dit-il avec calme.

Ananus ordonna aux plaignants de déclarer ce qu’ils avaient entendu. Il y eut alors une explosion de paroles confuses et grossières :

— Il a dit qu’il était roi, que Dieu était son Père et que les pharisiens étaient adultères.

— Il agite le peuple.

— Il guérit le jour du shabat au nom du diable.

— Les gens d’Ophel l’ont appelé leur sauveur et leur prophète.

— Il se laisse appeler fils de Dieu. Il se dit envoyé par Dieu.

— Il crie malheur à Iérusalem, il prédit la destruction de la ville.

— Il n’observe pas les jeûnes.

— Il parcourt le pays avec une nombreuse troupe.

— Il mange avec des impurs, des pécheurs et des publicains.

— Il fait société avec les femmes de mauvaise vie.

— Tout à l’heure à la porte d’Ophel, il a encore dit à un homme qui lui donnait à boire qu’il lui donnerait l’eau de vie éternelle pour qu’il n’ait plus jamais soif : il séduit le peuple avec des mots à double sens.

— Il dilapide le bien d’autrui.

— Il débite toutes sortes de mensonges sur son royaume.

Ils vinrent tous se plaindre à la fois et les mercenaires le poussaient à répondre. Ananus et ses conseillers dirent :

— C’est donc là ta doctrine, qu’as-tu à répondre ?

— C’est donc là ton enseignement public, le pays en est plein, n’as-tu rien à dire ici ?

— Roi, donne tes ordres ! Montre ta mission, envoyé de Dieu !

Jésus chancelait sous les coups qu’il recevait des mercenaires.

— Qui es-tu, qui t’a envoyé ? dit Ananus. Es-tu le fils d’un obscur charpentier ou bien es-tu Éli qui a été enlevé sur un char de feu ! On dit que tu peux te rendre invisible, c’est vrai que tu nous as souvent échappé. N’es-tu pas Malachie Malaqi dont tu parles souvent pour te mettre en valeur ? On prétend que ce prophète n’a pas eu de père, qu’il était un ange et qu’il n’est pas mort ; belle occasion pour un fourbe de se faire passer pour lui. Quel roi es-tu donc, tu as dit que tu étais plus que Salomon.

Ananus écrivit une série d’accusations qu’il mit dans une calebasse creuse et soigneusement bouchée accrochée au bout d’un roseau. Il présenta ce roseau à Jésus et dit :

— Voilà le sceptre de ton royaume avec tes titres de dignité et droits. Porte-les au grand cohen pour qu’il reconnaisse ta mission et te traite selon ta dignité. Qu’on attache les mains de ce roi, ordonna-t-il, et qu’on l’amène au grand cohen.

Caïphe | tribunaux

Le palais de Caïphe était à trois cents pas de celui d’Ananus, cependant les soldats du Temple passèrent difficilement au travers de la foule, car les juifs s’agitaient en criant tout autour et Jésus fut malmené parce que les plaignants disaient aux gens du peuple ce dont ils l’accusaient. Des hommes du tribunal menaçaient ceux en faveur pour Jésus et donnaient de l’argent aux plus violents pour les faire venir dans la cour de Caïphe.

7

Le siège du grand cohen occupait la plus haute place de l’extrade en demi-cercle où l’accusé était placé au centre avec les soldats de la garde du Temple, les témoins se plaçaient sur les côtés en arrière. Les trois portes du fond menaient dans une salle pour les délibérations, ce tribunal avait aussi une prison de cachots souterrains. Pierre et Jean y furent enfermés après la guérison du boiteux du Temple après Shavouot litt. Pentecôte. Le bâtiment et ses alentours étaient éclairés aux torches et lampes, il y faisait aussi clair qu’en plein jour. Des soldats et autres petits employés, témoins gagnés à prix d’argent, se pressaient autour du feu d’une fosse creusée au sol, des femmes servaient un liquide rouge et leur cuisaient des gâteaux contre de l’argent.

Caïphe était déjà assis ainsi que la plupart autour de lui, les autres juges arrivaient progressivement. Les plaignants, aussi des témoins, se tenaient à l’entrée alors que la foule se massait, retenue par la force. Pierre et Jean passèrent dans la cour extérieure grâce à leur tenue de messager.

Jean passa grâce à une connaissance dans la seconde cour, la cour intérieure, mais on ferma la porte derrière lui à cause de la foule. Pierre arriva à cette porte en même temps que Nicodème et Joseph qui le firent entrer. Les deux apôtres remirent les tenues empruntées et se mêlèrent à la foule entassée à l’entrée où on pouvait voir les juges, c’est-à-dire le grand cohen, soixante-dix (70) membres du conseil, et les anciens, scribes et fonctionnaires publics assis sur les côtés. Les soldats de la garde du Temple se tenaient en deux rangs de l’extrade à la porte d’entrée. Caïphe portait un long manteau rouge foncé à franges dorées, brodé de fleurs avec quelques plaques de métal à l’avant, et une mitre ouverte à deux pans. Menaçant et grave, il était là depuis quelque temps avec ses partisans membres du grand conseil, s’impatientant, il courut à l’entrée demander pourquoi Jésus n’arrivait pas.

8

Jésus passa près de Pierre et Jean en les regardant sans tourner la tête afin de ne pas les trahir. Il fut accueilli dans les injures et les cris et reçut aussi des coups. Caïphe dit d’emblée :

— Voilà l’ennemi de Dieu qui nous dérange dans cette nuit sacrée.

Après qu’on lui remit la calebasse, Caïphe, plus hautain que le juge précédent, lui fit une série de questions, mais Jésus gardait silence, yeux baissés, avec calme et patience. Les mercenaires le bousculèrent brutalement, frappant sur ses mains et le piquant à la pointe de leurs bâtons, mais il ne dit rien. Ils procédèrent alors à l’audition des témoins des pharisiens et des sadducéens de toutes les régions du pays les plus hostiles à Jésus.

— Il guérit et chasse les démons par le démon.

— Il contrevient à shabat.

— Il agite le peuple.

— Il traite les pharisiens d’adultères et race de vipères.

— Il prédit la destruction de Iérusalem.

— Il fréquente des pêcheurs, des publicains et des femmes de mauvaise vie.

— Il parcourt le pays avec une nombreuse troupe.

— Il se fait appeler roi, prophète et fils de Dieu.

— Il parle toujours de son royaume.

— Il interdit le divorce. Malachie 2.16

— Il a crié malheur à Iérusalem.

— Il s’appelle pain de vie.

— Il enseigne des choses ahurissantes, que quiconque ne mange pas sa chair et ne boit pas son sang ne peut être sauvé.

La foule fit d’assourdissants tapages. Certains témoins se contredisaient :

— Il se donne pour roi, dit l’un.

— Non. Il se laisse appeler de ce nom, mais il s’est enfui quand on a voulu le faire roi, dit l’autre.

— Il dit qu’il est le fils de Dieu.

— Non. Il se nomme fils que parce qu’il accomplit la volonté du Père.

Quelques-uns qui avaient été guéris disaient que ses guérisons étaient de la sorcellerie parce qu’ils étaient retombés malades. Plusieurs témoins qui l’accusaient de sorcellerie se contredirent sur la guérison du paralytique à la piscine de Bethsaida. Caïphe répéta plusieurs fois que la confusion des témoins était un effet de ses sortilèges. Les pharisiens de la ville de Séphoris condamnèrent son enseignement sur le divorce. Un jeune homme de Nazareth témoigna contre lui de l’avoir refusé comme disciple. Ils l’accusèrent d’avoir innocenté la femme adultère dans le Temple et de s’en prendre aux pharisiens. La comparution d’autres témoins apporta plus d’injures que de faits et ils se disputaient entre eux.

— Quel roi es-tu, montre ton pouvoir ? demandaient Caïphe et les membres du conseil sans arrêt:

— Fais venir les légions d’anges comme tu as dit au jardin des oliviers.

— Où as-tu mis l’argent des fous et des veuves que tu as trompés, tu as gaspillé des fortunes entières.

— Parle devant le juge. Réponds. Es-tu muet ?

— Tu aurais mieux fait de te taire devant le peuple et les troupeaux de femmes que tu as endoctrinés, tu parlais beaucoup.

Certains le traitaient de bâtard tandis que d’autres affirmaient que sa mère était une pieuse vierge du Temple qu’ils avaient vue se fiancer à un homme craignant Dieu. Ils reprochèrent à Jésus et ses disciples de ne pas sacrifier dans le Temple. En effet, Jésus et les apôtres n’avaient apporté aucune victime au Temple excepté les agneaux du sacrifice de Pesah, bien que Anne et Joseph de leur vivant sacrifiaient souvent pour Jésus, mais les esséniens ne sacrifiaient pas non plus et n’étaient passibles d’aucune pénalité. Certains se plaignirent qu’il avait mangé l’agneau de Pesah un jour d’avance, ce qui était contraire à la loi, et qu’il avait aussi fait ce changement l’année précédente. Cela souleva des cris injurieux de la foule. Nicodème et Joseph d’Arimathie, parce que Jésus avait célébré Pesah dans une de leur dépendance, expliquèrent que d’après d’anciens écrits, les galiléens étaient autorisés de manger Pesah un jour plus tôt et que les sacrificateurs du Temple s’étaient exécutés conformément à la règle ; Nicodème leur montra les archives de ce droit accordé en raison du trop grand afflux au Temple, car les cohanim ne pouvaient pas tout faire le même jour avant l’entrée du shabat, avant le coucher du soleil. Les pharisiens reprirent l’audition des témoins et leurs dépositions absurdes dont ces deux dépositions :

— Jésus a dit je renverserai le Temple construit par les hommes et j’en relèverai un nouveau en trois jours qui ne sera pas fait de main d’homme.

— Il veut construire un nouveau Temple, dit l’autre. Et il a mangé Pesah dans un autre édifice parce qu’il veut abolir l’ancien Temple.

— Cet édifice est fait de main d’homme, dit l’autre, par conséquent il ne peut pas s’agir de lui.

Ils n’étaient pas d’accord non plus. La remarquable patience du seigneur Jésus face à ces dépositions haineuses et contradictoires fit vive impression, des assistants se mirent à huer les témoins malgré une retenue devant Caïphe. Le mutisme de Jésus indisposait, son silence mettait mal à l’aise au point que dix (10) soldats de la garde s’en allèrent sous prétexte de maladie. Ils dirent en passant à Pierre et Jean :

— Ça soulève le coeur de voir le galiléen se faire maltraiter sans dire un mot. Dites-nous où aller.

— Si la vérité vous appelle laissez-là vous conduire, le reste se fera tout seul, dirent les apôtres.

Menacés d’avoir quitté le tribunal pour contester ce procès, ces soldats de la garde du Temple rencontrèrent d’autres soldats qui les emmenèrent au sud de Sion vers les grottes où les apôtres s’étaient réfugiés. Caïphe avec d’autres furent contrariés devant tant d’inconsistances et de contradictions des témoins, Caïphe irrité se leva de son siège et dit à Jésus :

— N’as-tu rien à dire sur ce témoignage ?

Jésus ne le regarda pas. Les mercenaires le saisirent par les cheveux et lui assénèrent des coups de poing sous le menton. Il chancela sans lever ses yeux vers le juge. Caïphe leva les mains et dit à voix forte :

— Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le messie fils de Dieu.

Grand silence. Encouragé par son Père, Jésus dit avec dignité :

— Tu l’as dit, je le suis. Je vous le dis, vous verrez le fils de l’homme assis à droite de la majesté de Dieu venir sur les nuées du ciel.

À ces mots, le ciel s’ouvrit, il resplendit de lumière dans la présence du Père Dieu tout-puissant au-dessus de lui. Les anges montaient vers son Trône avec la prière des justes pour supplier en faveur de Jésus. L’Esprit saint dit de la part du Père et de Jésus :

— Parce que je suis miséricordieux, je souffrirais si je devais souffrir. Parce que je suis juste, j’ai pris chair dans le fils afin que le fils de l’homme souffre pour les péchés de tous ceux-ci que voici et les péchés du monde entier.

L’enfer sortit soudainement des profondeurs au tribunal et la fureur infernale entra dans Caïphe pour s’emparer de lui. Une boule de feu recrachée de l’enfer avec de multiples formes en furie surgirent dans le tribunal, des chiens noirs à longues griffes vinrent à la course et des ombres entrèrent en nombre dans les assistants, ou se plaçaient sur leur tête ou l’épaule. Tous les juges possédés se remplirent de rage. Inspiré par l’enfer Caïphe fendit son manteau de son couteau et cria :

— Il a blasphémé. Vous avez entendu le blasphème, qu’est-il besoin de témoins, quelle est la sentence ?

— Il mérite la mort, crièrent les assistants en se levant.

— Il mérite la mort.

Il y eut un semblant de triomphe des ténèbres sur la lumière. Ceux qui n’étaient pas totalement réprouvés ressentirent de la terreur à cette absurdité, ceux qui avaient encore une étincelle de bien se couvrirent la tête et partirent avec ceux dont la conscience fut bouleversée. Des esprits mauvais sortirent des tombes d’un côté de Sion, tandis que d’autres se montrèrent près du Temple en traînant des chaînes de prisonniers : démons ou âmes rattachés à certains lieux de la terre, par sa condamnation le seigneur leur ouvrait la voie pour atteindre les purgatoires. Jean le vit et en parlera plus tard. Le cohen dit aux mercenaires :

— Je vous remets ce roi blasphémateur, rendez-lui les honneurs qu’il mérite.

Il se retira alors dans la salle du fond avec les membres du conseil. Jean se souvint de la pauvre mère et partit en hâte comme si le seigneur lui-même l’envoyait. Pierre ne savait pas quoi faire mais il ne put s’éloigner du maître.

9

Durant les auditions les mercenaires et autres canailles lui avaient arraché les cheveux et la barbe, des gens de bien les avaient recueillis avant de quitter. Couvert de crachats, Jésus endura leurs coups de bâtons pointus sans broncher. Ils laissèrent aller leur rage et enlevèrent sa robe, arrachant son talith pour lui mettre une veste déchirée et une longue chaîne à bout pointu ; puis ils jetèrent des ordures sur sa tête, lui rattachèrent les mains et bandèrent ses yeux.

— Dis-nous qui t’a frappé, grand prophète, dirent-ils en le frappant.

Jésus soupira, il pria pour eux. Ils le traînèrent sous les cris avec des coups de pied et de bâtons jusqu’à la salle où se trouvait Caïphe, disant :

— Que le roi de paille aille se présenter au conseil avec les marques de respect qu’il a reçues.

Une resplendissante lumière était souvent autour de lui depuis qu’il avait confirmé être fils de Dieu, elle n’eut pour effet que de redoubler la rage de ces aveugles. Aussitôt rentrés dans la salle, ils prirent un des torchons qui baignait dans un bac d’eau sale et le promenèrent sur son visage, puis ils lui déversèrent le contenu du bac avec coups et insultes, étant sous l’emprise désorganisée de démoniaques des ténèbres.

10

Pierre et Jean souffrirent beaucoup à regarder en silence les injures que leur maître endurait sans contester, ils n’avaient plus la force de supporter plus longtemps et Jean partit rejoindre la mère du seigneur et autres dévotes chez Marthe et Lazare, près de la porte de l’angle. Pierre aimait trop Jésus pour s’éloigner. Ne pouvant plus se retenir, il pleura. Voulant cacher ses larmes en présence d’une foule si hostile, il s’approcha du feu près des soldats et des gens du peuple qui se racontaient comment avoir ridiculisé Jésus et menaçaient de s’en prendre aux disciples aussi. Pierre resta silencieux, mais la portière se rapprocha du feu et dit :

— Tu es un des disciples du galiléen.

— Femme, je ne le connais pas, j’ignore ce que tu veux dire, dit Pierre de peur de se faire malmener par de vulgaires gens.

Il s’éloigna de cette compagnie au moment où le coq chanta. Comme il s’en allait, une autre servante le vit et dit à ceux à côté d’elle :

— Celui-ci était aussi avec Jésus de Nazareth.

— N’étais-tu pas un de ses disciples ? lui dirent-ils.

— En vérité je n’étais pas son disciple, je ne connais pas cet homme, dit-il apeuré.

Il passa vite de la cour intérieure à la cour extérieure, il pleura, son chagrin pour notre-seigneur était si grand qu’il se souvint à peine de ce qu’il venait de dire. Il vit alors de ses connaissances regarder par-dessus le mur de la cour intérieure et voulut les avertir du danger. Il y avait beaucoup de gens dans la cour extérieure et aussi des amis de Jésus, personne ne pouvait entrer dans la cour intérieure mais on le laissa sortir ; il retrouva seize disciples que l’inquiétude avait poussés à quitter les grottes du mont Hinnom. De ceux qui avaient grimpé sur les murs entendre ce qui se passait, il y avait Bartélémi, Nathanael, Saturnin, Judas Barsabas, Zachée, Manahem le jeune aveugle-né guéri, et Siméon qui deviendra évêque de Iérusalem. Ils vinrent vers Pierre qui étant si bouleversé leur dit seulement de se retirer à cause du danger pour eux. Aussi ils retournèrent vers leurs retraites. Pierre prit un autre chemin mais sans trouver de répit ; son attachement au maître le ramena dans la cour intérieure de Caïphe. On lui permit d’entrer comme précédemment avec Nicodème et Joseph d’Arimathie. Il revint près du tribunal et vit des gens de basse classe se moquer de Jésus en paradant avec lui. Jésus le regarda et Pierre en fut saisi de douleur et alla dans la cour en défaillant. D’autres encore parlaient de Jésus avec des injures et quelqu’un lui dit :

— Tu es aussi un de ses partisans, ton accent laisse voir que tu es galiléen.

Pierre allait partir quand le frère de Malchus arriva et lui dit :

— N’est-ce pas toi que j’ai vu avec eux qui as blessé mon frère à l’oreille au jardin des oliviers ?

Pierre perdit l’usage de la raison, dans son anxiété il se mit à faire des serments et jurer qu’il ne connaissait pas cet homme. Jésus au même moment se faisait emmener dans la prison de cette cour, il se tourna avec douleur et compassion vers Pierre. Ses paroles lui revinrent en force et il partit en courant au moment où le coq se remit à chanter, il avait renié son maître quand celui-ci était persécuté et outragé par tous, victime de juges injustes. Quand il fut dans la cour extérieure, hors d’haleine, il se couvrit la tête de repentir et pleura. Maintenant il saurait dire qui il est et ce dont il était coupable, il n’avait plus la crainte d’être interpellé par personne.

11

La dévote mère connut les souffrances du fils, elle tomba plus d’une fois et priait pour ses persécuteurs. Après que Caïphe avait crié que Jésus méritait la mort, Jean partit dans la maison de la porte de l’angle et rapporta ce qu’il avait entendu. Marie et des dévotes lui demandèrent de les emmener près de Jésus. Jean passa par les rues éclairées sous la lune mais leurs sanglots attirèrent l’attention et elles entendirent des paroles injurieuses contre Jésus par ceux qui retournaient chez eux. À proximité du palais de Caïphe, elles virent les ouvriers de Caïphe en train préparer le bois de la croix se plaindre que Jésus les faisait travailler de nuit sous les lueurs des torches. Des ordres furent donnés de préparer sa croix dès qu’il serait pris et d’exécuter sa condamnation aussitôt après le jugement de Pilate, car ils avaient prévu emmener Jésus très tôt au matin et que ce ne serait pas long. La dévote Marie pria pour ces aveugles qui préparaient le sacrifice de l’agneau expiatoire. Les ouvriers se firent apporter d’autre bois parce qu’il se fendait ou ne convenait pas jusqu’à ce que tout soit fait comme Dieu le voulait ; les anges les faisaient recommencer tant que cela n’était fait comme marqué. Les romains avaient déjà fait les croix des deux bandits. Jean et les dévotes s’arrêtèrent à la porte de la prison. La porte de la cour s’ouvrit et Pierre sortit précipitamment avec d’autres, et à la vue de la mère de Jésus sa conscience se réveilla.

— Simon, que devient mon fils Jésus ? lui dit Marie.

Il ne pouvait soutenir son regard. Marie vint à lui et dit avec tristesse :

— Simon fils de Jean, tu ne réponds pas ?

— O mère, dit Pierre en larmes, ils l’ont condamné à mort et j’ai honte de l’avoir renié trois fois.

Jean voulut s’approcher mais Pierre s’enfuit vers le mont des oliviers dans la grotte où les mains de Jésus s’étaient imprimées, là où notre père Adam s’était lamenté lorsqu’il vint sur la terre. Frappée par l’aveu de l’apôtre qui avait le premier reconnu le fils du Dieu vivant, Marie s’affaissa près de la porte, sa main s’imprima sur la pierre. Jean amena les dévotes près du cachot. Leur tristesse se fit aussi remarquer et elles entendirent :

— N’est-ce pas la mère du galiléen ? Son fils sera sûrement crucifié.

En traversant le tribunal de Caïphe, la dévote mère perdit connaissance là où Jésus avait affirmé être le fils de Dieu et en retour ils avaient exigé sa mise à mort.

12

Jésus fut enfermé avec deux mercenaires dans un cachot voûté qui subsiste encore en partie. Il demanda au Père céleste de bien vouloir accepter que les mauvais traitements qu’il avait subis et ceux qu’il allait subir servent de sacrifice expiatoire àces mercenaires et auxhommes coupables de colère et d’impatience dans de pareils tourments. Ils l’attachèrent debout à une colonne sans pouvoir s’appuyer, il se tenait péniblement sur ses pieds blessés. On ne pourrait rapporter tout ce que ces bourreaux ont fait souffrir au saint des saints de bas coups et d’injures sans se plaindre, et ces mercenaires se faisaient remplacer dès qu’ils étaient fatigués. C’est aussi à cause de moi que tout cela s’est fait, et nous verrons quelle part chacun de nous a pris au supplice du fils de Dieu au jour du jugement.

— Seigneur, faites-moi mourir plutôt que je vous offense encore.

Jésus dans son cachot n’arrêtait pas de prier pour ses bourreaux, et dans un instant de répit, il fut entièrement enveloppé de lumière.

4 h Au lever du jour, il leva ses mains à la lumière naissante et pria son Père à voix haute pour le remercier de ce jour que les patriarches avaient tant attendu, et que lui-même avait attendu depuis sa venue sur terre. N’avait-il pas dit à ses disciples : Luc 12.50, Éz. 36.25

— Je dois être baptisé d’un autre baptême et je suis dans l’impatience jusqu’à ce qu’il s’accomplisse.

Il le remerciait pour ces souffrances qu’il subissait, ces douleurs m’appartiennent, prix de mes péchés. Le jour qui allait assurer notre salut arriva, le but de sa vie était de :

–faire la volonté de son Père ;

–faire jaillir de la source les bénédictions sur les humains ;

–vaincre l’enfer, et

–ouvrir le ciel.

Environné de clarté, Jésus salua le jour dans une action de grâce d’amour et de miséricorde, il accueillit le premier rayon du jour du sacrifice. Les mercenaires qui s’étaient un instant assoupis le regardèrent avec étonnement, mais ne le dérangèrent pas. Jésus fut au cachot un peu plus d’une heure.

Judas revint de la vallée de Hinnom et se rendit au tribunal de Caïphe demander aux gardes du palais ce qui advenait du galiléen :

— Il a été condamné à mort, il sera crucifié, dirent-ils.

Des gens parlaient de la patience de Jésus devant les actions barbares qu’on lui faisait et du jugement qui allait avoir lieu chez le grand conseil des sacrificateurs. Judas fut saisi d’un désespoir et se retira en arrière, il s’enfuit comme Caïn et se retrouva devant la tente où se faisait la croix, les différents morceaux étaient placés en ordre et les ouvriers dormaient à côté. Il s’enfuit.

Grand conseil des sacrificateurs | tribunaux

13

Caïphe, Ananus, anciens et scribes se rassemblèrent au lever du jour dans le tribunal de Caïphe pour la condamnation à mort, afin de se conformer à la règle de ne juger de nuit que pour instruction préparatoire d’urgence. La plupart des membres du conseil avaient passé la nuit chez Caïphe. L’assemblée du grand conseil des sacrificateurs était nombreuse, les chefs-sacrificateurs et leurs partisans voulurent exclure Nicodème, Joseph d’Arimathie et quelques autres qui demandaient de reporter le jugement après la fête, ajoutant que tous les témoins s’étaient contredits. Ils quittèrent le tribunal et se retirèrent dans le Temple. Caïphe fit amener Jésus devant les juges, et qu’aussitôt après ce jugement il le fasse amener devant Pilate. Les mercenaires forcèrent Jésus à coups de poing pour remettre sa robe couverte d’ordures, il fut aussi brutalisé par les soldats en poste devant le tribunal où il va être condamné. Jésus était défiguré suite aux mauvais traitements, l’indulgence ne trouvait pas de place chez ces juifs au coeur dur inspirés à d’autres cruautés encore.

— Dis-nous si tu es le messie du Seigneur, lui dit Caïphe

— Si je vous le demande, vous ne répondez pas. Si je vous le dis, vous ne croyez pas et ne me laissez pas aller. Dorénavant le fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu.

— Tu es donc le fils de Dieu ? dit-il avec dédain.

— Vous le dites, je le suis, dit Jésus avec calme et gravité, la tête relevée.

— Qu’avons-nous besoin de preuves, nous l’avons entendu de sa propre bouche, crièrent-ils tous.

— Misérable vagabond.

— Mendiant de basse extraction.

— Il voudrait être leur messie et s’asseoir à la droite de Dieu.

Tous parlaient de lui avec dérision. Ils lui mirent la chaîne des condamnés et l’emmenèrent chez Pilate. Ils voulaient rendre Jésus coupable envers l’empereur, ils envoyèrent un message au gouverneur de juger un criminel, car ils ne pouvaient appliquer une condamnation à mort sans son accord, sauf pour leurs observances religieuses et la sécurité du Temple.

Les chefs-sacrificateurs et une partie du conseil partirent en avant, suivis du seigneur, des mercenaires et des soldats, la foule fermait la marche. L’autre partie du conseil se rendit au Temple s’occuper des cérémonies du jour, tous se dépêchaient pour la fête. Ils partirent de Sion pour se rendre au palais de Pilate en basse-ville.

14

On entendit dire dans la foule :

— On conduit le galiléen chez Pilate.

— Le grand conseil l’a condamné à mort.

— Il doit être crucifié.

— Ils l’ont durement maltraité, ils ne le laisseront pas en vie.

— Il est d’une patience qui confond. Il ne répond pas, il dit seulement qu’il est le messie et qu’il siégera à la droite de Dieu.

— C’est pour ça qu’on le crucifie ?!

— S’il n’avait pas dit ça on n’aurait pas pu le condamner à mort.

— Le vaurien qui l’a vendu était son disciple et avait mangé l’agneau un peu avant avec lui.

— Je ne voudrais pas avoir pris part à ça. Que le galiléen soit ce qu’il voudra, il n’aurait pas dû livrer son ami pour de l’argent.

— Ce misérable mériterait la potence.

Les trente pièces d’argent pesaient lourdement. Judas partit redresser son tort et rejeter vite le prix de sa trahison face aux hommes, sans demander pardon aux pieds de Jésus et mourir avec lui, sans confesser le regret de sa faute devant Dieu. Il arriva au Temple où se trouvaient les membres du conseil qui avaient pris part au jugement et leur dit :

— Reprenez l’argent avec lequel vous m’avez entraîné à vous livrer un tsadiq juste. Je romps notre pacte, reprenez votre argent et libérez Jésus. J’ai gravement péché d’avoir livré le sang innocent.

Ils regardèrent Judas hautainement avec les trente pièces d’argent dans sa main droite et cachèrent leurs mains pour ne pas les souiller par le prix du sang, disant :

— Que nous importe si tu as péché, c’est ton affaire si tu penses avoir vendu le sang innocent. Nous savons ce que nous avons payé, car nous l’avons trouvé coupable de mort. Tu as ton argent, nous ne voulons plus en entendre parler.

Ses cheveux se dressèrent sur sa tête, Judas jeta l’argent dans le Temple et s’enfuit vers la vallée d’Hinnom. Pour le pousser au désespoir, satan lui rappela les malédictions des prophètes prononcées sur cette vallée où les juifs avaient tué leurs enfants en les offrant aux idoles. Qu’as-tu fait Caïn ? Où est ton frère Abel ? Son sang crie vers moi. Sois maudit sur terre, errant et fugitif.Genèse 4.9 Ils sortiront et verront les cadavres de ceux qui ont péché contre moi, dont les vers ne mourront pas et le feu ne s’éteindra pas. Esaie 66.24 Arrivé au torrent Cédron, à la vue du mont des oliviers, il détourna son regard à ces mots : Qu’es-tu venu faire Judas mon ami ? C’est par un baiser que tu trahis le fils de l’homme ? L’horreur pénétra jusqu’au fond de son âme et il perdit la raison. L’ennemi murmura encore :

— C’est ici que David a passé le Cédron en fuyant Abshalom et qu’Abshalom mourut pendu à un arbre. David parlait de toi quand il dit : Ils me rendent le mal contre le bien, la haine contre l’amour ; que satan soit à sa droite quand on le jugera et qu’il soit condamné, que ses jours soient raccourcis et qu’un autre prenne sa charge. Le Seigneur se souviendra des fautes de ses pères, et le péché de sa mère ne sera pas effacé, car il a persécuté sans pitié le pauvre, car il a livré l’affligé à la mort. (Psaumes 109). Parce qu’il a aimé la malédiction, elle tombera sur lui, il est vêtu de malédiction comme d’un vêtement et elle pénètre ses entrailles comme de l’eau et sesos comme de l’huile : elle est comme son vêtement, comme d’une ceinture dont il est toujours ceint.

Accablé par des pensées terrifiantes, Judas arriva au pied du mont des scandales où personne ne pouvait le voir dans un endroit marécageux plein de débris et d’ordures, et satan lui dit :

— Parce que tu l’as vendu maintenant on le mène à la mort. Sais-tu ce qu’il y a écrit dans la loi ? Celui qui vend l’âme d’un de ses frères enfants d’Israel et en reçoit le prix doit mourir de mort. (Exode 21.16 ). Finis-en misérable, finis-en.

Judas fut désespéré et se pendit à un arbre, ses entrailles se répandirent par terre.

15

Pour se rendre chez Pilate avec Jésus, les membres du grand conseil passèrent par le quartier le plus fréquenté de la ville, dans les rues bondées de juifs venus de tout le pays pour immoler l’agneau sur l’autel du Temple, ainsi qu’une grande multitude d’étrangers venus en cette occasion. Caïphe et Ananus en habit de fête marchaient en avant avec ceux du grand conseil, en arrière ceux qui portaient les rouleaux d’écritures suivis d’un grand nombre scribes, des faux témoins, les pharisiens surexcités par la mise en accusation de Jésus et autres juifs. À courte distance suivait la troupe de soldats suivie des mercenaires et Jésus avec les six hommes qui l’ont arrêté.

Les gens affluaient de tous côtés, des groupes s’empressaient de se joindre au cortège dans les injures et les cris. Ce cortège longea le mont Sion jusqu’à Acra, quartier au nord-ouest du Temple.

Pilate | tribunaux

Défiguré des coups de la veille, robe couverte d’impuretés et mains ligotées, Jésus s’avançait dans les injures, la longue chaîne à son cou se cognait contre ses genoux. Les mercenaires le bousculaient sans cesse, leurs mauvais traitements étaient sans relâche. Beaucoup de gens s’attroupèrent pour venger son entrée le dimanche des rameaux une semaine avant Pesah, et jetaient sous ses pieds des chiffons sales, des bouts de bois ou des pierres tout en se moquant. Cela soulevait le coeur de voir comment les sacrés sacrificateurs de Dieu étaient devenus damnés sacrificateurs de satan dans cette tempête déchaînée de l’enfer avec tout le sanhédrin et leurs faux témoins. Les pharisiens postèrent leurs gardes tout autour pour avoir la route libre et empêcher tout soulèvement, mais les habitants d’Ophel laissèrent Jésus dans son malheur, leur foi chancela. Les pharisiens se moquaient d’eux en disant :

— Voilà votre roi, saluez-le.

— Finis ses miracles, le grand cohen a mis fin à ses sortilèges.

— N’avez-vous rien à lui dire maintenant qu’il va à son couronnement avant de monter sur son trône.

16|17

Quand le cortège arriva au palais de Pilate, le sanhédrin se plaça à l’entrée du tribunal et Jésus fut traîné vers l’escalier. Sur la terrasse, Pilate était couché sur un lit de repos, les attributs de sa dignité étaient derrière lui sur une table, à ses côtés officiers et soldats avec les insignes de l’état romain.

6 h Les chefs-sacrificateurs et les juifs se tenaient à distance du tribunal dans la limite qu’ils ne franchissent pas sous risque de souillure. À la vue de Jésus, Pilate se leva et dit aux juifs :

— Que venez-vous faire de si bonne heure, comment avez-vous mis cet homme dans un tel état ? Commencez-vous si tôt à écorcher vos victimes à immoler.

— Amenez-le en avant du tribunal, crièrent-ils aux bourreaux. Nous ne pouvons entrer dans le tribunal pour ne pas devenir impurs, dirent-ils à Pilate, entendez nos plaintes contre ce scélérat.

— Lui seul est pur parmi les juifs, cria-t-on. Lui seul peut entrer comme les innocents massacrés ici.

L’homme qui criait se nommait Sadoch, il était cousin d’Obed le mari de Séraphia Véronique. Deux de ses enfants furent du nombre des innocents égorgés dans cette même cour par Hérode. Il avait renoncé au monde, et lui et sa femme vivaient dans la continence comme les esséniens et les apôtres. Il avait entendu parler de Jésus chez Lazare, et lorsqu’il le vit se faire traîner en bas de l’escalier du tribunal, il témoigna de l’innocence du seigneur parce qu’un vif souvenir des enfants se réveilla en lui, puis il se perdit dans la foule. Jésus gardait une dignité que rien ne pouvait enlever, Pilate avait beaucoup entendu parler de lui et n’était pas disposé à le condamner sans preuve.

— De quoi accusez-vous cet homme ? dit-il.

— Nous ne vous l’aurions pas livré si ce n’était pas un malfaiteur, dirent-ils avec humeur.

— Jugez-le selon votre loi, dit Pilate.

— Nous n’avons qu’un droit restreint lorsqu’il s’agit de la peine de mort, dirent les juifs.

Ils étaient pressés d’en finir avec Jésus pour sacrifier l’agneau avant la fête - ignorant qu’il est le véritable agneau, et présentèrent trois accusations ayant trente témoins comme crimes de lèse-majesté que le gouverneur romain devait condamner : troubler la paix publique et inciter à la révolte. Ils dirent également qu’il rassemblait beaucoup d’hommes et guérissait le jour du shabat, une ‘violation’ du shabat.

— Apparemment vous n’êtes pas malades, autrement ces guérisons ne vous mettraientpas en colère, dit Pilate.

Ils dirent de plus que Jésus enseignait au peuple qu’on devait manger sa chair et boire son sang pour avoir la vie éternelle. Pilate s’étonnait de leur obstination, il dit :

— On croirait que vous voulez obtenir la vie éternelle sans vouloir manger sa chair ni boire son sang.

Ils accusèrent Jésus de ne pas payer d’impôt à l’empereur et Pilate leur dit avec fermeté :

— C’est un mensonge, je dois savoir cela mieux que vous.

— Cet homme de basse extraction a dit malheur à Iérusalem, ajoutèrent-ils. Il parle en parabole d’un roi qui prépare les noces de son fils, mais il s’est caché quand la multitude a voulu le faire roi. Ces derniers jours il a fait une entrée très bruyante dans Iérusalem et a fait crier, hosanna fils de David, béni soit le règne de notre père David qui vient. On lui fait honneur depuis qu’il enseigne qu’il est le messie du Seigneur, le roi promis aux juifs.

Ces allégations furent appuyées par leurs témoins. Comme les sacrificateurs le mettaient en infraction aux droits de l’empereur, Pilate le fit amener dans une salle, car il n’ignorait pas que les prophètes avaient longtemps annoncé le messie du Seigneur comme un roi libérateur qui sauve et que beaucoup de juifs l’attendaient. Il savait aussi que les rois d’orient étaient venus vers Hérode rendre hommage à un roi nouveau-né, ce pour quoi Hérode avait fait égorger de nombreux enfants. Païen qu’il était il ne croyait pas à ces traditions d’un messie roi des juifs, néanmoins il s’était figuré un puissant roi victorieux comme les juifs instruits, aussi Pilate regarda Jésus avec étonnement.

— Tu es donc roi des juifs ?

— Dis-tu cela de toi-même ou d’autres te l’ont dit de moi ?

— Suis-je juif pour m’occuper de pareilles misères ? Par cela ton peuple et ses sacrificateurs t’ont livré à moi comme méritant la mort, dit Pilate, dis-moi ce que tu as fait.

— Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde j’aurais des serviteurs qui combattraient pour m’empêcher de tomber aux mains des juifs. Mais mon royaume n’est pas de ce monde.

— Tu es donc roi, dit Pilate plus sérieux.

— Comme tu dis, répondit Jésus, je suis roi. Je suis né et venu dans ce monde pour rendre témoignage de la vérité. Qui est de la vérité entend ma voix.

— La vérité, qu’est-ce que la vérité, dit Pilate en se levant.

Pilate ne pouvait comprendre Jésus, mais il voyait bien que ce roi ne pouvait pas nuire à l’empereur puisqu’il ne prétendait à aucun royaume de ce monde, et l’empereur ne s’inquiétait pas des royaumes de l’autre monde. Alors il cria du haut de la terrasse :

— Je ne trouve aucun crime en cet homme.

Il y eut un torrent d’accusations. Jésus resta dans le silence et priait.

— N’as-tu rien à répondre à ces accusations ? lui dit Pilate.

Jésus ne répondit pas.

— Je vois bien les mensonges qu’ils font contre toi, dit Pilate.

— Comment ne trouvez-vous pas de crime en lui, dirent-ils avec insistance, n’est-ce pas un crime que de soulever le peuple et répandre sa doctrine dans tout le pays depuis la Galilée jusqu’ici ?

— Cet homme est galiléen et sujet d’Hérode ? dit Pilate.

— Oui, ses parents ont demeuré à Nazareth, son logement actuel est à Capharnaum.

— Puisqu’il est sujet d’Hérode, amenez-lui. Il est ici pour la fête et peut le juger, dit Pilate.

Il se déroba à juger Jésus, il fit reconduire Jésus et envoya un officier vers Hérode, désirant ainsi faire une politesse à Hérode avec qui il s’était brouillé. Furieux de se faire renvoyer devant tout le peuple, et forcés d’aller chez Hérode, la colère des juifs retomba sur Jésus. Bien que le palais d’Hérode n’était pas loin, des soldats romains joignirent le cortège par précaution.

18

Aux endroits où Jésus était tombé depuis l’arrestation, et prenant les coups sans résister, Marie s’y arrêtait et embrassait le sol ainsi que Marie-Magdala, puis Jean les relevait et les amenait plus loin. La dévote mère rassembla en chemin ces inestimables dépositions du fils pour les offrir au Père avec le sacrifice de son coeur, car Jésus était maltraité et amené à mourir à cause des fautes dont il s’était chargé. Marie-Magdala éleva son coeur comme un parfum d’encens envers le saint, mais un abîme s’ouvrit entre elle et lui, partagée qu’elle était entre le dégoût d’un peuple non reconnaissant et le devoir de l’amour sacré, et elle se jeta dans les profondeurs du repentir. Jean conduisait pour la première fois la mère de son maître sur ses pas dans le chemin de la croix, l’avenir lui apparut alors.

19

Claudia Procle la femme de Pilate regardait avec inquiétude le cortège emmener Jésus. Grande et pâle, cheveux rassemblés autour de la tête et voile en arrière, elle portait des pendants d’oreilles, un collier et une agrafe pour maintenir un long châle, elle vint voir Pilate pour le supplier de ne faire aucun mal à Jésus, car elle avait eu la veille une vision qui lui montra l’annonciation, l’adoration des bergers et des rois mages, la prophétie du vieux Siméon et d’Anne, la fuite en Égypte, la tentation au désert et tous les bienfaits de sa vie publique. Sous cette nouvelle lumière elle vit son imperturbable patience et toutes les horreurs qu’il souffrirait. Elle vit aussi le massacre des enfants tout près du palais. Elle fut bouleversée sans pouvoir l’exprimer ni vraiment tout comprendre. Son mari lui dit :

— J’ai vu toute la malice des juifs dans cette affaire. J’ai déclaré que je ne trouvais aucun crime en cet homme, je ne le condamnerai pas.

Il lui remit un cachet en gage. Toutefois Pilate était corrompu, il ne reculait devant rien s’il en trouvait du profit. Et chaque fois qu’il se trouvait en position difficile, son embarras lui soulevait des superstitions ridicules et il allait après ses idoles pour leur offrir de l’encens dans un coin secret de la maison et demandant des signes ; tantôt satan lui soufflait un plan, tantôt un autre pour l’amener dans la confusion. Il pensa d’abord libérer Jésus qui était innocent, mais il eut peur que ses idoles se vengent contre lui. Et s’il libérait Jésus, qui semblait être une sorte de demi-dieu ou le dieu des juifs, se disait-il, il pourrait leur faire du tort, car il y avait tant de prophéties sur un roi des juifs qui devait régner sur tous. Et si c’est le roi que les mages d’Orient sont venus chercher ici, il pourrait s’élever au-dessus de mes idoles et de mon empereur, j’aurais alors grand tort s’il ne mourait pas. Les merveilleux songes de sa femme lui revirent à l’esprit et il voulait être juste, mais il ne le pouvait pas. Il avait demandé qu’est-ce que la vérité, mais il n’attendit pas la réponse. Pilate était dans une grande confusion, il ne savait pas que la vérité, c’est Jésus de Nazareth, le roi des juifs, c’est lui qui dit vrai.

Hérode | tribunaux

20

Le peuple vint en grande foule, du voisinage d’Hérode jusqu’au marché. Un grand nombre de soldats romains furent postés aux sections importantes et un groupe de soldats romains rejoint le cortège, la plupart de ces soldats venaient d’une région située entre la Suisse et l’Italie. Hérode était aussi gouverneur, son palais se trouvait dans une autre division de la ville ; il attendit assis sur des coussins, dans une grande salle, entouré de courtisans et de gens de guerre. Les chefs-sacrificateurs entrèrent par les colonnades et se mirent sur les côtés, Jésus sur le seuil. Flatté que Pilate lui reconnaisse le droit de juger un galiléen en présence des sacrificateurs, Hérode se réjouit d’avoir ce Jésus qui l’avait toujours dédaigné, et sa curiosité était vive depuis les déclarations de Jean sur Jésus et des rapports faits sur lui. Il se préparait à faire un grand interrogatoire devant ses courtisans et les chefs-sacrificateurs. Pilate lui fit savoir n’avoir rien trouvé en cet homme ; il avait vu là un avis pour traiter les accusateurs froidement. Il regarda Jésus avec curiosité, mais voyant son état lamentable, le visage en sang et le vêtement sale, il eut autant pitié que de dégoût et dit aux sacrificateurs :

— Nettoyez-le. Comment pouvez-vous amener un homme si sale et si meurtri en ma présence. On voit qu’il est tombé dans les mains de bouchers. Commencez-vous les immolations avant le temps ?

De l’eau fut apportée dans le vestibule et les mercenaires essuyèrent Jésus, frottant brutalement son visage. Les chefs-sacrificateurs refirent leurs accusations. Hérode dit à Jésus tout ce qu’il savait de lui, il parla longuement et avec beaucoup d’emphase.

Il lui posa beaucoup de questions et lui demanda de faire un prodige. Les yeux baissés, Jésus ne répondait pas, cela déconcerta Hérode. Alors il chercha à le flatter :

— Je suis peiné de voir peser sur toi des accusations aussi graves. Sais-tu que tu m’as offensé à Thirza lorsque tu as délivré sans ma permission des prisonniers que j’avais fait mettre là, mais tu l’as peut-être fait dans une bonne intention. Maintenant que le gouverneur romain t’envoie à moi pour te juger, qu’as-tu à répondre à toutes ces accusations ? Tu gardes silence. On m’a beaucoup parlé de la sagesse de tes discours et de tes enseignements, je voudrais t’entendre répondre à tes accusateurs, que dis-tu ? Est-ce vrai que tu es le roi des juifs ? Es-tu le fils de Dieu ? Qui es-tu ? On dit que tu as fait de grands miracles, fais-en quelqu’un devant moi. Il dépend de moi de te faire relâcher. Est-il vrai que tu as rendu la vue à des aveugles-nés, ressuscité Lazare d’entre les morts, nourri des milliers d’hommes avec quelques pains... Pourquoi ne réponds-tu pas ? Crois-moi, fais un de tes prodiges, cela te sera utile.

Jésus gardait silence.

— Qui es-tu, qui t’a donné cette puissance ? Pourquoi ne la possèdes-tu plus ? dit Hérode. Es-tu celui dont la naissance est racontée de manière merveilleuse ? Des rois d’Orient sont venus vers mon père pour voir un nouveau-né roi des juifs. Est-il vrai que cet enfant c’était toi ? As-tu échappé à la mort donnée à tant d’enfants, comment se fait-il, comment est-on resté si longtemps sans parler de toi ? Ou bien t’attache-t-on cela que pour te faire roi. Réponds donc, quelle espèce de roi es-tu ? En vérité, je ne vois rien de royal en toi. On dit qu’on t’a récemment conduit en triomphe jusqu’au Temple, qu’est-ce que ça signifie ? Parle donc, réponds-moi. D’où vient que les choses ont pris une telle tournure ?

Jésus ne lui parlait pas parce que cet Hérode était devenu abominable par son mariage adultère avec Hérodiade la femme de son frère et par le meurtre de Jean le baptiste. Ananus et Caïphe profitèrent du mécontentement causé par son silence et répétèrent leurs accusations, ajoutant que Jésus avait traité Hérode de renard et qu’il travaillait à rabaisser le pouvoir de sa famille depuis longtemps, qu’il voulait établir une nouvelle religion et avait célébré Pesah la veille. Bien qu’irrité Hérode ne resta pas moins fidèle à ses vues politiques et ne voulut pas condamner Jésus. Il éprouvait devant lui une terreur secrète et des remords au meurtre de Jean. Puis il détestait ces chefs-sacrificateurs qui ne voulaient pas excuser son adultère et l’avaient exclu des sacrifices. Hérode traita Jésus avec mépris, disant à ses gardes :

— Prenez cet insensé et rendez les honneurs dus à ce roi. C’est plutôt un fou qu’un criminel.

Caïphe et Ananus essayèrent par tous les moyens imaginables de le pousser à condamner Jésus mais Hérode leur dit de manière à être entendu des romains :

— Ce serait un crime de le condamner.

Il voulait dire, un crime envers Pilate qui a eu la politesse de lui envoyer. Alors ils amenèrent Jésus dans la grande cour du palais, Hérode les regarda quelque temps du haut du toit en terrasse. Les chefs-sacrificateurs envoyèrent leurs gens dire aux pharisiens du quartier d’Acra d’aller au palais de Pilate avec leurs partisans, et ceux-ci donnèrent de l’argent à la foule pour réclamer la mise à mort de Jésus. Certains firent des menaces s’ils n’obtenaient pas la mort de ce ‘blasphémateur’, ajoutant que Jésus s’unirait aux romains contre les juifs, que c’était là le royaume dont il avait parlé. Ils répandirent aussi la rumeur qu’Hérode avait condamné Jésus, mais que le peuple devait publiquement déclarer sa volonté ; s’il était libéré, on craignait que les partisans de Jésus dérangent la fête à l’aide des romains, lesquels feraient vengeance. Les pharisiens répandirent de fausses rumeurs contradictoires pour susciter l’inquiétude et irriter le peuple. Ils donnèrent aussi de l’argent aux soldats d’Hérode pour que Jésus soit maltraité à mort, souhaitant ainsi qu’il perde vie avant que Pilate le relâche. Les soldats d’Hérode vont battre Jésus de coups aussi durs et barbares que les gardes juifs de Caïphe. Il y avait là deux cents (200) soldats et serviteurs de différents pays ; chacun imaginait une nouvelle vexation contre lui, ils s’inclinaient, poussaient, injuriaient, crachaient, frappaient son visage pour n’avoir pas répondu à leur gouverneur, se moquant, jetant de la boue, le faisant danser, le jetant par terre. Ils le traînèrent dans un canal qui entoure la cour et sa tête cogna sur les colonnes et aux angles des murs. Ils le relevaient et continuaient leurs insultes. Tous agissaient brutalement, se poussant entre eux sous les huées, ceux qui avaient reçu l’argent des pharisiens frappaient Jésus à coups de bâton, ils éclataient de rire quand la douleur lui arrachait des gémissements. Sa tête était complètement ensanglantée, ces coups auraient été fatals sans l’assistance des anges qui soignaient sa tête au-dessus de lui.

Les philistins de la carrière de Gaza avaient été moins violents avec Samson quand ils l’ont torturé. Le seigneur tomba trois fois sous leurs coups. Le temps les pressait. Dès que les chefs-sacrificateurs surent que tout se ferait au palais de Pilate suivant leur intention, ils sollicitèrent Hérode de nouveau et celui-ci renvoya Jésus à Pilate. Un serviteur vint dire à Pilate que son maître lui renvoyait le célèbre galiléen, n’ayant vu en lui qu’un fou et l’ayant traité comme tel. Pilate fut satisfait qu’Hérode n’ait pas condamné Jésus. Ils redevinrent amis depuis l’écroulement de l’aqueduc.

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Ils passèrent par un chemin plus long, le temps que leurs agents travaillent encore les masses. Le chemin était inégal et Jésus tomba à différentes reprises dans la boue, il reçut encore des coups de pied et des coups de bâton. Il pria Dieu de ne pas en mourir pour compléter ses souffrances pour notre rachat.

8 h 15 Alors que le cortège arrivait au palais de Pilate, la foule s’était regroupée entre gens de même pays que les pharisiens avaient suscité une antipathie contre le seigneur, et avaient joint avec eux les plus vils et pervers du peuple juif qui déclencheraient l’exemple d’injures grossières. Pilate avait fait placer mille (1000) hommes aux entrées, Jésus arriva dans la cour sous les huées. Les mercenaires lui firent monter l’escalier et il trébucha sur son vêtement, les marches de marbre blanc se couvrirent de sang. Les chefs-sacrificateurs riaient et les gens les imitaient avec les pharisiens. Il fut relevé à coups de pied. Pilate s’avança sur la terrasse entouré d’officiers et d’hommes portant des écritures, et dit aux plaignants :

— Vous m’avez emmené cet homme accusé d’agiter le peuple. Je l’ai interrogé devant vous et je ne l’ai pas trouvé coupable de ce que vous l’accusez. Hérode n’a pas trouvé de crime non plus, je vous ai envoyés vers lui et il n’a pas porté de sentence de mort. Je vais donc le faire fouetter et le renvoyer.

Pilate leur demanda s’ils avaient besoin de verser plus de sang innocent avec leurs immolations d’agneaux d’aujourd’hui. De discordants murmures s’élevèrent et les pharisiens firent d’autres distributions d’argent. C’était le temps d’après une ancienne coutume que le peuple se présente avant de célébrer Pesah pour demander la libération d’un prisonnier, c’est pourquoi les pharisiens avaient incité les gens de ne pas réclamer la libération de Jésus.

— Faites ce que vous avez toujours fait pour la fête, cria-t-on à Pilate.

— C’est la coutume de vous libérer un prisonnier pour la fête. Qui voulez-vous que je libère, Barabbas ou Jésus le roi des juifs, celui qu’on dit être le messie du seigneur, dit Pilate.

Pilate appelait Jésus roi des juifs parce qu’il sentait bien que les chefs-sacrificateurs étaient envieux de cet innocent, qu’il pouvait bien être ce roi miraculeux, ce messie promis aux juifs. Marie, Jean et les dévotes se tenaient dans un coin, des regroupements de gens de Capharnaum derrière elles faisaient semblant de ne pas les connaître devant un fils vertueux si maltraité. Jésus se destinait au supplice de sa volonté d’homme, dans le même état d’âme que les innocents avant leur mort, la dévote mère savait aussi que sa mort était le moyen du salut des hommes. Barabbas était un scélérat condamné pour meurtre dans une émeute et pour avoir éventré des femmes. Il y eut quelques hésitations et des voix crièrent Barabbas, les chefs-sacrificateurs et les pharisiens firent des menaces au peuple.

— Lequel des deux dois-je vous libérer ? cria Pilate.

— Nous ne voulons pas celui-ci, donnez-nous Barabbas, crièrent-ils.

— Que dois-je donc faire de Jésus, appelé le messie roi des juifs ? dit Pilate.

— Qu’il soit crucifié, qu’il soit crucifié, crièrent-ils avec force.

— Je ne lui trouve pas de crime qui mérite la mort, je vais le faire fouetter et remettre en liberté, dit Pilate.

— Crucifiez-le, crucifiez-le, criaient-ils.

Les membres du grand conseil des sacrificateurs et les pharisiens criaient avec hystérie. Pilate condamna Jésus aux fouets et libéra Barabbas.

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Les juifs continuaient de crier, crucifiez-le crucifiez-le, tandis que Pilate fit entendre plusieurs fois cette phrase qui n’avait aucun sens, je ne trouve pas de crime en lui c’est pourquoi je vais le faire fouetter et le remettre en liberté. Passant à travers d’une foule furieuse, les mercenaires poussèrent Jésus jusqu’à la colonne des fouettements, au nord du palais de Pilate, Jésus trembla à sa vue. Six bourreaux, d’anciens esclaves des frontières d’Égypte, malfaiteurs condamnés aux travaux forcés, vinrent avec de longues tiges et des cordes, ils avaient déjà fouetté des condamnés jusqu’à mort. Ils lui donnaient des coups de poing sans motif. Il dut retirer ses vêtements avec ses mains blessées, il fallut aussi retirer le linge autour de ses reins. Détournez vos yeux de moi, pria-t-il sa mère. Jésus embrassa la colonne. Les mercenaires l’attachèrent à un anneau de fer jusqu’à ce que ses pieds ne touchent plus sol. Les deux premiers bourreaux avaient des tiges de bois dur et se mirent à le fouetter de la tête aux pieds. Les coups étaient terribles, il gémissait. On entendait crier ‘faites-le mourir, crucifiez-le’, puis le son des fouets, les gémissements du messie, les injures des bourreaux, le bêlement des agneaux se faisant laver dans la piscine des brebis qui s’unissaient aux gémissements du seigneur. Le peuple se tenait à une certaine distance, beaucoup allaient et venaient, passant en silence ou avec des injures, il semblait qu’un rayon touchait ceux qui étaient émus. Des jeunes gens préparaient de nouvelles tiges, d’autres partirent chercher des branches d’épines. Les mercenaires du grand conseil donnèrent de l’argent pour apporter aux bourreaux une cruche d’un épais liquide rouge qu’ils burent pour s’enivrer. Ils furent remplacés après un quart d’heure. Le corps du seigneur était saisi de tremblements convulsifs, son sang coulait jusqu’à terre, il était entièrement couvert de bleus rouges et noirs.

Les deuxièmes bourreaux se jetèrent sur lui dans une nouvelle rage avec des cannes épineuses terminées par des nœuds, la peau de Jésus se déchira aussitôt, son sang rejaillit sur leurs bras. Il priait et gémissait. Plusieurs étrangers sur des chameaux virent avec stupeur comment il se faisait torturer, certains de ces voyageurs avaient reçu le baptême de Jean et écouté les sermons de Jésus. Les troisièmes bourreaux qui vinrent les remplacer avaient des cordes terminées par des crochets de fer. Chaque coup lui arracha des morceaux de chair. Dans leur perversion, ils le mirent dos à la colonne, cordé sous les bras et sous les genoux. Ils frappaient comme des chiens enragés et l’un d’eux prit une tige souple pour lui lacérer le visage, son corps se contractait de douleur. Il regarda ses bourreaux les yeux pleins de sang et semblait demander grâce, mais ils redoublèrent de rage. Les gémissements se firent plus faibles. Cela durait depuis trois quarts d’heure quand un étranger de bas rang, de la parenté de Ctésiphon l’aveugle que Jésus guérit, se précipita avec une lame tranchante et cria d’une voir indignée :

— Arrêtez de frapper cet innocent à mourir.

Il trancha les cordes qui le retenaient à la colonne et repartit dans la foule. Les bourreaux ivres s’étaient arrêtés étonnés, Jésus s’écroula sur le sol. Les bourreaux partirent boire et appelèrent les valets qui avaient tressé la couronne d’épines avec des gants. Quelques filles perdues s’arrêtèrent le regarder un instant avec dégoût. Il leva son visage blessé vers elles, la douleur de ses blessures redoubla, il semblait leur dire, vous-mêmes m’avez ainsi déchiré et vous vous moquez de moi.

Elles s’éloignèrent sous les rires des soldats et des mercenaires. Des anges en pleurs entouraient Jésus, résolus que sa prière monte vers le Père sous la grêle des coups qui tombaient sur lui durant le fouettement. Baignant dans son sang, un ange lui présenta une chose lumineuse qui lui rendit ses forces. Le ciel était couvert, il tombait un peu de grêle par intervalle, à l’étonnement de tous. Le ciel s’éclaircira et le soleil brillera vers midi. Les mercenaires vinrent donner des coups de pied et de bâton, ils n’en avaient pas fini avec ce roi, disaient-ils. Jésus se traîna par terre pour prendre sa ceinture et couvrir ses reins lacérés tandis qu’ils le poussaient du pied. Ils jetèrent sa robe sur ses épaules avec laquelle il essuya le sang sur son visage, puis ils le ramenèrent rapidement à la garde en passant devant les chefs-sacrificateurs.

— Qu’on le fasse mourir, qu’on le fasse mourir, crièrent-ils.

Quand Jésus essuya le sang de ses yeux, il vit sa mère tendre ses mains vers lui. Elle vit les traces de sang laissées sous ses pieds quand il partit avec les mercenaires. Ils arrivèrent dans la cour intérieure où se trouvaient des mercenaires, des esclaves et d’autres brutes, tout le rebut de la population. Pilate fit venir du renfort à cause de l’agitation.

23

La dévote mère portait une robe blanche, un manteau de laine claire avec un voile blanc jauni ; depuis hier elle tournait dans les rues de Iérusalem et dans la vallée de Josaphat. Plus grande et forte, Marie-Magdala avait ses vêtements déchirés et tachés de boue, les cheveux dénoués sous un voile en lambeaux ; ses anciennes passions, son repentir, puis à présent cette intense douleur avaient détruit toute sa beauté, elle ressemblait presque à une folle. Beaucoup de gens de Magdala et ses environs qui l’avaient vue mener une vie mondaine la montraient du doigt et l’insultaient, ils lui ont même jeté de la boue, mais elle ne s’aperçoit de rien. La dévote mère souffrit ce qu’il souffrit au fouettement, Marie d’Héli sa soeur aînée la soutenait, elle ressemble beaucoup à leur mère Anne, et sa fille Marie de Cléophas était presque toujours à son bras. Tremblantes d’inquiétude, les dévotes s’étaient approchées de Marie comme en attente de leur propre mort. Quand Jésus s’effondra au pied de la colonne, Claudia la femme de Pilate fit remettre de grandes pièces de tissu qui servirent à essuyer son sang : la dévote mère et Marie-Magdala, avec vingt personnes bien intentionnées qui les cachaient, s’en étaient chargées lorsque la foule se tournait d’un autre côté.

9 h Après avoir essuyé le sang de Jésus, la dévote mère avec ses amies se retirèrent avec les linges sanglants dans une petite maison. Aram et Themni neveux d’Arimathie avec les fils de Siméon, d’Obed et de Véronique, s’occupaient du Temple dans l’attente et l’anxiété.

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Les juifs arrivaient continuellement en groupe et tous les nouveaux groupes se faisaient aborder par les agents des chefs-sacrificateurs pour les soulever contre Jésus, ainsi qu’il se fit entendre lorsque le seigneur se fit conduire à la garde romaine :

— Qu’on le tue, qu’on le tue.

Il y eut une pause parce que Pilate donnait des ordres, puis il se retira consulter ses idoles. Les membres du grand conseil se firent apporter à manger et à boire. La foule se pressait autour de l’édifice cerné de soldats romains en rang. La couronne fut tressée avec des branches de nerprun, de prunellier et d’épine blanche, elle avait 2 cm d’épaisseur et 15 cm de hauteur, les pointes tournées dedans, il y avait aussi des ronces sur le bord. Le couronnement d’épines se fit près du palais de Pilate dans la cour bordée de colonnes, au-dessus des prisons où cinquante (50) vauriens se trouvaient en compagnie de valets de geôliers, de mercenaires, d’esclaves et autres, qui allaient prendre part aux mauvais traitements que Jésus va subir. Ils roulèrent d’abord une base de colonne au milieu de la cour et déposèrent des morceaux de pots brisés avec des cailloux. Le seigneur fut encore dévêtu et couvert d’un vieux manteau de soldat qui n’allait pas jusqu’aux genoux, ce manteau était mis sur les criminels après leur fouettement pour éponger leur sang ou par dérision. Les mercenaires le firent asseoir soudainement et lui mirent la couronne autour du front sans encore l’enfoncer, puis ils frappèrent sur la couronne avec un gros roseau épais.

Les épines entrèrent brutalement dans son crâne et son visage fut aussitôt inondé de sang.

— Salut roi des juifs, criaient-ils en crachant sur lui.

Ils renversèrent son siège puis ils l’assirent encore ainsi pendant une demi-heure. Jésus avait soif, sa chair était déchirée jusqu’aux os et il grelottait de fièvre.

27

Il était méconnaissable. Quand il fut reconduit à Pilate, marchant plié en deux, le peuple et les membres du conseil des sacrificateurs l’insultèrent encore. Pilate en frémit et dit en s’appuyant sur un officier :

— Si le diable est aussi cruel que les juifs il ne fait pas bon d’être en enfer.

Pilate le fit approcher pour que tout le monde puisse le voir et il fut accueilli dans un horrible silence. La trompette annonça que le gouverneur voulait parler, Pilate le montra du doigt en disant :

— Voilà l’homme... dit-il aux chefs-sacrificateurs. Je le fais amener encore une fois devant vous pour que vous sachiez que je ne le trouve coupable d’aucun crime.

— Qu’on le fasse mourir, qu’on le crucifie, criaient les gens du peuple.

Les chefs-sacrificateurs étaient furieux de voir Jésus encore debout. Ayant su que Claudia était en sa faveur, les pharisiens propagèrent la rumeur que la femme de Pilate s’est laissée séduire par les partisans de Jésus et que tous les juifs seraient exterminés s’il était remis en liberté parce qu’il s’unirait aux romains. Alors que les agneaux des étrangers passaient se faire laver à la piscine des brebis, leurs bêlements témoignèrent en faveur du nouvel agneau qui se révélait en silence pour compléter les prophéties du sacrifice de ce saint jour. La trompette sonna.

— Je ne le trouve coupable d’aucun crime, dit Pilate, prenez-le et crucifiez-le vous-mêmes.

— Nous avons une règle, il doit mourir parce qu’il s’est dit fils de Dieu, dit un sacrificateur.

Cette parole souleva les superstitions de Pilate et il le prit à part pour savoir d’où il était. Jésus ne dit rien.

— Tu ne me réponds pas, dit Pilate, ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te crucifier ou de te libérer ?

— Tu n’as aucun pouvoir sur moi que ce qui t’est donné d’en haut, dit Jésus. Et celui qui m’a livré à toi commet un plus grand péché.

Pilate lui promit de le remettre en liberté s’il répondait, il supplia Jésus de lui dire s’il était un dieu, s’il était ce roi promis aux juifs, et jusqu’où s’étendait son royaume. Jésus lui dit avec gravité que sa royauté et son royaume consistaient dans la vérité. Il révéla à Pilate ses péchés cachés, ainsi que l’exil qui l’attendait, sa misère prochaine et terrible fin, et que le fils de l’homme viendrait prononcer un juste jugement sur lui. Mi-irrité, mi-effrayé, Pilate revint sur la terrasse et dit qu’il voulait libérer Jésus.

— Tu n’es pas l’ami de César si tu le libères, celui qui veut se faire roi est l’ennemi de César, lui cria-t-on.

— Nous t’accuserons devant l’empereur de troubler notre fête.

— Il faut en finir, car nous devons être à dix heures au Temple, disaient d’autres.

De nombreux démons se trouvaient dans la foule et parlaient aux juifs, ils entraient par leur bouche et décuplaient leur mépris ; tout ce qu’ils faisaient était contradiction, désordre, désespoir, et confusion insensée. Toute la masse devint agitée et une insurrection était à craindre. Le même cri retentit sur tous les toits où les gens étaient montés et on entendit de tous les côtés :

— Qu’il soit crucifié.

Le tumulte était effrayant devant la patience immuable du seigneur Jésus. Les efforts de Pilate étaient inutiles devant ces furieux, il se fit apporter de l’eau et quand le serviteur lui déversa sur ses mains, il cria :

— Je suis innocent du sang de ce juste, ce sera à vous d’en répondre.

— Que son sang soit sur nous et sur nos enfants.

Dès que ce cri sortit de toutes les bouches du peuple juif de toutes les régions d’Israel, le peuple fut encerclé de ténèbres et un feu sombre s’abattit sur eux, certains totalement pénétrés, d’autres qu’en surface. Ceux-là se convertiront après le crucifiement de Jésus. Ceux que la malédiction pénétra dans la moelle des os atteignit les enfants dans le sein de leur mère, Jésus le vit et pria par amour pour ses ennemis. Le seigneur implorait leur conversion dans son moindre souffle, et la dévote mère ne cessait de prier pour le salut des bourreaux, elle offrait ses larmes partout où Jésus offrait son sang pour les péchés des hommes.

28

Beaucoup d’anges se réunirent près de lui, ainsi que du petit nombre des croyants présents, leur visage comme leurs vêtements différaient suivant qu’ils consolaient ou priaient, leur onction lumière variait selon leur miséricorde : différents rayons lumineux de couleurs sortaient de leur bouche pour exprimer leurs consolations, aussi des écriteaux qu’ils portaient dans leurs mains. Les flux intérieurs des âmes humaines se manifestaient par une lumière ou une noirceur à différentes vitesses : tous les malveillants ont collaboré aux souffrances du seigneur, tous les charitables et aimants ont enduré avec lui, l’agneau de Dieu qui a pris tous les péchés du monde.

29

Blessé dans son orgueil, Pilate devint furieux que l’homme qu’il avait fait fouetter et qu’il pouvait faire crucifier lui prédise une fin aussi misérable, et qu’il ose le citer à son tribunal au dernier jour dans de telles circonstances. Quand les juifs le menacèrent de se plaindre à l’empereur, la peur de l’empereur terrestre l’emporta, et il se dit, que meurt avec lui ce qu’il sait de moi et ce qu’il m’a prédit. Pilate livrait Jésus aux juifs, mais il devra répondre comme juge inique, car il l’appelle juste et répand son sang. Sous les injures sanguinaires de la foule, Pilate mit ses vêtements de cérémonie, le diadème serti d’une pierre précieuse, le manteau et le bâton. Entouré de soldats, d’officiers du tribunal, de scribes avec leurs rouleaux et tablettes et du sonneur de trompette, il siégea à son tribunal nommé Gabatha, en face de la colonne du fouettement, en présence du grand conseil, Ananus, Caïphe et vingt-huit (28) membres. Les autres membres étaient partis au Temple avec plusieurs pharisiens.

— Voilà votre roi, dit Pilate.

— Crucifiez-le, répondirent-ils.

— Dois-je crucifier votre roi ? dit Pilate.

— Nous n’avons pas d’autre roi que César, crièrent les chefs-sacrificateurs.

Jésus se tenait au bas de l’escalier du tribunal. La trompette se fit entendre et Pilate prononça son jugement : il fit un long préambule où des noms pompeux étaient adressés à l’empereur Tibère puis exposa l’accusation contre Jésus, que les chefs-sacrificateurs l’avaient condamné à mort pour avoir troublé la paix publique et violé leur règle en se faisant appeler fils de Dieu et roi des juifs, et que le peuple avait demandé sa mort sur la croix d’une voix unanime.

— Je condamne Jésus de Nazareth, roi des juifs, à être crucifié, déclara-t-il.

Il cassa un bâton et jeta les morceaux devant Jésus. Il ordonna aux mercenaires d’apporter la croix et sous les huées de la foule, on emmena Jésus rejoindre deux malfaiteurs.

10 h Voici le jugement écrit par Pilate, qu’ils copièrent trois fois et le remirent aux messagers :

« Forcé par les chefs-sacrificateurs du sanhédrin et du peuple sur le point de se soulever pour réclamer la mort de Jésus de Nazareth, coupable d’avoir troublé la paix publique et d’avoir violé leur règle, je le leur ai livré pour être crucifié même si leurs charges ne me semblent pas claires, afin de ne pas être accusé devant l’empereur de favoriser l’insurrection et mécontenter les juifs par un déni de justice. Je le leur ai livré avec deux autres criminels déjà condamnés parce qu’ils voulaient que Jésus soit exécuté avec eux. »

Il écrit aussi sur un écriteau « Jésus de Nazareth roi des juifs » en trois lignes. Cet écrit ne satisfaisait pas les chefs-sacrificateurs qui se plaignirent qu’on le fasse roi des juifs plutôt qu’il s’est dit roi des juifs.

— Ce que j’ai écrit est écrit, leur dit Pilate

Le soir même Claudia Procle retourna le gage de Pilate et quitta discrètement le palais pour rejoindre les amis de Jésus. Elle fut gardée en secret dans une pièce sous la maison de Lazare à Iérusalem, elle se convertit et suivit Paul dans sa prédication. Quand la sentence fut prononcée, Jésus devint encore une fois la proie des mercenaires du sanhédrin. C’était la coutume des romains de rendre les vêtements des condamnés, et on rendit à Jésus les vêtements que Caïphe avait pris, ils étaient propres, des hommes compatissants les avaient lavés. Jésus était à la merci de ces barbares qui avaient eu quelques retenues en présence du tribunal. Après lui avoir jeté son talith, ils lui retirèrent le manteau rouge dans un geste et rouvrirent ses blessures. Ils lui arrachèrent aussi la couronne d’épines car elle ne passait pas dans sa robe brune sans couture et les plaies se remirent à saigner. Il reçut aussi son vêtement de laine blanche, sa large ceinture et son manteau, et ils lui remirent le cercle à pointes de fer attaché aux cordes et la chaîne au cou. Les deux bandits avaient les mains liées, n’ayant comme vêtement qu’un linge autour des reins, un talith et un couvre-tête de paille, leurs peaux portaient les marques des fouets de la veille. Celui qui se convertit par la suite était calme et pensif, l’autre grossier se joignit aux insultes des mercenaires. Jésus les regarda avec affection, il offrait ses souffrances pour leur salut, il souhaitait porter le poids des péchés de l’humanité et répandre son sang pour les expier. Alors que Caïphe et Ananus avaient leurs deux copies du jugement, ils partirent en hâte vers Temple pour l’immolation des agneaux dont le sacrifice faisait déjà place au nouveau sacrifice perpétuel. Bien qu’ils avaient pris toutes les précautions pour éviter les impuretés extérieures, ils n’empêchaient pas de souiller leurs âmes des impuretés de la colère et de la haine.

Croix 

30

Des esclaves jetèrent à ses pieds le bois de la croix, les autres morceaux vont être portés par des valets. La croix s’élevait en Y comme deux branches d’arbre prolongées au centre par le tronc, les bras étaient attachés avec des cordes. Il fallut allonger la croix d’un nouveau morceau de bois pour l’écriteau. Le seigneur se mit à genou, prit la croix dans ses bras et l’embrassa trois fois ; il remercia son Père pour la rédemption du genre humain et embrassa ce nouvel autel. Les anges l’aidèrent à mettre ce fardeau sur son épaule droite, il n’aurait pas pu le soulever sans leur aide. Jésus rappelait Isaac portant le bois du sacrifice. Deux mercenaires maintenaient la croix à chaque bout avec des cordes pour qu’elle ne touche pas terre. Les bourreaux mirent les troncs des croix sur le cou des deux bandits et y attachèrent leurs mains. Vingt-huit (28) pharisiens armés vinrent à cheval escorter Jésus jusqu’au supplice, six d’entre eux avaient participé à son arrestation, l’un d’eux dit à Jésus :

— Le temps des beaux discours est passé. Qu’on nous débarrasse de lui, en avant, en avant.

La trompette sonna le départ. Pilate, en armure et entouré d’officiers, était devant sa cavalerie, suivi de trois cents (300) soldats d’infanterie à pied. Un soldat sonnait la trompette et annonçait la condamnation à chaque coin de rue ; derrière lui une troupe d’hommes et d’enfants apportant cordes, clous, paniers d’outils, perches, échelles, et le bois transversal des croix des bandits ; puis les pharisiens à cheval et le garçon portant l’écriteau et la perche avec la couronne d’épines retirée pour le portage de la croix. L’escorte passa par une rue très étroite, derrière des maisons où il y avait beaucoup de déchets, les gens aux fenêtres l’injuriaient, d’autres lui jetaient des ordures ou un liquide noir infect, même les enfants jetaient des pierres sous ses pieds. Les rues étaient encore pleines d’étrangers, esclaves, ouvriers, femmes et enfants, qui se précipitaient de tous côtés pour voir passer l’escorte et plusieurs allèrent jusqu’au mont Goulgolat. Après la condamnation, la majorité des juifs partirent chez eux ou au Temple terminer les préparatifs de l’agneau.

31

Jésus chancelait sous la charge, les pieds en sang, fiévreux et épuisé par la perte de sang, il ressentait également d’innombrables angoisses. Sa main droite retenait la croix, son vêtement était collant et rouvrait ses plaies. Arrivé un peu avant l’aqueduc qui conduit à la piscine probatique, près de la porte des brebis où l’eau ruisselait dans les conduits, il n’eut plus de force et s’abattit de tout son long sur la pierre, entraîné par les cordes des mercenaires. Il tendit la main en vain. Il pria pour ses bourreaux. Ce sera bientôt fini, se dit-il.

— Relevez-le, crièrent les pharisiens, sinon il mourra entre nos mains.

Des femmes pleuraient et les enfants furent effrayés, Jésus releva la tête par un secours surnaturel. Ils lui remirent la couronne d’épines.

32

La dévote mère demanda que Jean l’amène sur le chemin où Jésus passerait, et partant du quartier de Sion, ils longèrent la maison de Caïphe jusqu’à où Jésus avait reçu la croix. Un portier charitable laissa Jean passer avec le neveu de Joseph d’Arimathie, la dévote mère, Suzanne, Jeanne Chusa et Salomé de Iérusalem. On entendit approcher le son de la trompette et le héraut crier au coin de la rue quand le portier ouvrit la porte. Marie dit à Jean :

— Dois-je voir ce spectacle, dois-je m’enfuir, pourrais-je le supporter ?

— Si vous ne restez pas, vous vous le reprocherez plus tard, dit Jean.

— Qui est cette femme qui se lamente ? demanda-t-on.

— C’est la mère du galiléen.

Ils se moquèrent d’elle et l’un d’eux présenta les clous d’un air amusé. Les mains jointes, Marie vit Jésus brisé sous les douleurs, la couronne d’épines au front. Ses yeux en sang se posèrent sur sa mère, il tomba sur les genoux sous le fardeau. La dévote mère se jeta vers lui et le serra dans ses bras dans ces mots :

— Mon fils.

— Mère...

Les mercenaires l’insultèrent.

— Femme, que viens-tu faire ici ? dit l’un d’eux. Il ne serait pas dans nos mains si tu l’avais mieux élevé.

Quelques soldats émus la firent reculer et aucun mercenaire ne la toucha. Marie tomba à genoux sur la pierre de la porte, une pierre veinée de vert, ses genoux et ses mains laissèrent des traces. Comme on dit les pierres en seront émues, et aussi, cela fit impression. On a transporté cette pierre dans l’église près de la piscine de Bethsaida sous le patronage de Jacob le-mineur.

Dresse-toi des indices sur les chemins, fais des monceaux de pierres, prends garde aux chemins, par quelle voie tu es venue. Retourne, vierge d’Israel, retourne à tes villes. Jérémie 31.21 (Bible Martin) Malheureuse battu de la tempête que nul ne console, voici Je garnirai tes pierres d’antimoine et Je te donnerai des fondements de saphir, Je ferai tes créneaux de rubis, tes portes d’escarboucles, et toute ton enceinte de pierres précieuses : tous tes fils seront disciples de l’Éternel et grande sera la postérité de tes fils. (Esaie 54.11)

33

Les cordes des bras de la croix se détachèrent et un bras se prit dedans. Jésus l’embrassa. Des femmes voilées versèrent des larmes. À une croisée de trois rues, il achoppa contre une grosse pierre et tomba de tout son long alors qu’il voulait s’appuyer.

— Le pauvre homme se meurt, dirent les gens qui allaient au Temple.

— Trouvez quelqu’un pour porter sa croix ou nous ne pourrons l’amener vivant, dirent les pharisiens.

Ils dirent cela aux soldats du Temple, ils voyaient que Jésus n’arrivait pas à se remettre debout. Les soldats virent un ouvrier et le prirent pour porter la croix ; Simon de Cyrène, jardinier païen de quarante ans, revenait avec ses trois enfants des jardins à l’est de la ville, chaque année il venait à Iérusalem tailler les haies comme d’autres de ce métier. Il était fort et portait des bandeaux autour des reins, ses courroies de sandales montaient autour des jambes, et ses fils Rufus et Alexandre portaient des robes bariolées, le plus petit connaissait Étienne, ils se réuniront aux disciples. Des femmes de sa connaissance prirent ses enfants. Le seigneur pleura. Les mercenaires mirent un bras de la croix sur l’épaule de Simon, il eut de la répugnance devant Jésus.

34

L’escorte passa dans une longue rue, les gens bien vêtus s’écartaient par crainte de se souiller, Jésus et Simon avaient marché deux cents pas.

Une femme se jeta devant l’escorte, elle se nommait Séraphia, épouse d’un membre du conseil des sacrificateurs nommé Sirach. Elle vint aussi quand Jésus rencontra sa mère, mais incapable de passer au travers de la foule, elle revint près de sa maison. Elle avait préparé avec une petite fille de neuf ans un vin aromatisé pour son douloureux chemin. On voulut la chasser, mais elle passa avec l’enfant au travers des gens et des soldats et tomba à genoux devant Jésus en lui présentant un voile en fine laine. Il était d’usage d’aller vers les affligés et leur essuyer le visage en marque d’affection et de tristesse.

— Permettez-moi d’essuyer le visage de mon-seigneur.

Le seigneur posa le voile sur son visage en sang et le pressa, puis la remercia. Elle se releva après avoir posé un baiser. Les mercenaires empêchèrent qu’il se désaltère avec le vin que la jeune fille présentait. Séraphia étendit le voile sur la table de chez elle et tomba sans connais-sance en voyant l’empreinte du visage du seigneur Jésus.

— Le seigneur m’a donné un signe, je veux tout quitter, dit-elle agenouillée.

En lien avec Marie et Joseph depuis longtemps, sa famille tenait de leur père un grand désir du messie. Son père était cousin de Zacharie le père de Jean le baptiste, et aussi de la parenté au vieux Siméon. Lorsque Jésus enfant resta à Iérusalem après la fête, Séraphia avait envoyé de la nourriture dans l’hébergement où il restait. Jésus et les disciples venaient souvent loger dans cet hébergement prévu pour les pauvres.Elle fut appelée Véronique, vera icon vrai portrait à cause de ce qu’elle fit. Elle conserva ce voile jusqu’à sa mort puis les dévotes le remirent à l’assemblée, à Marie et aux apôtres.Son mari Sirach, un descendant de la chaste Suzanne, était membre du conseil du Temple, alors très opposé à Jésus, Nicodème et Joseph d’Arimathie l’avaient ramené à la raison. Ensemble ils ont quitté le sanhédrin après s’être déclarés pour Jésus au tribunal de Caïphe.

35

Arrivés au portique de la muraille de la ville, les mercenaires les pressaient, Simon de Cyrène dévia la croix et Jésus fut projeté dans un grand bourbier qu’il y avait devant la muraille.

— Hélas Iérusalem ! J’ai voulu réunir tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes parce que je t’ai aimée, et tu me chasses avec cruauté hors de tes portes, dit Jésus.

— Cet agitateur n’a pas fini, il tient encore de mauvais propos, dirent les pharisiens en le frappant.

— Arrêtez vos bassesses sinon je jette la croix là même si vous voudrez me tuer, cria Simon de Cyrène.

Ils le sortirent du bourbier en le traînant. Passé ce portique il y avait trois routes :
– une au nord vers le mont Goulgolat litt. Golgotha jusqu’à Bethsur, étroite et rocailleuse ;
– une au sud vers Bethléem, par la vallée de Gihon ;
– une à l’ouest vers Emmaus et Joppé.

Ils avaient mis un écriteau sur la route pour indiquer la condamnation des bandits et de Jésus, les caractères étaient collés. Le mot goulgolat remonte au prophète Élisé dans le temps où c’était une colline avec de nombreux murets, de grottes et de tombeaux, le prophète descendit prendre un crâne parmi les ossements et un ange lui dit : C’est le crâne d’Adam. Il ne lui permit pas de l’emporter. Suite à son récit on appela cet endroit crâne. Le bois de la croix sera mis juste au-dessus du crâne d’Adam. L’endroit était au centre de la terre, de là on voyait différents pays, leurs montagnes, déserts, mers, fleuves et villes, les plus proches comme les plus éloignés. Ce n’était pas là qu’Abraham est venu sacrifier Isaac, peut-être sur le mont Moriah. Des femmes en pleurs se tenaient sur le coin, la plupart étaient de dévotes vierges, de pauvres femmes et leurs enfants de Iérusalem, et d’autres venues de Bethléem et d’Hébron et de leurs environs. Voyant que le seigneur Jésus était faible et tombait en défaillance si Simon ne l’avait soutenu, les femmes crièrent de douleur et présentèrent des voiles pour essuyer son visage. Il leur dit :

— Filles de Iérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais sur vous et vos enfants. Le temps vient bientôt qu’on dira, heureuses les stériles, les entrailles qui n’ont pas enfanté, les seins qui n’ont pas allaité. Et on dira aux montagnes tombez sur nous, et aux collines couvrez-nous, car si on traite ainsi le bois vert, qu’en sera-t-il du bois sec.

Il leur dit que leurs larmes seraient récompensées, qu’elles marcheraient sur d’autres chemins.

36

Pilate rebroussa chemin, mais il laissa cent (100) soldats romains escorter ceux qui apportaient les instruments du crucifiement sur le Goulgolat. Le haut de sa plateforme était aussi large qu’un manège de moyenne taille et on pouvait voir la ville par-dessus la muraille. Ils se remirent à avancer, Jésus titubait sous leurs coups et montait péniblement la pente tortueuse, il tomba de nouveau et se fit plus mal encore. Ils poussaient et frappaient le seigneur plus brutalement qu’avant.

11 h 30 Simon de Cyrène aussi fut brutalisé. Dès que Jésus arriva sur le rocher qui surplombait le mont, il s’affaissa une septième fois sous le fardeau. Les mercenaires chassèrent Simon de Cyrène en se moquant de lui, ils renvoyèrent également les ouvriers dont ils n’avaient plus besoin. Bien qu’indigné par les mauvais traitements, Simon de Cyrène souhaitait encore soulager Jésus, il ira bientôt se réunir aux apôtres. Les pharisiens à cheval vinrent du côté ouest par des sentiers plus commodes, tandis que la pente où étaient passés les condamnés était abrupte et difficile. Le mont Goulgolat était à une croisée de cinq routes. On retrouvait ces croisées de chemin à de nombreux endroits, surtout où on puisait l’eau et baptisait, ainsi qu’à la piscine de Bethsaida ; plusieurs des villes avaient aussi cinq portiques, disposition ordinaire aux anciens temps qui s’est conservée jusqu’à présent par une bonne inspiration ; en ce jour son sens prophétique réalisera les cinq voies de salut par les cinq plaies.

La centaine de soldats romains prirent position sur les côtés et plusieurs vinrent près des deux bandits étendus un peu plus bas, bras attachés aux bras de leur croix par des cordes d’écorce, faisant place libre en haut. Il y avait beaucoup de gens, de ceux qui ne craignaient pas se souiller, leur nombre allait en augmentant parce que beaucoup s’arrêtaient là avant de se rendre en ville. Sur la montagne de Gihon, du côté ouest, se trouvait un grand camp d’étrangers venus pour la fête qui regardaient de loin tandis que d’autres s’approchaient à mesure. Les mercenaires délièrent les bois et poussèrent Jésus en criant :

— Nous allons arranger ton trône, roi des juifs.

Il s’étendit lui-même sur la croix sous les regards des pharisiens, son corps meurtri ne lui permettait pas de faire vite et ils lui firent durement sentir. Ils prirent la longueur de ses jambes puis l’enfermèrent dans une cave creusée dans le roc près de là, il y fut poussé si violemment que ses genoux se seraient brisés sans l’aide du ciel grâce aux anges qui avaient empêché qu’ils se brisent. Il gémit d’une façon si déchirante que la pierre se ramollit sous ses genoux. Ils fermèrent l’entrée de la cave et postèrent des soldats pendant que les mercenaires creusaient des trous sur la plateforme, surélevée d’un demi-mètre, et façonnaient la croix afin que le poids du corps ne porte pas seulement sur les mains.

37

Par son amour de souffrir avec lui et ne pas l’abandonner, Marie reçut une force prodigieuse et partit avec ses compagnes chez la maison de Lazare où se trouvaient Marthe, Marie-Magdala, avec d’autres et quelques enfants. Elles étaient au nombre de dix-sept (17) quand elles prirent le chemin de la croix et retracèrent les pas de Jésus avec une gravité qui commande le respect, malgré les insultes de la foule. Une lumière intérieure de grâce guidait Marie et lui indiquait chaque grave incident, ce prodige permit que ces lieux sanctifiés soient honorés par la suite. D’autres gens bien intentionnés s’ajoutèrent dont quelques hommes et leur nombre devint plus grand que le cortège précédent des membres du grand conseil. Passant calmement le long des rues, elles arrivèrent chez Séraphia et virent avec émotion l’empreinte laissée sur le voile.

Elles prirent le vin aromatisé et continuèrent vers le Goulgolat, Marie sentit combien Jésus souffrait à la vue du supplice qui se préparait et une autre peine souleva le fond de l’âme, Marie-Magdala aussi en fut affectée et chancelait. Cet endroit était terrifiant avec ces croix de torture, les marteaux, les cordes, les clous, et les bourreaux à demi-nus faisant leur travail dans les grossièretés. Le groupe monta le Goulgolat par la pente douce et se répartit en trois autour de la plateforme :

– Jean, la dévote mère, sa nièce Marie de Cléophas et Salomé ;
– Marthe, Marie d’Héli, Séraphia Véronique, Jeanne Chusa, Suzanne, Marie et Marie-Magdala ;
– sept autres avec quelques-unes qui communiquaient entre les groupes.

Il avait grêlé par intervalle jusqu’à 10 h, moment de la sentence, puis le ciel s’était éclairci alors que l’escorte conduisait Jésus au Goulgolat, puis vers midi un brouillard cacha le soleil.

38

Jésus pria son Père de le fortifier et s’offrait encore en sacrifice expiatoire pour les péchés de ses ennemis quand les quatre mercenaires l’arrachèrent de la cave à coups de poing et d’outrages ; ils le traînèrent jusqu’à la plateforme dans les insultes de la foule, les soldats maintenaient l’ordre. Les dévotes leur remirent de l’argent pour permettre à Jésus de boire le vin aromatisé, mais les bourreaux le burent à sa place et lui donnèrent le vin d’absinthe et de myrrhe destiné aux condamnés. Jésus y posa les lèvres, mais n’en but pas. Il y avait aussi un autre pot de vinaigre de fiel. Sur les dix-huit (18) mercenaires présents sur la plateforme, six l’avaient fouetté, quatre l’avaient escorté, deux avaient tenu les cordes aux bouts de la croix, les six autres allaient le crucifier ; ces robustes petits hommes servaient aux romains et aux juifs contre de l’argent. Les formes du mal étaient présentes, des démons qui appuyaient la cruauté, invisibles aux autres, et une quantité sans fin de crapauds, serpents, dragons, insectes venimeux qui obscurcissaient l’air et entraient par la bouche dans le coeur des assistants, se posaient sur leur épaule ou leur tête, les saturant de pensées impures et paroles vexantes. De grands anges et des visages glorieux pleuraient au-dessus du seigneur, il y avait aussi des esprits de consolation au-dessus de ses amis. Les mercenaires arrachèrent la couronne d’épines pour enlever la robe que sa mère lui avait fait et ôtèrent tous ses vêtements en rouvrant les plaies ; ses épaules étaient déchirées aux os, le corps complètement lacéré et au bord de s’effondrer.

Ils l’assirent et lui remirent la couronne d’épines en proposant du vinaigre de fiel, mais il s’en détourna. Ils retirèrent ses bras qui couvraient alors sa nudité, ce qui souleva l’indignation chez ses amis. Sa mère pria avec ardeur avec la pensée d’arracher son voile. Notre Dieu tout miséricordieux les exauça et au même instant un homme vint hors d’haleine apporter un linge que Jésus attacha à ses reins avec remerciement. L’homme montra le poing en disant aux mercenaires :

— Gardez-vous d’empêcher ce pauvre homme de se couvrir.

Et il se retira aussi vite que venu. Jonadab, ce neveu de Joseph le charpentier, habitait Bethléem, son père avait pris en gage un âne contre une somme d’argent lors de sa visite à la crèche, qui servit aux dépenses pour recevoir les rois mages annoncés par la dévote mère. Jonadab s’était indigné d’apprendre que Jésus avait été dépouillé de vêtement au fouettement, et dans le Temple il fut encore alarmé et courut sur-le-champ couvrir Jésus au Goulgolat comme Shem, indigné contre Ham , s’était hâté de couvrir Noah. Ses bourreaux aussi étaient issus de Ham, et Jésus foulait le sang du salut au pressoir quand Jonadab vint lui prêter assistance. Jésus s’était étendu sur la croix. Ils avaient de gros marteaux, des maillets de fer d’une pièce, des perceuses en forme de T, et des clous triangulaires de 16 cm, ayant 1 à 2 cm de large, qui passaient au travers. Ces clous firent frissonner le seigneur. Le bras droit attaché au bras de la croix, un mercenaire mit son genou sur sa poitrine, l’autre maintenait sa main ouverte lorsque le troisième la transperça d’un coup. Son sang rejaillit sur leurs bras, il gémit. Avant de clouer sa main gauche, ces bourreaux ivres disloquèrent son bras parce qu’il leur manquait 5 cm : ils tirèrent le bras gauche d'une corde en appuyant leurs pieds contre le bois. Le bras se déchira au coude et on vit ses os. Ils enfoncèrent le second clou à trois de la même manière, on entendait ses gémissements à travers les coups de marteau, les pharisiens se moquaient de lui et s’adressaient à sa mère avec des injures. Ses bras étaient si distendus qu’on voyait l’oblique de la croix en Y. Ils ajoutèrent un morceau de bois pour ses pieds au tiers de la croix, que ses mains ne se déchirent pas, et creusèrent le bois aux talons et au bas du dos pour caler le corps, que son poids ne l’entraîne pas. Ils prirent des cordes et tirèrent sa jambe droite jusqu’à ce qu’elle se disloque pour que ses pieds arrivent au morceau de bois qu’ils venaient de fixer. Sa poitrine craqua et il cria :

— O mon Dieu, mon Dieu. (saumes 22.1)

Qui a cru à ce qui nous était annoncé, qui a reconnu le bras de Iehvah ? Il s’élèvera devant lui comme une faible plante, tel un rejeton issu d’une terre desséchée, qui n’a ni beauté ni éclat pour attirer nos regards et rien qui nous plaise dans son aspect. Méprisé et délaissé par les hommes, homme de douleur habitué à la souffrance, semblable à celui dont on détourne le visage, nous l’avons dédaigné et n’avons fait aucun cas de lui. Cependant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, ce sont nos douleurs qu’il s’est chargé, nous l’avons considéré punissable, frappé de Dieu et humilié. Mais il fut blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités, et le châtiment qui nous donne la paix est retombé sur lui, et nous sommes guéris par ses blessures. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa voie particulière, quand Iehvah a fait retomber l’iniquité de nous tous sur lui. Il a été maltraité et opprimé et il n’a pas ouvert la bouche, semblable à un agneau qu’on mène à la boucherie, à une brebis muette devant ceux qui la tondent, il n’a pas ouvert la bouche. Il a été enlevé dans l’angoisse et le châtiment. Qui a cru parmi ceux de sa génération qu’il serait retranché de la terre des vivants, frappé pour les péchés de mon peuple ? On a mis son sépulcre parmi les méchants, son tombeau avec le riche, quoiqu’il n’eût pas commis de violence et qu’il n’y eût aucune fraude dans sa bouche. Il a plu à Iehvah de le briser par la souffrance après qu’il ait livré sa vie en sacrifice pour le péché. Il verra une postérité et prolongera ses jours, et l’oeuvre de Iehvah prospérera entre ses mains. Il rassasiera ses regards à cause du travail de son âme : par sa connaissance, mon juste servant justifiera beaucoup d’hommes en se chargeant de leurs fautes, c’est pourquoi Je lui donnerai sa part avec les grands, il partagera le butin avec les puissants, parce qu’il a été mis au nombre des malfaiteurs, qu’il s’est livré lui-même à la mort pour porter les péchés de beaucoup d’hommes, et qu’il a intercédé pour les coupables. (Ésaie 53)

Ils trouèrent le pied gauche et l’attachèrent sur le droit, puis ils enfoncèrent un clou dans la blessure du pied gauche et clouèrent le pied droit au morceau de bois, jusqu’au tronc de la croix, par trente-six coups (36) de marteau. La puissance de cette douleur, de la dislocation de tous ses membres, étouffa autour de lui toutes les injures, des anges en larmes se montrèrent au-dessus de lui, il y eut une agitation et des cris d’horreur se firent entendre.

— Pourquoi la terre n’engloutit-elle pas ces misérables ? s’écrièrent les dévotes.

— Pourquoi le feu du ciel ne les consume-t-il pas ?

Ses bourreaux, les mercenaires, répondirent par des grossièretés. Jésus priait même en gémissant, et évoquait les écrits des prophètes et de David, dans les psaumes, dont il exécutait les prophéties : c’est ainsi qu’il n’avait pas cessé de prier tout le long du chemin de la croix, et ce qu’il fit jusqu’à la mort de son corps. L’écriteau de Pilate fut posé par un chef de troupe romaine. Les soldats riaient du titre de roi des juifs. Forts des débats de la veille, les pharisiens revinrent demander à Pilate une autre inscription, mais il ne voulut pas les voir. Les mercenaires agrandirent le trou trop étroit où planter la croix et le rocher extrêmement dur. Les hommes qui burent le vin aromatisé eurent des malaises, il brûlait et leurs entrailles semblaient se déchirer. Ils traitèrent Jésus de sorcier. Ils coururent plusieurs fois au bas du mont Goulgolat pour boire du lait d’ânesse que les femmes du campement vendaient. Quand ils eurent fini de percer Jésus au bois, le son des trompettes qui marque les sacrifices retentit dans le Temple au même moment.

39

La croix pénétra dans la terre avec une forte secousse et Jésus poussa un cri de douleur quand toutes ses plaies s’élargirent et que ses os s’entrechoquèrent sous son poids. Des pleurs se firent entendre. Les mercenaires ébranlèrent la croix pour l’enfoncer davantage. Jean, les dévotes et tous ceux au coeur pur saluèrent Jésus en levant leurs mains tremblantes, comme pour secourir. Le visage tourné au nord-ouest, ses pieds étaient assez bas pour pouvoir les embrasser.

Au son du bois sur le roc, il se fit un profond silence. En enfer, une terreur se fit sentir, l’hystérie saisit les démons, et à la porte des purgatoires, ce bruit tonna en signe de triomphe et une joie saisit les âmes prisonnières, ils ne l’avaient jamais encore ressenti. La croix se dressa au centre de la terre comme un nouveau plant d’arbre sacré du paradis, le sang du messie coula en quatre fleuves de vie qui fertilisent la terre et repoussent la malédiction. Dans la stupeur du silence, alors que le son des trompettes du Temple annonçait les sacrifices des agneaux, on se souvint de la parole de Jean le baptiste :

— Voici l’agneau de Dieu qui prend sur lui les péchés du monde. (Jean 1.29)

40

Ce fut au tour des bandits. Accusés de l’assassinat d’une juive et ses enfants sur la route de Iérusalem à Joppé et ayant prétendu être de riches marchands quand on les arrêta, ils étaient longtemps restés en prison. Gesmas le plus âgé était grand scélérat et maître de l’autre dénommé Dismas, ce ne sont pas leurs vrais noms. Installés avec des voleurs aux frontières d’Égypte, ils avaient donné une nuit d’hospitalité à Jésus enfant et sa famille en fuite, et Dismas enfant fût guéri de sa lèpre après que sa mère le lava avec l’eau du bain de Jésus. Dismas était tombé très bas, mais tant de patience chez Jésus l’avait touché, étendu par terre il ne parlait que de lui :

— Ils maltraitent le galiléen pour avoir enseigné une nouvelle doctrine, qui doit être pire que ce que nous avons fait... Mais quelle patience et grand pouvoir il a sur tous les hommes.

— Quel pouvoir a-t-il, peut-il nous aider s’il est aussi puissant qu’on dit ? répondit Gesmas.

Le soleil s’assombrit, il y eut un mouvement dans la nature comme à l’approche d’un orage. Les mercenaires hissèrent leur croix à l’aide d’échelles après les avoir privés de leur vêtement et fait boire du vinaigre de myrrhe. Ils lièrent leurs poignets, coudes, genoux et pieds, mais les cordes étaient si serrées que cela fit craquer leurs jointures jusqu’au sang. Ils poussèrent des cris et Dismas s’écria :

— Si vous nous aviez cloués comme ce pauvre galiléen vous n’auriez pas pris la peine de nous mettre en l’air.

Les mercenaires se firent des lots pour diviser entre eux les habits de Jésus couverts de sang, et déchirèrent son manteau en plusieurs morceaux, car il était large de plusieurs plis en bas et avait des poches dans la doublure avant. Ils déchirèrent sa longue robe ainsi que la bande qu’il portait au cou, sa ceinture, son talith et le sous-vêtement qui couvrait ses reins. Pour sa robe sans couture ils prirent une table à chiffres pour jeter des dés en forme de fèves. Un envoyé de Nicodème et Joseph vint leur dire qu’il y avait des acheteurs pour tous ces habits et ils vendirent le tout. On les conserva comme reliques de grande estime.

41

La croix bien droite, ils détachèrent les cordes aux bras de Jésus, son sang alla aux blessures et ravivèrent toutes ses plaies. Il fut étourdi sous mille souffrances de feu à travers ses veines des mains et des pieds, et des flèches brûlantes frappèrent tous ses membres et ses organes de douleur. Il fut inanimé, tête basse, bouche entrouverte, les yeux inondés de sang. Il revint à lui après sept minutes, et essaya de relever la tête avec la grosse couronne autour du front. Il était disloqué des épaules aux bras et à la jambe, la poitrine écrasée, le corps en sang, on pouvait compter tous ses os. (Psaumes 22.17, 34.20)

Le teint de Marie et son fils était d’un beau jaunâtre où se fondait un rouge transparent. Jésus avait une poitrine large, non velue d’un poil rougeâtre comme Jean le baptiste; son visage avait la forme un parfait ovale, le front dégagé haut et large, les cheveux fins d’un brun cuivré, raie au milieu, tombaient sur les épaules, une courte barbe séparée sous le menton ; épaules larges aux bras robustes, jambes longues, genoux endurcis par les voyages et les prières, pieds fortement bâtis, plante des pieds endurcie par les nombreux trajets sur des chemins cahoteux où il marchait pieds nus. Un bandit priait, l’autre avait l’injure à la bouche contre le seigneur ; lèvres noircies par le breuvage, yeux rougis, corps disloqués et cruellement garrottés, ils étaient agités de mouvements convulsifs et la souffrance causée par les cordes trop serrées leur arrachait des hurlements.

42

Les mercenaires se partagèrent les vêtements des bandits et se retirèrent. Les pharisiens à cheval ne se retirèrent pas avant de dire encore de mauvaises paroles comme si leur haine n’avait pas atteint le fond. La troupe des cent (100) soldats romains fut remplacée par une autre de cinquante (50) commandée par Abénadar, un arabe de naissance baptisé plus tard Ctésiphon. Cassius son second commandant portait les messages à Pilate, il fut nommé Longin plus tard. Un soldat mit une éponge trempée de vinaigre au bout d’une perche et la présenta aux lèvres du seigneur qui sembla y goûter. Lors du remplacement des troupes, ils n’arrêtaient pas de dire des railleries, Jésus souleva un peu la tête et dit :

— Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. Psaumes 14.1

— Si tu es le messie, sauve-toi et sauve-nous, dit Gesmas.

Les membres du conseil arrivèrent à cheval, il y avait douze (12) pharisiens, douze (12) sadducéens, douze (12) scribes et quelques anciens. Ces derniers firent le tour de la plateforme et chassèrent la dévote mère en la traitant de mauvaise femme. Ils s’adressèrent à Jésus, hochant la tête avec dédain:

— Eh bien imposteur, renverse le Temple et rebâtis-le en trois jours.

— Il a toujours voulu secourir les autres, mais il ne peut se sauver lui-même.

— Descends de la croix si tu es le fils de Dieu.

— Qu’il descende de la croix s’il est roi d’Israel et nous croirons en lui.

— Il a eu confiance en Dieu, qu’il lui vienne en aide maintenant.

— Sauve-toi toi-même maintenant si tu es roi des juifs, dirent aussi les soldats.

— Son démon l’a abandonné, dit Gesmas.

Jésus continuait de prier en silence. Dismas fut profondément touché que Jésus prie pour ses ennemis. La prière de son fils fortifia sa mère, elle se rapprocha alors de la croix suivie de Jean, Salomé et Marie de Cléophas. Le centurion ne les chassa pas. Par la prière de Jésus, Dismas eut une révélation à l’approche de la dévote mère et reconnut qu’il avait été guéri dans son enfance.

— Comment pouvez-vous l’insulter quand il prie pour vous ? dit-il. Il se tait et endure vos violences avec patience parce qu’il prie pour vous. C’est un prophète, il est notre roi, c’est le fils de Dieu.

À cette déclaration imprévue d’un assassin sur la croix, un grand tumulte se fit parmi les assistants et ils ramassèrent des pierres pour le lapider, mais le centurion Abénadar rétablit l’ordre, il les en empêcha et les fit disperser. Dismas dit à son complice :

— Ne crains-tu pas Dieu même condamné à un pareil supplice ? Pour nous, c’est justice de subir le châtiment de nos crimes, mais lui n’a rien fait de mal. Pense à ta dernière heure et convertis-toi.

Touché et éclairé à la fois, il lui confessa ses fautes et dit au seigneur :

— Seigneur, ce sera justice si vous me condamnez. Mais ayez miséricorde de moi.

— Tu éprouveras ma miséricorde, dit Jésus.

Midi Dismas était en profond repentir pendant un quart d’heure et il reçut la grâce. De grands changements se produisirent dans l’âme des gens lorsque la nature montra des signes surprenants, qui les inquiétèrent. Vers midi, ou 6e heure selon le compte des juifs, un brouillard rougeâtre vint devant le soleil.

43

 Une éclipse se produisit quand la pleine lune s’éleva à grande vitesse par-dessus le mont des oliviers et se mit devant le soleil déjà voilé sous la brume. De plus une masse jaune sombre de l’ouest vint le recouvrir entièrement, un anneau rouge feu l’entourait. Le ciel s’obscurcit aussitôt et les étoiles apparurent d’une clarté rougeâtre. Hommes et bêtes furent saisis et les bestiaux se mirent à beugler et à fuir, les oiseaux tombèrent en masse sur les collines alentour du Goulgolat et cherchaient où se réfugier, on pouvait les prendre par la main. Ceux qui injuriaient Jésus baissèrent le ton. Les pharisiens qui voulaient tout expliquer par des causes naturelles furent aussi saisis. Beaucoup se mirent à genoux pour demander pardon. Tout le monde leva les yeux au ciel, certains même se frappèrent la poitrine en criant :

— Que son sang retombe sur ses meurtriers.

Jésus tourna vers eux son regard de la croix. Les ténèbres grandissaient, la croix fut délaissée sauf par sa mère et ses proches. En profond repentir et humble espérance, Dismas leva sa tête vers Jésus et dit :

— Seigneur, pensez à moi quand vous serez dans votre royaume.

— En vérité je te le dis, tu seras aujourd’hui avec moi dans le paradis, répondit Jésus.

Jean, sa dévote mère, Marie-Magdala et Marie de Cléophas se mirent entre Jésus et les bandits. Marie pria pour que Jésus la laisse mourir avec lui, mais il la regarda tendrement et lui dit, les yeux tournés vers Jean :

— Femme, voilà votre fils. Il sera votre fils plus que si vous l’aviez enfanté. Il a toujours eu une foi inébranlable et jamais ne s’est scandalisé sinon quand sa mère a voulu qu’il s’élève au-dessus des autres. Voilà ta mère, dit-il à Jean.

13 h 30 Jean embrassa la mère de Jésus avec respect, puis les dévotes firent asseoir Marie, et elles l’emmenèrent en dehors de la plateforme à cause de sa faiblesse. Tout est écrit pour les enfants qui croient, qui espèrent, qui aiment.

Ténèbres | croix

44

D’épais brouillards obscurcissaient les rues et envahissaient la ville au point que tous marchaient à tâtons. Plusieurs s’étaient allongés par terre et frappaient leur poitrine, d’autres sur le toit de leur maison fixaient le ciel en se lamentant. Les animaux beuglaient et baissaient la tête comme pour se cacher, les oiseaux volaient au ras du sol et tombaient. Pilate partit chez Hérode, ils regardaient le ciel de la terrasse où le matin même Hérode avait vu Jésus se faire outrager par le peuple.

— Ce n’est pas naturel, dirent-ils inquiets. On est sûrement allé trop loin avec ce Jésus.

Ils sortirent du palais escortés de soldats et traversèrent rapidement la place publique sans regarder vers Gabatha, où Jésus avait été condamné par Pilate. Les places s’étaient presque toutes vidées, on voyait encore quelques-uns se précipiter chez eux ou courir en pleurs, et de petits regroupements çà et là. Dans son palais, Pilate fit venir les vieux juifs et dit que ces ténèbres venaient de leur Dieu en colère d’avoir exigé la mort du galiléen, qui était clairement leur prophète et roi. Mais ces anciens attribuaient tout cela à des causes naturelles, persistant dans leur endurcissement afin de ne pas se convertir. Beaucoup se convertirent. Tous les soldats romains renversés à l’arrestation sur le mont des oliviers se convertirent et la foule se rassemblait déjà devant le palais de Pilate, là où le matin même on avait crié, faites-le mourir, crucifiez-le, ils criaient maintenant :

— À bas le juge inique. Que son sang retombe sur ses meurtriers.

Le cousin du mari de Séraphia Véronique, ce Sadoch qui avait clamé Jésus aussi innocent que les enfants assassinés, parlait si durement que Pilate faillit le faire arrêter. Pilate mettait tout sur les juifs, disant lâchement n’y être pour rien, que Jésus était leur prophète, non le sien, c’est eux qui voulaient sa mort, qu’il s’était lavé les mains et s’était innocenté de ce meurtre. Les brouillards de ténèbres recouvrirent le Temple d’un coup pendant qu’ils saignaient les agneaux. Ils en furent terrifiés, saisis par la peur, des cris se firent entendre. Les chefs-sacrificateurs allumèrent les lampes tout en s’efforçant de maintenir le calme, mais l’affolement se changea en panique et Ananus même courut se cacher d’un coin à l’autre du Temple. Les grilles des fenêtres vibraient comme sous un violent orage tandis que les ténèbres s’étendaient à travers la ville. Près de la muraille dans les jardins au nord-ouest, les tombeaux s’étaient écroulés comme par un tremblement de terre, ces tombeaux avant l’agrandissement étaient autrefois hors de la ville. Des tombeaux s’écroulèrent ailleurs, on pouvait voir des os et des lambeaux de tissus, et certains tombeaux avaient une odeur désagréable. Les brouillards de ténèbres eurent un effet persuasif autour du Goulgolat, les gens devinrent tout à coup pensifs et s’écartèrent de la croix à mesure que les ténèbres avançaient. Dans le silence qui survint, après que Jésus confia sa mère à Jean et qu’elle fut amenée à distance, la crainte des ténèbres saisit le peuple. De ceux qui fixaient le ciel, certains retrouvèrent leur conscience et se frappèrent la poitrine en direction de la croix, remplis de repentir, et se groupèrent ensuite ensemble, les pharisiens qui trouvaient ces causes naturelles finirent par baisser le ton. Le soleil s’assombrit en plein jour, cerné de rouge, on voyait les étoiles rougeâtres, les oiseaux s’abattaient sur le Goulgolat et se laissaient prendre, les chevaux et les ânes des pharisiens s’étaient blottis ensemble têtes basses. Les ténèbres recouvrirent tout le Goulgolat d’épais brouillards. Durant ce délaissement, le seigneur priait encore, comme depuis le début de son sacrifice, répétant des passages des psaumes qui trouvaient leur accomplissement en lui. Il priait son Père céleste avec amour et des anges étaient tout autour de lui. Jésus ressentit ce qu’un homme délaissé de consolation divine et humaine peut souffrir, il obtint pour nous la force d’acquérir les mérites de la persévérance dans la lutte du délaissement absolu par l’union de notre délaissement au sien. Qui s’unira à Jésus ne pourra jamais désespérer lorsque tout est assombri par absence de lumière et consolation, nous ne descendons plus sans protection dans ce désert de la nuit intérieure, il est la lumière, la voie de la vérité descendue dans la route sombre, il a élevé sa croix dans le désert et répandu les bénédictions qui surmontent les terreurs. Réduit au plus bas niveau d’abandon et de pauvreté, laissé sans soutien, il fit son testament devant Dieu, il donna tous ses mérites à son assemblée et aux pécheurs repentants. Il n’omit personne dans son abandon et pria aussi pour ceux qui ont prétendu qu’il n’avait ressenti aucune douleur par son sacrifice et n’avait souffert comme un homme souffre dans la même situation.

15 h Il ressentait ce délaissement plus difficilement qu’un homme ordinaire parce qu’il était intimement lié à la divinité, parce qu’il buvait la coupe amère qui déversait des horreurs par son délaissement. Il cria très fort :

Éli Éli, lamah azabtani. (Psaumes 22.1)

Ce cri rompit le silence en haut du Goulgolat. L’un des pharisiens dit qu’il appelait Éli, un autre répondit de voir si Éli viendra l’aider. La dévote mère revint au pied de la croix suivie de Jean, Marie-Magdala, Salomé et Marie de Cléophas. Passant là à cheval pour la fête, un groupe de trente (30) hommes importants de Judée et de Joppé virent Jésus si maltraité et les menaces de la nature, et dirent avec dégoût :

— Malheur à cette ville... Si le Temple de Dieu ne s’y trouvait pas, on devrait la brûler pour avoir pris en elle un si grand péché.

Des murmures et des gémissements se firent entendre et la foule se divisa entre ceux qui insultaient et ceux qui compatissaient. Les pharisiens furent moins arrogants alors que les plus compatissants se regroupaient ensemble, mais craignant une émeute à Iérusalem, ils s’entendirent avec le centurion Abénadar de fermer le portique voisin pour couper les communications avec la ville, et renforcer les troupes en cas d’émeute. Un messager fut envoyé vers Pilate et Hérode. Pour maintenir l’ordre, le centurion Abénadar fit cesser toute insulte pour ne pas indigner la foule.

15 h 10 La lune commença à s’écarter du soleil vers une direction opposée, on aurait dit qu’elle tombait, et la lumière revint peu à peu. Les étoiles disparurent dès que le soleil se remit à briller malgré le ciel sombre. Les pharisiens gagnaient en arrogance à mesure que la lumière revenait, mais Abénadar ordonna à tous de se tenir tranquilles.

Tremblement de terre | croix

45

La lumière revint et le seigneur dit :

— Je suis pressé comme le raisin pressé ici la première fois pour rendre tout mon sang jusqu’à ce que l’eau vienne et que l’enveloppe devienne blanche, mais on ne fera plus de vin ici.

À une époque après le déluge, cette contrée pierreuse était couverte de vignobles et de grandes prairies avec d’immenses troupeaux, le vieux patriarche Japhet était entouré de nombreux enfants dont les maisons étaient creusées dans la terre, avec des toits couverts de fleurs et d’herbages, et des vignes tout autour. En présence de Japhet ses enfants essayaient un nouveau moyen de presser le vin dans un tronc de bois creux avec des leviers sur le côté. Jésus s’affaiblit et sa langue devint sèche, il dit :

— J’ai soif. Ne pouviez-vous me donner une goutte d’eau ? dit-il tristement à ses amis.

— Nous avons oublié, seigneur, répondit Jean.

— Mes proches ont oublié de me donner à boire afin que s’accomplisse ce qui est écrit. (Psaumes 69.21)

Cet oubli l’affecta beaucoup. Ils proposèrent aux soldats de l’argent contre un peu d’eau, mais en vain, un soldat trempa une éponge dans le vinaigre en ajoutant du fiel, mais le centurion Abénadar pressa cette éponge pour n’y mettre que du vinaigre et l’éleva au bout de sa lance jusqu’à Jésus qui aspira le vinaigre. Puis le seigneur dit :

— Quand ma voix ne se fera plus entendre la bouche des morts parlera.Psaumes 37.30, Job 33.22

— Il blasphème encore, crièrent quelques-uns.

Abénadar leur dit de se tenir tranquilles.

15 h 30 L’heure était venue. Jésus lutta contre la mort, une sueur froide sortit de ses membres, il leva la tête au ciel et cria :

— Tout est consommé. Abimon Père, je remets mon Esprit dans tes mains. Ps. 89.26, Ps. 31.5

L’appel à son Père passa au travers du ciel, de la terre et de l’enfer, il rendit l’âme tête basse, et pour signe, un tremblement de terre fendit le roc du Goulgolat, entraînant d’importants décombres à Iérusalem et dans tout le pays, et Dieu renversa la nature pour accomplir les prophéties jusque dans les profondeurs.

J’ai été sous ta garde dès le sein maternel, tu as été mon Dieu dès le ventre de ma mère. Ne t’éloigne pas de moi quand la détresse est proche, quand personne ne vient à mon secours. De nombreux taureaux sont autour de moi, des taureaux de Basan m’entourent et ouvrent leur gueule contre moi comme un lion qui rugit et déchire. Je suis comme l’eau qui coule, tous mes os se séparent. Mon coeur fond comme la cire dans mes entrailles. Ma force sèche comme l’argile et ma langue colle à mon palais. Tu me réduis en poussière par la mort et des chiens m’encerclent, une bande de scélérats rôdent autour de moi, ils ont percé mes mains et mes pieds. Je pourrais compter tous mes os. Eux observent, ils me regardent, ils se partagent mes vêtements, ils tirent au sort ma tunique. Mais toi Iehvah, ne t’éloigne pas, car tu es ma force, viens vite à mon aide : protège mon âme de l’épée et ma vie au pouvoir des chiens. Sauve-moi de la gueule du lion, délivre-moi des cornes du buffle. Je publierai ton Nom parmi mes frères, je te célébrerai au milieu de l’assemblée. Car le règne appartient à Iehvah qui domine les nations. Tous les puissants de la terre mangeront en se prosternant, car ceux qui ne peuvent conserver leur vie, tous ceux qui descendent dans la poussière, s’inclineront devant lui. La postérité le servira et on parlera du seigneur à la génération future qui viendra, elle annoncera sa justice, elle annoncera son oeuvre au peuple nouveau-né. Psaumes 22.11

Son âme descendit dans les purgatoires dans un éclair avec Gabriel et un groupe d’anges. Les anges firent descendre dans l’abîme de nombreux mauvais esprits de la terre. Jésus fit monter des âmes dans leurs corps pour alerter les non-pénitents et attester de lui. Ce signe se manifesta dans toute la nature :

– dans leurs tombes des morts ressuscitèrent ;
– dans le Temple le voile se déchira et les murs s’écroulèrent ;
– dans tout le pays des bâtiments et des montagnes entières s’effondrèrent.

Jean et les dévotes s’étaient jetés sur le sol, la grâce vint éclairer l’âme d’Abénadar, son cheval baissa la tête, il jeta sa lance et frappa sa poitrine avec force, criant :

— Béni est le tout-puissant Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Cet homme est vraiment un tsadiq juste, le fils de Dieu.

Aux paroles de leur chef, plusieurs soldats certifièrent avec lui que Jésus était le fils de Dieu et firent autant. Abénadar remit son cheval et sa lance à l’officier de second rang, il ne voulait pas être au service des adversaires pharisiens. Des gens se convertirent ainsi que des pharisiens arrivés plus tard, beaucoup se frappaient la poitrine et repartaient chez eux dans les larmes par la vallée de Gihon, d’autres aux vêtements déchirés se jetaient de la poussière sur la tête. Ayant dit quelques mots à ses soldats, Abénadar partit de la vallée de Gihon à la vallée d’Hinnom, aux grottes où se réfugiaient les disciples, et leur annonça la mort du seigneur, puis il repartit en ville vers Pilate.

Le seigneur payait aussi les dettes des pécheurs par la mort de son corps : il s’était convulsé une dernière fois et prit une blancheur livide après s’être vidé de son sang, ses plaies devinrent des taches noires, la couronne d’épines sur sa tête, la langue baignée de sang sortait de ses lèvres entrouvertes, son dos se raidit et ses mains se relâchèrent sous les clous.

Les bandits s’étaient tus malgré leurs douleurs et Dismas pria. Des pharisiens jetèrent des pierres dans la fente du roc, mais s’en éloignèrent sous les critiques, plusieurs d’entre eux se convertirent et retournèrent à Iérusalem très alarmés. Plusieurs des dévotes retournèrent en ville. Cassius et cinq autres soldats étaient près de la plateforme, le reste des cinquante (50) soldats s’étaient postés au portique de la ville et attendaient le renfort de cinq cents (500) soldats. On vit des disciples loin dans la vallée et sur les hauteurs.

46

Jonadab était revenu en hâte au Temple, mais le sacrifice des agneaux fut interrompu dû aux brouillards, avant le tremblement de terre et l’apparition des morts. Il retourna à Bethléem, car il avait des enfants en bas âge, sa mère et sa femme étaient aussi malades. Il reprit la route le coeur changé, bien que son père et Joseph étaient frères, il avait eu peu d’égard à Jésus. À mi-chemin sa femme avec ses enfants et sa mère vinrent à sa rencontre en bonne santé. Elles lui racontèrent comment, un peu après midi, une femme était entrée chez eux en leur disant :

— Levez-vous pour aller au-devant de Jonadab qui a couvert un homme nu.Ésaie 58.7

Un bien-être les envahit et elles se levèrent parfaitement bien. La femme avait disparu en laissant un doux parfum dans la maison. Jonadab parla du crucifiement de Jésus dont il avait couvert la nudité.

— Ce fils de Joseph et Marie était bien le saint prophète, le messie d’Israel, se dirent-ils.

Ils déchirèrent leurs vêtements et versèrent des larmes en remerciant Dieu d’un si grand bienfait pour une charité si simple. Ils se parlèrent des signes effrayants qui s’étaient manifestés en ce jour sur la terre et au ciel. Ils repartirent chez eux émus jusqu’au fond de l’âme, et après avoir mis ses affaires en ordre, Jonadab se réunit plus tard à la communauté. Les morts ressuscités se montrèrent aux disciples cachés pour leur donner des avertissements, ailleurs d’autres ressuscités se présentèrent chez leur parenté pour rendre témoignage de la mission de Jésus. Aucun des ressuscités n’était de la parenté de Jésus. Un homme de grande piété nommé Sadoch fut un des premiers qui reprit son corps pour se montrer à de nombreuses personnes dans les environs d’Hébron. Il avait vécu cent (100) ans avant Jésus dans le désir de la venue du messie, et autant pour les anciens de sa connaissance, il avait aussi reçu quelques révélations. Il avait fondé une communauté d’esséniens après avoir partagé tous ses biens entre les pauvres et le Temple. Il ressuscita une seconde fois pour suivre Jésus et parcourut le pays dans son cortège. Les sombres brouillards en plein jour et le tremblement de terre eurent de graves conséquences en dehors de Iérusalem, dans tout le pays :

- à Thirza, les tours de la prison avec certains bâtiments s’étaient écroulés ;

- à Khaboul, près de Tyr et de Sidon, il y eut des décombres à de nombreux endroits ;

- en Galilée, les nombreux bâtiments appartenant aux pharisiens les plus inconciliables furent en ruine, les décombres avaient écrasé leurs femmes et leurs enfants lorsqu’ils étaient à la fête ;

- à Capharnaum, beaucoup de bâtiments s’étaient effondrés ;

- au lac de Génésareth, entre Tibériade et le jardin du centurion Zorobabel de Capharnaum, les habitats des esclaves étaient presque tous détruits et le mur de pierre devant ce jardin s’était fendu ;

- le lac déborda dans la vallée sur 2 km jusqu’à Capharnaum, mais les habitations de Pierre et la dévote mère ne furent pas touchées ;

- le lac était devenu très agité et ses rives affaissées par endroits surtout au sud-est de Tarichée ;

- à la sortie du lac, entre le lac et le marais, la chaussée pierreuse qui donnait une constante au Jourdain fut détruite dans toute sa longueur sous le tremblement de terre ;

- à l’est du lac, des désastres aussi à Gergésa, à Gérasa et dans la région de Chorazin où eut lieu la seconde multiplication des pains, la pierre s’était fendue en deux quand la montagne trembla ;

- dans la Décapole, des villes complètes étaient en ruine ;

- aussi en Asie à certains endroits dans Nicée Turquie, surtout à Panéas ainsi qu’à l’est et au nord-est.

Après la fête, les pharisiens de la Galilée supérieure retrouvèrent leurs maisons en ruine, ceux qui l’apprirent à Iérusalem furent moins arrogants contre la communauté à la Pentecôte suivante. Le temple de Garizim en Samarie s’écroula en partie, le toit s’était affaissé sur la fontaine où était l’idole. La synagogue de Nazareth était à moitié écroulée ainsi que la montagne où ils avaient voulu jeter le seigneur. Rien ne changea dans Machérunte et autres villes d’Hérode, ils étaient comme ces hommes qui ne furent pas renversés au jardin des oliviers, par conséquent ne se relèvent pas. De plus après à ces secousses, un nombre de montagnes, de vallées et de villes furent bouleversées, le Jourdain changea son cours à différents endroits. Des groupements de mauvais esprits partirent en grand nombre lorsque les bâtiments et les montagnes s’affaissèrent à plusieurs endroits, ces secousses rappelaient les convulsions des possédés avant que le mal se retire. Là où les démons avaient jeté les pourceaux dans un marais de Gergésa, une foule d’esprits impurs se jeta dans l’abîme sous la forme d’une fumée noirâtre lorsqu’une part de la montagne s’écroula dans le marais. Dans un port de Nicée, un surveillant païen nommé Thramus entendit un fracas et aperçut de sombres figures planer sur le port. Ils lui crièrent :

— Fais sortir les bateaux d’ici si tu veux les conserver, car nous devons entrer dans l’abîme, le grand Pan est mort.

C’est sous le pouvoir de Dieu que ces mauvais esprits avertirent l’honnête homme en avouant leur défaite. Dès les bateaux en sûreté, un grand orage se leva et il entendit leurs hurlements quand les démons se jetèrent dans la mer. La ville aussi s’effondra à moitié, mais sa maison resta intacte, il fit bientôt un grand voyage et annonça la mort du grand Pan. C’est ainsi qu’on appelait le sauveur.

Mort dans le Temple| croix

Les brouillards de ténèbres étant passés, les chefs-sacrificateurs du Temple s’étaient vantés du retour à la normale et reprirent les sacrifices, ainsi que le lavage et l’immolation des agneaux. Les sacrificateurs procédaient aux longues files à cadence régulière sous les chants des cantiques et son des trompettes. Mais après ces ténèbres des tremblements de terre secouèrent le Temple ainsi que les bâtiments de la ville. Ceux qui fuyaient se retrouvèrent devant les ressuscités qui les menaçaient s’ils ne se repentaient pas. La terreur était partout. Le voile et les murs du Temple se fendirent avec fracas au premier tremblement de terre. Les deux grandes colonnes à l’entrée du sanctuaire se déplacèrent, le linteau tomba et le voile se déchira dans toute sa longueur. Ce voile de plusieurs couleurs avait des cercles astronomiques et d’autres représentations comme le serpent d’airain. Le sanctuaire était à la vue de tous ; une pierre du mur côté nord s’était détachée près de la cellule où priait le vieux Siméon. La voûte de la galerie était tombée, leurs colonnes déplacées, les planchers et les seuils de plusieurs salles affaissés. Des cris se firent entendre dans le Temple où fourmillaient les juifs venus en grand nombre de toutes parts du pays et ailleurs.

La panique n’était pas encore générale et les sacrifices continuaient par endroits, mais dès que les morts ressuscités entrèrent dans le Temple, ils laissèrent tout et coururent précipitamment vers les marches du Temple dans la cohue. La garde maintenait l’ordre à la forteresse Antonia, et malgré la frayeur générale, la multitude se dispersa, et chacun revint chez soi dans la crainte - sentiment que les pharisiens réprimèrent chez le plus grand nombre. La résistance satanique de Caïphe et ses partisans à la nuque raide fit dévier le retour universel, et les juifs en majorité ne virent pas ces avertissements comme des témoignages au messie. Zacharie, le grand cohen assassiné entre le Temple et l’autel, était dans le sanctuaire, faisant des menaces contre les meurtres de Jean le baptiste, de Zacharie et des prophètes, il se montra aux sacrificateurs se trouvant dans le sanctuaire. Il était passé par le mur où la pierre s’était détachée. Son tombeau se trouvait sous le mur du Temple, il en sortit quand le tombeau s’écroula, mais il n’y retourna pas. Les deux fils du grand cohen Simon le-juste, grand-père de Siméon qui prophétisa à la présentation de Jésus, vinrent jusqu’à la grande chaire du Temple et firent des menaces contre les meurtres des prophètes. Ils dirent que les sacrifices avaient cessé et que tous iraient joindre la doctrine du crucifié. Leur caveau se trouvait au pied de la montagne du Temple, ils y retournèrent avant la mise au tombeau du seigneur. Jérémie le prophète fils de Hilkija, sacrificateur d’Anatot, apparut près de l’autel et annonça la fin de l’ancien sacrifice et le début du nouveau. Les portes du sanctuaire s’ouvrirent avec fracas et une voix se mit à crier :

— Sortons d’ici. (Esaie 52.11)

Les anges partirent et la voix des anges fit entendre des menaces. Aussitôt les sacrificateurs ressuscités quittèrent le Temple et retournèrent dans leurs tombeaux. Nicodème, Joseph d’Arimathie et plusieurs autres quittèrent le Temple aussi. Après leur conversion plusieurs des trente-deux (32) pharisiens arrivés plus tard au Goulgolat vinrent faire des reproches à Ananus et Caïphe puis ils quittèrent le Temple à la vue de tous ces signes.

L’autel des parfums s’ébranla, un encensoir tomba, l’armoire des écritures bascula, tous les rouleaux se renversèrent, et la chaire du vestibule s’affaissa. Ananus courut d’une pièce à l’autre du Temple, terrorisé, gémissant en se tordant, lui qui s’était acharné contre le messie, qui avait dirigé toutes les actions en secret contre lui et les apôtres. Ses partisans l’amenèrent dans un lieu caché, et Caïphe le prit dans les bras, mais en vain, la vue des morts ressuscités l’avait rendu fou. Caïphe aussi était dans la terreur, mais plein d’orgueil et d’obstination démoniaque : il mit sous silence la colère de Dieu contre le sanhédrin et ordonna de cacher les prodiges dont le peuple n’eut pas connaissance, faisant répandre la fausse rumeur que les partisans du galiléen avaient causé le courroux céleste en entrant dans le Temple en état d’impureté. Il fit aussi répandre la rumeur que seuls des ennemis à la loi pouvaient avoir soulevé de telles terreurs, et que ces terreurs venaient des sortilèges de Jésus, cet homme qui avait troublé la paix du Temple dans sa mort comme dans sa vie. Il calmait les uns et menaçait les autres, et plusieurs cachèrent leurs sentiments. Les sacrificateurs qui avaient entendu les morts ressuscités dans le sanctuaire cachèrent les avertissements donnés par lâcheté après qu’il leur fut interdit d’en parler. Les cérémonies reprirent dès que le Temple fut purifié, mais de nombreux agneaux ne furent pas immolés suite à la déroute du peuple. Les connaissances de Jean qui l’avaient fait entrer avec Pierre se convertirent et se réfugièrent avec les disciples. Dans les tremblements de terre qui suivirent, une partie du foyer où Pierre avait renié s’affaissa ainsi que l’escalier du tribunal de Caïphe ; le grand cohen Simon le-juste apparut là aussi et prononça de terribles paroles sur l’injuste jugement des membres du sanhédrin. Une centaine de morts de toutes les époques sortirent de leurs tombeaux pour se présenter dans Iérusalem et ses environs, allant souvent par deux témoigner en faveur de Jésus dans certains lieux, parlant sévèrement aux juifs qui s’enfuyaient à leur vue. La plupart de leurs tombeaux étaient dans les vallées hors de la ville, beaucoup dans les quartiers nouvellement annexés, surtout au nord-ouest dans les jardins entre les portiques de l’angle et la route du crucifiement, mais aussi autour et sous le Temple, cachés ou ignorés. Seuls les morts envoyés par Jésus ressuscitèrent quand les tombeaux s’ouvrirent, ils entraient chez leur parenté à visage découvert et témoignaient en faveur de Jésus, mais menaçaient ceux qui avaient pris part à sa condamnation. Le mouvement de leurs pieds ne se voyait pas, ils planaient au ras du sol, les mains bandées, le voile relevé sur la tête, le visage pâle se détachait sur leur longue barbe, leur voix était étrange. Les juifs se regroupaient pour les écouter de loin et fuyaient dès ils avançaient. L’épouvante était partout dans la ville, beaucoup se cachèrent chez eux dans les pièces les plus sombres, et à cause de la confusion, peu de gens mangèrent l’agneau en soirée. Il y eut aussi des apparitions après la résurrection du messie. Les morts passaient d’une rue à l’autre avec rapidité, se faisant entendre sans s’arrêter devant ceux qu’ils croisaient sur leur chemin. Ils s’arrêtèrent à l’endroit où le messie avait été condamné et crièrent :

— À Dieu la gloire, malheur aux meurtriers de Jésus.

— Juge sanguinaire, dirent-ils devant le palais de Pilate.

Ce palais s’était entièrement ébranlé et le sol affaissé. La pierre où Jésus fut hué par la foule était fendue. La cour du tribunal voisin où les innocents égorgés par Hérode étaient enterrés s’était affaissée. Bien que les murs avaient été sectionnés ou effondrés à d’autres endroits de la ville, aucun bâtiment ne fut détruit en totalité. Pris de panique, Pilate se cachait d’une pièce à l’autre depuis que les morts lui avaient reproché son jugement injuste, quand ils se montrèrent dans sa cour. Il avait cru voir les dieux du prophète Jésus et courut offrir de l’encens à ses idoles et leur faire des voeux pour contrecarrer les dieux du galiléen. Hérode de son côté avait tout fait fermer dans son palais à Iérusalem.

16 h Dans l’heure même où les morts ressuscités revinrent dans leurs tombes, d’autres bouleversements et des signes de toutes sortes arrivèrent dans d’autres régions du pays, mais aussi dans d’autres pays.

Corps

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Au retour du calme Pilate reçut des rapports de tous côtés tandis que le sanhédrin envoyait pour faire rompre les jambes des crucifiés et les achever pour qu’ils ne restent pas en croix le soir même au shabat de Pesah. Joseph d’Arimathie vint en personne demander la permission de déposer le corps de Jésus dans son tombeau creusé près du Goulgolat. Il fut troublé de voir un homme si considérable vouloir rendre les derniers honneurs à celui qu’il avait fait si bassement crucifier.

— Est-il donc déjà mort... dit-il.

Il fit venir Abénadar qui lui rapporta les dernières paroles du seigneur ainsi que le roc fendu sous le tremblement, et Pilate dépêcha Abénadar derrière les mercenaires qu’ils venaient d’envoyer. Joseph partit acheter un linceul de très fin coton de six aunes, plus large que long. Nicodème avait déjà acheté les plantes aromatiques. de La maison de Nicodème, les serviteurs prirent des outils pour descendre le corps de Jésus et emportèrent sur une civière, échelle, marteau, cheville, outres d’eau, vases et éponges.

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Il n’y avait plus que Jean, la dévote mère, Marie-Magdala, Marie de Cléophas et Salomé devant la croix, et les quelques soldats un peu plus loin avec Cassius à cheval. Ce sous-officier de vingt-cinq (25) ans était empressé de nature, ses yeux louches et faibles portaient à la moquerie lorsqu’il prenait un air important. Les soldats avaient planté leurs lances dans le sol et parlaient à distance avec d’autres soldats. Les six mercenaires arrivèrent pour briser les jambes des crucifiés avec leurs outils ; cordes, pelles, échelles et barres de fer. Ils posèrent les échelles sur la croix de Jésus, mais Jean leur demanda encore un moment, alors ils allèrent sur les croix des bandits. Deux brisèrent leurs coudes avec les barres, le troisième brisa leurs jambes. Gesmas criait horriblement, alors ils frappèrent trois coups sur sa poitrine pour l’achever, Dismas mourut de la même façon, mais il reverra le sauveur. Ils détachèrent les cordes et leurs corps tombèrent sur le sol, ils les traînèrent dans une fosse entre le mont Goulgolat et la muraille de la ville. Devant leurs procédés barbares face aux dévotes, Cassius réalisa une prophétie sous l’inspiration, et avançant son cheval entre Dismas et Jésus et prenant sa lance de la fente du roc, il l’enfonça à deux mains au côté droit du seigneur ; la pointe transperça le coeur et ressortit un peu sous le sein gauche. Quand il la retira, une importante quantité de sang et d’eau rejaillit. Dès qu’il en fut arrosé, il sauta de son cheval, frappa sa poitrine à genoux et le déclara fils de Dieu : son âme et son corps étaient guéris, ses yeux avaient retrouvé toute leur force, il louangeait Dieu à genoux. Les soldats aussi se mirent à genoux et frappèrent leur poitrine en confessant Jésus. Le sang et l’eau de Jésus coula jusque dans la fente du roc, Jean et la dévote mère recueillirent ce précieux liquide dans des flacons et essuyèrent avec des linges avec l’aide de Cassius. Les mercenaires s’en allèrent après avoir reçu l’ordre de ne pas toucher au corps de Jésus.

16 h 15 Des serviteurs vinrent les informer que Nicodème et Joseph viendraient déposer le corps du seigneur dans un tombeau. Jean retourna au mont Sion pour chercher des nécessités avec les dévotes et pour que la dévote mère reprenne des forces dans son petit logis près de la salle à manger. Ils passèrent par le portique sud qui fait face à Bethléem, car le plus proche portique était fermé et sous garde. À l’est du mont Goulgolat, au nord de la muraille, il y avait des tombeaux au milieu de jardins et de vignobles. La croix fut enterrée au pied du Goulgolat parmi de beaux vignobles en terrasse.

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Le premier portique à l’est de Iérusalem fait face au quartier d’Ophel. Le portique des brebis au nord-est le plus proche de l’angle nord-est du Temple. Entre ces deux, un autre assez récent menant à l’est du Temple traversait les rues des tailleurs de pierres et autres ouvriers dont les maisons étaient appuyées aux fondations du Temple. Elles appartenaient presque toutes à Nicodème qui les avait fait bâtir, ils lui versaient un loyer, soit en argent, soit en travaillant pour lui, étant en rapport permanent avec lui et son ami Joseph d’Arimathie qui exploitait de grandes carrières de pierre dans sa région natale. Nicodème avait fait un portique donnant sur ces rues nommé le portique de Moriah, il venait d’être terminé quand Jésus y entra le dimanche précédent Pesah. Le seigneur entra par ce nouveau portique de Nicodème et fut enterré dans le tombeau neuf de Joseph d’Arimathie. Ce portique fut ensuite muré, il y avait à côté un portique muré que les turcs appellent la porte d’or. Dans une ancienne tradition, les croyants devaient y passer.

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Cinq disciples venus de Béthanie jusqu’au pied du Goulgolat avaient levé leurs yeux vers la croix puis ils se sont discrètement éloignés. Nicodème et Joseph d’Arimathie vinrent trois fois, mais seulement aux environs ; la première quand ils rachetèrent les vêtements de Jésus, la seconde pour voir si la foule se dispersait, puis avant de faire les arrangements pour la descente du corps. Des serviteurs prirent dans la grange de Nicodème deux échelles qui ressemblaient à des perches avec des pièces transversales et des crochets. Nicodème portait cent (100) livres de plantes aromatiques dans des sacs d’écorce et des paquets d’herbes dans des sacs de cuir ou parchemin. Joseph apportait une boite d’onguent et du feu dans une lanterne fermée. Leurs serviteurs qui les devançaient passèrent par le portique que prirent Jean et les dévotes, cinq dévotes les suivirent à distance avec de gros paquets de tissu sous leurs manteaux. Elles s’étaient enveloppées le corps d’un drap qui couvrait aussi la tête suivant la coutume des femmes pieuses de sortir le soir enveloppées d’un drap d’une bonne aune de largeur, qui servait aussi d’habit de deuil, elles l’enveloppaient si serré qu’elles pouvaient à peine marcher. Joseph et Nicodème aussi s’étaient mis en deuil, manches noires, large ceinture, long manteau gris tiré sur la tête, qui leur servait aussi à cacher ce qu’ils portaient. Les rues étaient désertes, tous s’étaient enfermés dans leur maison, la plupart dans le repentir, un petit nombre seulement observèrent la fête.

Arrivés au portique, ils le trouvèrent fermé et gardé par des soldats qui avaient en vain essayé de l’ouvrir, la porte était bloquée depuis le tremblement de terre. Les mercenaires chargés d’achever les crucifiés avaient dû passer par une autre porte. Après avoir présenté le laissez-passer signé de Pilate, Joseph avança la main sur la serrure avec Nicodème et la porte s’ouvrit d’elle-même au grand étonnement de tous. Maintenant sur le mont Goulgolat avec leurs serviteurs, les dévotes, Cassius et plusieurs soldats convertis se tenant à distance, discrets et respectueux, les femmes déposèrent ce qu’elles avaient apporté ; linge, aromates, eau, éponges, récipients, ils étaient prêts à descendre le corps du seigneur avec le centurion Abénadar qui venait d’arriver. Cassius lui parla du miracle de la guérison de sa vue et ils furent pleins d’émotions et de gratitude avec une gravité solennelle. Cela ne détourna pas Marie-Magdala de sa douleur.

Jacob le plus jeune des trois frères fut grandement aimé de Jésus Christ, et lui aimait tellement son maître que quand il fut crucifié il ne voulut pas goûter de viande jusqu’à ce qu’il l’ait vu ressuscité, ce qu’il se souvenait lui avoir été prédit à lui et ses frères par Jésus Christ pendant qu’il vivait sur terre. Comme à Marie Magdala et Pierre Céphas, il lui apparut pour confirmer son disciple en la foi, et de peur qu’il jeûne trop longtemps, il l’incita à manger en lui présentant un rayon de miel. De s. Thomas, des s. Jacques, Simon, et Jude, frères - Histoire apostolique, Abdias 1564

Les échelles posées sur la croix, Nicodème et Joseph retirèrent les clous de son corps après l’avoir attaché aux bras et aux genoux. Abénadar retira le grand clou de ses pieds, que Cassius mit devant la dévote mère. Joseph et Nicodème descendirent le corps par étape jusqu’à ce qu’Abénadar puisse prendre les jambes sans son escabeau. Ils descendaient l’échelle comme s’ils craignaient de lui causer quelque douleur, levant les bras au ciel à tout moment et versant des larmes, ne rompant le silence que pour s’avertir et s’entraider à mi-voix, les coups de marteau leur rappelaient ses souffrances, ils leur semblaient entendre ses gémissements de douleur. Ils le drapèrent des hanches aux genoux et le déposèrent dans les bras que sa mère tendait, le corps déposé sur un drap.

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Tout fut disposé à faciliter les derniers devoirs que cette mère épuisée de douleur devait rendre à son fils. Elle couvrit de baisers ses joues couvertes de sang, Marie d’Héli sa soeur plus âgée suivait de loin. Jean fit les messages entre hommes et femmes, et leur prêtait assistance. Tous les mécontents étaient retournés en ville, l’empereur Tibère mourut cinq ans après le crucifiement du seigneur. Les soldats sur la plateforme formaient une garde pour empêcher tout dérangement à l’égard du corps du messie. Marie de Cléophas, Salomé et Véronique tendaient récipients, éponges, linges, onguents et aromates lorsque nécessaire et se tenaient attentives à distance, il y avait près d’elles des outres de cuir et un récipient plein d’eau sur un feu de charbon ; elles tendaient des éponges et des récipients pleins d’eau pure, qu’elles pressaient ensuite dans les outres de cuir, pendant que la dévote mère lavait le corps du Christ. Elle lui retira la couronne d’épines qu’après avoir coupé les épines une à une, qu’elle retirait avec des tenailles arrondies, et les montrait tristement. Une fois la tête nettoyée, elle l’enveloppa en partie avec un voile avant de s’occuper du torse. Ses os, de toute la poitrine jusqu’aux coudes, étaient disloqués et ne pouvait se plier. La croix avait entaillée l’épaule et laissé une profonde blessure, et le torse était entièrement lacéré et couvert de lésions. Il avait sur le côté droit une large incision par où la lance avait percé son coeur. Marie-Magdala baignait les pieds du seigneur de ses nombreuses larmes et les essuya avec sa chevelure. Quand sa tête, sa poitrine et ses pieds furent nettoyés, la dévote mère mit un voile sur le torse de ce corps vidé de sang, puis elle mit du baume sur ses plaies à commencer par la tête. Les dévotes tendaient une boite d’un précieux baume dont elle enduisait les plaies en ajoutant des aromates. Elle en mit dans les oreilles, les narines, dans la fente du côté et aux trous des mains. Marie-Magdala mit du baume aux trous des pieds du seigneur sans cesser de les couvrir de larmes et d’y coller son visage. L’eau qui avait servi était déversée dans les outres de cuir, Cassius avec d’autres allèrent plusieurs fois puiser à la fontaine Gihon. Quand toutes ses blessures furent couvertes de baume, Marie enveloppa de nouveau sa tête dans des linges sans encore couvrir son visage, et ferma les yeux et la bouche de Jésus. Elle posa son visage sur celui de son fils. Joseph et Nicodème attendaient, ils prièrent Jean de dire à Marie de se séparer du corps pour qu’ils puissent finir de l’embaumer, car le shabat de Pesah approchait. La dévote mère l’embrassa encore une fois puis les hommes le prirent par le drap et le portèrent à courte distance sur une belle pierre. Ils le lavèrent jusqu’à ce que les éponges rendent une eau limpide, puis ils versèrent de l’eau de myrrhe sur tout le corps et lui firent reprendre sa longueur. Il était encore dans la position du crucifié, les reins et les genoux recourbés. Ils couvrirent ses reins d’un drap rempli de paquets d’herbes, ils y répandirent une poudre et serrèrent un autre drap par-dessus. Toutes les plaies à présent couvertes de baume et d’aromates, et les encens le long des jambes, ils ‘enveloppèrent alors de haut en bas.

Jean vint chercher Marie et les dévotes pour déposer des paquets d’herbes aromatiques près du cou avec une poudre odoriférante, que Marie rattacha avec le fin voile reçu de la femme de Pilate. Marie-Magdala déversa un flacon de baume au niveau de la plaie droite et les dévotes placèrent des herbes aux mains et aux pieds. Les hommes l’emmaillotèrent dans un drap blanc et roulèrent une large bande autour de la tête et sur tout le corps. Enfin ils le couchèrent sur le drap de six aunes et l’enveloppèrent en diagonale, puis ils se mirent à genoux autour de lui pour un adieu. Pendant qu’ils priaient, toutes les plaies du corps du messie s’imprimèrent sur le drap du dessus, en rouge et brun. Ils embrassèrent avec respect ce merveilleux portrait et pleurèrent de joie en voyant que le drap du dessous était aussi blanc qu’avant. Étant enveloppé en diagonale, il fallait ramener ensemble les deux coins du drap pour avoir l’image complète du corps. Ce drap et les autres linges furent conservés par les proches de Jésus, mais le drap se fit arracher sous le bras et tomba deux fois aux mains des juifs, il fut plus tard honoré en divers endroits ; il y eut aussi une contestation à son sujet et il fut jeté au feu, mais il vola hors des flammes et tomba aux mains d’un croyant. À la prière de certains saints, trois empreintes sur d’autres linges furent obtenues par simple application, ces copies ont opéré de grands miracles dans l’assemblée. L’original, un peu endommagé et déchiré par endroits, fut honoré en Orient chez des croyants dont la ville est dans un pays voisin de la patrie des trois rois mages.

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Nicodème et Joseph portèrent la civière en avant sur leurs épaules, Abénadar et Jean en arrière, suivis des douze (12) dévotes ; sa mère Marie, Marie d’Héli, Marie-Magdala, Marie de Cléophas, Séraphia Véronique, Jeanne Chusa, Marie mère de Marc, Salomé femme de Zébédé, Marie-Salomé, Salomé de Iérusalem, Suzanne et Anne les nièces de Joseph le charpentier ; Cassius et les soldats fermaient la procession. Ils marchèrent sept minutes de la vallée au jardin en chantant des psaumes. Jacob le-majeur, le frère de Jean, les aperçut de l’autre côté et l’annonça aux autres dans les grottes. Derrière quelques palmiers à l’entrée du jardin, à droite du tombeau, se trouvaient les pieux qui servaient à rouler la pierre. Ils avaient posé sur le seuil une planche couverte d’un drap où ils posèrent le corps. Nicodème, Joseph, Jean et Abénadar le rentrèrent à l’intérieur, deux soldats passés en avant éclairaient l’intérieur de leurs flambeaux. Des parfums avaient été brûlés. À la lueur des flambeaux ils mirent des aromates dans les creux de la couche et étendirent un drap par-dessus. Ils exprimèrent de nouveau leur affection et sortirent pour faire place à la dévote mère. Ils revinrent ensuite rabattre le drap et le recouvrir d’une couverture brune, puis ils fermèrent les battants de la porte en métal dont les deux bâtons faisaient l’effet d’une croix. Ils roulèrent la lourde pierre avec les pieux pour fermer le tombeau. Plusieurs disciples venus suite au récit d’Abénadar tournaient aux alentours du jardin d’un air triste et repartirent ensuite.

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Le shabat allait commencer. Nicodème et Joseph revinrent à Iérusalem par une petite porte du jardin faite dans la muraille de la ville, une faveur accordée à Joseph.

Cette porte et celle de la salle à manger leur seront ouvertes quand ils frapperaient. Marie d’Héli, Marie mère de Marc et quelques dévotes revinrent en ville tandis que Jean et les dévotes retournèrent prier au Goulgolat. Les serviteurs reprirent les outils et les soldats rejoignirent la garde à la porte de la ville. Cassius partit dire à Pilate ce qu’il avait vu et promit de lui faire un rapport complet sur ce qui arriverait s’il se voyait confier le commandement de la garde du tombeau. Le superstitieux Pilate lui avait dit de laisser sa lance à la porte. Des soldats vinrent enterrer les trois croix après leur départ du Goulgolat.

Caïphe et les principaux des juifs dépêchèrent sept soldats du Temple pour garder le tombeau pendant trois jours. Pilate ne voulait plus se mêler de cette affaire cependant il leur donna Cassius, qui lui ferait un rapport de ce qu’il verrait. Les soldats du Temple sortirent de la ville avant le lever du soleil avec des lanternes sur perche, sitôt arrivés ils s’assurèrent de la présence du corps et posèrent une corde à la porte du tombeau et une seconde sur la grosse pierre, qu’ils scellèrent d’un cachet. Ils gardaient en avant à tour de rôle, assis à la petite porte de la muraille. Cassius ne quittait pas l’entrée du tombeau, il avait reçu de grandes grâces intérieures et l’intelligence de nombreux mystères ; il était entièrement transformé, devenu un nouvel homme, et passa toute la journée dans la pénitence, l’action de grâces et l’adoration. Dans le tombeau, le corps du seigneur était entouré de splendeur, avec deux anges en contemplation à ses côtés.

Assemblée 

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Joseph et Nicodème revirent les deux Jacob avec Pierre, ce fut un grand moment de chagrin, tous pleuraient, Pierre Céphas se reprochait son absence et leur témoigna sa gratitude. Ils dirent de nouveau que la porte de la salle à manger leur serait ouverte quand ils frapperaient puis ils partirent à différents endroits rassembler les disciples dispersés. À leur retour du tombeau, les dévotes allumèrent la lampe suspendue au centre de la salle et vinrent se placer en dessous, autour de la dévote mère. Elles prièrent à tour de rôle avec recueillement et tristesse, et prirent un petit goûter. Elles avaient aménagé dans cette grande salle des cellules cloisonnées de tapis et de panneaux pour pouvoir y passer la nuit. Abénadar et les apôtres allèrent dans la salle à manger, les disciples vont petit à petit venir les rejoindre. Ils passèrent quelques minutes à se dire ce qu’ils avaient vu et à pleurer, ils prirent aussi un peu de nourriture. Les hommes, une vingtaine, mirent leurs longs habits blancs avec leur ceinture pour l’observance du shabat. Ils se regroupèrent sous une lampe pour prier, plus souvent en silence, car ils se succédaient pour la lecture de la Torah et des prières, des nouveaux venaient de temps en temps. Bien qu’ils avaient mangé l’agneau la veille avec Jésus dans cette même salle à manger, ils mangèrent ces agneaux tristement et sans cérémonie.

Lazare arriva de Béthanie dans la nuit avec sa soeur Marthe etMaroni la veuve de Naim, Dina la samaritaine et Mara la suphanite.Lazare rejoignit les disciples dans la salle à manger. On leur raconta le crucifiement et la mise au tombeau du seigneur. Ils se séparèrent pour se reposer tard en soirée et plusieurs repartirent dans leur logis habituel. Joseph d’Arimathie et les disciples accompagnèrent les dévotes qui voulaient retourner chez elles en ville. Tandis qu’ils marchaient, longeant tristement les rues de Sion, Joseph fut enlevé près du palais de Caïphe par des païens armés qui se jetèrent sur eux et prirent Joseph, les autres s’enfuirent. Ils l’enfermèrent dans une prison près du tribunal sur ordre de Caïphe, ce dernier voulait cacher sa disparition et le laisser mourir de faim. Les dévotes restées dans la maison prirent une cellule pour y passer la nuit ; elles restèrent assises quelque temps en silence, appuyées sur la couverture roulée contre le mur, puis après avoir déroulé la couverture et retiré leurs souliers et leur ceinture, elles se voilèrent de la tête aux pieds selon leur habitude et essayèrent de trouver un peu de sommeil.

Minuit Elles se rassemblèrent sous la lampe autour de la dévote mère pour la veille de nuit, particulièrement en cette nuit de Pesah et de deuil.

3 h Jean et quelques disciples vinrent frapper à leur porte et elles prirent aussitôt leurs manteaux pour le suivre jusqu’au Temple selon la coutume des juifs pieux de se rendre au Temple avant le lever du soleil après le repas de l’agneau. Le Temple ouvrait de très bonne heure pour les sacrifices, mais ils l’avaient considéré comme impur par le prodige des ressuscités et tout était délaissé depuis que les cérémonies avaient été interrompues. La dévote mère venait également prendre congé du Temple où elle avait grandi dans l’adoration du saint des saints, jusqu’à le porter dans son sein, véritable agneau sacrifié la veille. Le Temple ouvert et les lampes allumées, le parvis des sacrificateurs était accessible, il était vide, sans aucune présence, et tout était en désordre. Les neveux de Joseph d’Arimathie et les fils de Siméon étaient surveillants au Temple, ils se joignirent aux dévotes et leur rapportèrent en quelques mots les incidents de la veille, inquiets pour leur oncle en prison. Ils regardèrent avec effroi ces signes de la colère de Dieu qu’ils adoraient par leur silence, rien n’était encore réparé, les dommages dus au tremblement de terre menaçaient de s’effondrer ; le mur séparant le parvis du sanctuaire s’était effondré, les colonnes devant le sanctuaire étaient inclinées, le linteau décroché, et le voile déchiré dans toute la longueur pendant de chaque côté. Une grosse pierre s’était détachée du mur du parvis, côté nord, près de la cellule du vieux Siméon, là même où Zacharie apparut. Les dévotes entrèrent dans cette brèche et virent l’intérieur du saint des saints à travers le rideau déchiré, ce qui normalement n’était pas permis. Partout des crevasses dans les murs et les dalles renfoncées, et toutes les colonnes inclinées.

La dévote mère alla aux endroits que Jésus avait sanctifiés, exprimant ses sentiments par de touchantes paroles, se prosternant avec larmes pour les chérir et y poser un baiser, imitée par ses compagnes. L’amour des lieux sanctifiés rend un sûr témoignage à Dieu et à son pouvoir, et les pieux juifs les embrassent et se bénissent en les touchant souvent à genoux, en signe de respect et d’humilité. Les dévotes avaient un vénérable respect des enseignements de Jésus, de son vivant à sa mort, par le saint-sacrement dorénavant pour tous les siècles. Les dévotes traversèrent le Temple avec solennité, Marie leur montra l’endroit où elle fut présentée enfant, où elle avait grandi, où elle fut confiée à Joseph, où Jésus fut présenté au vieux Siméon, où Anne et lui avaient prophétisé. La prophétie s’était réalisée, le glaive avait percé son âme. Elle leur montra où Jésus avait enseigné enfant, elle embrassa respectueusement la chaire. Elles s’arrêtèrent aussi près du tronc où la veuve avait donné son dernier denier, où aussi Jésus avait pardonné à la femme adultère. Après ces hommages des lieux sanctifiés par le messie, elles rentrèrent à Sion avec espoir. En ce jour de désolation, alors que la dévote Marie se détachait du Temple, elle se souvint que Jésus avait pleuré sur le Temple et dit : Renversez ce Temple et je le rebâtirai en trois jours.

5 h De retour dans la salle à manger, Jean et les disciples se séparèrent des dévotes pour rejoindre les hommes rassemblés dans la grande salle, où ils passèrent tout le jour de Pesah dans le deuil et priaient successivement sous la lampe. Parfois des nouveaux venus se présentaient timidement et parlaient en pleurant avec eux, surtout avec l’apôtre Jean qui avait assisté au crucifiement du messie ; bienveillant et affectueux envers tous, il avait la simplicité d’un enfant. Ils ne mangèrent qu’une seule fois, un grand calme régnait dans la maison, les portes étaient fermées par précaution, on ne pouvait les déranger, car cette maison qui appartenait à Nicodème avait été louée pour le repas de Pesah. Les dévotes se rassemblèrent dans la grande salle éclairée par la lampe, les portes fermées et les rideaux tirés. Elles priaient tantôt sous la lampe autour de la dévote mère, tantôt elles se retiraient pour s’asseoir sur les cendres, tête couverte du voile de deuil, ou elles priaient le visage face au mur.

Elles retiraient le voile de deuil quand elles s’asseyaient prier sous la lampe. Les plus faibles parmi elles prirent un peu de nourriture, les autres jeûnèrent jusqu’au soir.

Descente 

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À cet appel à son Père, l’âme de Jésus entra au pied de la croix sous forme lumineuse, Gabriel l’escorta avec plusieurs anges. Sa divinité comme fils de Dieu unie à son âme autant qu’à son corps, Jésus entra dans une sphère divisée en trois sections distinctes. En avant des purgatoires, il y avait une aire paisible, plus claire et verdoyante, où vont les âmes libérées avant d’être emmenées au ciel, mais ceux en attente d’être libérés étaient dans une section grise parmi d’autres sections.

 Adam & Ève| descente

Resplendissant de lumière, le messie passa entre deux sections escorté par les anges de la victoire :

- 1e section à gauche étaient enfermés les patriarches de Seth à Melchisedec ;
- 2e section à droite, ceux qui ont vécu de Abraham à Jean le baptiste.

Dans ces milieux d’attente, de craintes et désirs, ils ne le reconnurent pas quand il passa, mais une dilatation se produisit et tout fut aussitôt rempli de joies. Jésus s’avança vers Adam et Ève qui se trouvaient dans un brouillard. Après qu’il a parlé aux premiers humains, nos parents l’honorèrent dans un enthousiasme indescriptible.

Nos patriarches | descente

Dès qu’ils se joignirent à l’escorte angélique, le messie entra dans le cercle des patriarches du purgatoire gauche où certains d’entre eux étaient tourmentés par de mauvais esprits. Les anges frappèrent aux portes en disant :

— Ouvrez les portes.

Les mauvais esprits s’écartèrent et Jésus entra victorieusement, mais ils se mirent à crier :

— Qu’y a-t-il entre toi et nous ?

— Que viens-tu faire ici ?

— Veux-tu aussi nous crucifier ?

Les anges mirent des chaînes sur ces esprits et les poussèrent devant eux. Ceux de ce cercle n’avaient qu’une vague connaissance du messie et qu’un sentiment faible, mais ils se mirent à chanter des louanges dès que Jésus leur déclara qui il était.

Sein d’Abraham | descente

Le messie alla dans la section de droite, aux purgatoires comme tels. À l’entrée il aperçut l’âme du bandit que les anges amenaient au sein d’Abraham, tandis que les démons amenaient l’autre aux enfers. Jésus leur adressa la parole. Il entra dans le sein d’Abraham escorté par les anges, les âmes délivrées, les démons enchaînés. Ces derniers ne voulaient pas entrer et faisaient résistance, mais les anges les forcèrent et ils durent déclarer leur défaite et leur honte. Tous les saints d’Israel étaient là :

- côté gauche, les patriarches, Moïse, les juges et les rois ;
- côté droit, les prophètes, les ancêtres du messie et ses proches parents ; Joachim et Anne, Joseph, Zacharie et Élisabeth et Jean.

Aucun mauvais esprit n’était présent, l’unique souffrance qu’ils avaient éprouvée venait du désir que la promesse se réalise. Ils saluèrent le messie et l’honorèrent dans le comble du bonheur, une joie inexprimable pénétra leurs âmes. Certains d’eux furent envoyés sur terre reprendre temporairement leurs corps pour rendre témoignage au seigneur ; c’est à ce moment-là que les morts sortirent de leurs tombeaux à Iérusalem et se montrèrent comme des cadavres ambulants, et qu’ils ramenèrent ensuite leurs corps sur terre comme un chargé de justice dépose sa tenueofficielle après que l’ordre de ses supérieurs est exécuté. L’escorte victorieuse du fils de Dieu entra dans une cavité plus profonde du purgatoire où se trouvaient les pieux païens qui avaient senti la vérité et l’avaient désirée. Des démons étaient parmi eux parce qu’ils avaient eu des idoles. Ces derniers durent déclarer leur fraude, ils furent enchaînés et emmenés captifs. Ces pieux païens honorèrent le seigneur avec joie en grande émotion.

Centre de l’abîme | descente

Jésus traversa de nombreux endroits avec victoire et en libéra les prisonniers, il accomplit une infinité de choses. Enfin il examina le centre de l’abîme 3e section avec sévérité. L’enfer ressemble à une construction laide faite de rocs noirs à reflet métallique, de taille immense, aux énormes portes noires avec des verrous et cadenas de formes abominables. Les portes du royaume des ténèbres s’ouvrirent dans des hurlements de désespoir et les cris. La Iérusalem céleste ressemble à une cité où les habitats des bénis ressemblent aux palais avec des jardins de fleurs et de fruits merveilleux selon les états de béatitude. C’est un royaume complet avec ses bâtisses, ses habitats et ses champs ; tout dans ce séjour des bénis est aménagé pour l’harmonie qui apporte la paix perpétuelle et des joies sans mesure, tout est pour la contemplation comme base et source. Tout dans le séjour des réprouvés est aménagé pour l’inespoir qui apporte la colère perpétuelle et des discordes sans mesure. Au ciel, ses bâtisses sont d’un beau transparent fait pour l’adoration et la joie, de jardins pleins de fruits merveilleux qui apportent la vie. En enfer, ses prisons, ses fossés, ses déserts et ses marais apportent le dégoût et l’horreur ; ses temples et leurs autels, ses châteaux et leurs trônes, ses jardins, ses lacs et leurs fleuves les incitent à maudire, haïr, s’écoeurer, se désespérer et calomnier comme supplice de leur châtiment. Ici au ciel tout est bénédiction, amour, union, joie et béatitude, là tout est discordes sans répit et terreurs de maudits. Ici l’union bénie des saints, la corruption se change en douleur sous les supplices sans nombre d’opérations et de manifestations. Chaque damné a la pensée que ses tourments sont appropriés et nécessaires à son péché. Tout ce qu’on y voit et éprouve est l’horreur du péché exposé, le serpent qui dévore ceux qui l’ont nourri dans leur sein. Tout se reporte dans une rigoureuse concordance : ici la paix et le repos, la terreur et l’angoisse. Dès l’ouverture des portes, un tumulte de blasphèmes et d’hurlements se fit entendre. Le messie adressa la parole à Judas. Les anges maîtrisèrent des armées entières de démons qui durent reconnaître et honorer Jésus. Cela avait été pour eux un supplice. Beaucoup furent enchaînés et encerclés par les prisonniers. Et lucifer fut jeté au centre de l’enfer recouvert de chaînes, des vapeurs noires s’étiraient autour de lui dans cet abîme de ténèbres. Tout se fit d’après les décrets de Dieu.

Il sera déchaîné cinquante ou soixante ans avant l’an 2000, et quelques démons seront relâchés avant pour punir et mettre le monde à l’épreuve. Quelques-uns ont pu être déchaînés de nos jours, d’autres le seront bientôt après.

Des troupes sans nombre de rachetés suivirent Jésus : ils sortirent du purgatoire des enfers vers un pays de délices sous la Iérusalem céleste. L’âme du bandit entra dans le paradis et vit le messie comme promis. Comme dans mes visions de consolation, les tables célestes étaient prêtes et les âmes prirent une nourriture qui les remplit de force et de joie.

Dans la terreet la mer | descente

Le seigneur traversa d’autres endroits, dans la mer en particulier, face à lui les mauvais esprits fuyaient de toutes parts et se précipitaient aussitôt dans l’abîme : il libéra toute la création et la sanctifia. Jésus traversa certains lieux dans la terre, il alla dans le tombeau d’Adam sous le mont Goulgolat où les âmes d’Adam et Ève vinrent le rejoindre. Il leur parla, puis il alla avec eux sous terre dans les tombeaux de plusieurs prophètes où leurs âmes vinrent le rejoindre près de leurs os. Avec ce groupe d’élus où se trouvait David, Jésus traversa les lieux signalant une circonstance de sa vie. Il leur expliqua dans un amour admirable ce qui arriva de significatif et comment il avait parachevé ces signes. Il dit aux élus la signification des circonstances de son baptême, comment la miséricorde sans limite de Dieu les avait fait participer aux effets de son baptême. Le messie passa avec ces bénis comme un éclair de lumière dans la terre, les rochers, les eaux, les airs, ou planant doucement sur la terre.

Rachat perpétuel | descente

Chaque anniversaire de cette délivrance, renouant avec la miséricorde éternelle qu’il fit ce jour-là pour les pauvres âmes du purgatoire, il porte un regard libérateur au purgatoire par l’intermédiaire de l’assemblée. Aujourd’hui même, au moment de cette vision, le seigneur a sorti du lieu de purification les âmes de quelques-uns qui avaient péché à son crucifiement. Cette première descente de Jésus dans les purgatoires est l’opération du rachat jusqu’à présent, au moment même de cette vision, la descente aux enfers est une réalité permanente du rachat présent. Comme le plant d’un arbre de grâces, le seigneur Jésus donne ses mérites aux âmes en souffrance pour leur rachat. Son fruit est un rachat perpétuel dans le jardin de l’assemblée : l’assemblée militante qui s’occupe de l’arbre en recueille les fruits et les transmet à l’assemblée souffrante qui ne peut rien faire d’elle-même. Pour chaque mérite du messie, il faut travailler souffrir avec lui pour en avoir part, manger notre pain à la sueur de notre front. Tout ce que Jésus a fait pour nous apporte des fruits éternels, nous devons les cultiver pour pouvoir les récolter sinon il ne sera pas possible d’en bénéficier dans l’éternité. Malheur aux jardiniers infidèles et paresseux qui laissent perdre une grâce qui aurait pu guérir un malade, fortifier un faible, rassasier un affamé ; ils rendront compte du plus petit brin d’herbe au jour du jugement. (Matthieu 21.41)

Résurrection 

62

À la fin du shabat, Jean alla visiter les dévotes pour s’attrister avec elles et leur dire des paroles consolantes, puis Pierre Céphas et Jacob le-majeur vinrent dans la même intention sans s’attarder. Elles se retirèrent pour s’asseoir encoresur les cendres toujours drapées d’un voile de deuil. La dévote mère pria vivement de revoir Jésus. Un ange vint lui dire que le seigneur était proche, d’aller à la petite porte de Nicodème. Marie prit son manteau le coeur plein de joie et partit sans un mot aux dévotes.

21 h En haut de la muraille près de la petite porte, elle aperçut Jésus l’âme tout illuminée qui vint vers elle accompagné de nombreux patriarches. Jésus se tourna vers eux et leur montra la dévote mère en disant :

— Ma mère Marie.

Il sembla l’embrasser et disparut. La dévote se mit à genoux et posa un baiser où il lui apparut, à son retour ses forces furent renouvelées. Alors que les dévotes s’occupaient à préparer des onguents avec des aromates, elle les réconforta et les fortifia dans la foi. Elle ne leur dit rien de ce qu’elle vit. Elles composaient des paquets d’herbes sur une longue table dont la nappe allait jusqu’à terre, il y avait aussi des pots d’onguent, une eau de nard et des fleurs fraîches dont un iris rayé ou un lis qu’elles mettaient dans des linges. En son absence, Marie-Magdala, Marie de Cléophas, Salomé, Jeanne et Marie-Salomé avaient tout acheté en ville, elles voulaient couvrir le corps du seigneur de ces aromates le lendemain. Les disciples en prirent une partie chez la marchande qu’ils mirent devant la porte sans entrer.

63

Peu après le retour de Marie, Joseph d’Arimathie priait dans son cachot quand tout fut soudainement plongé dans la lumière et une voix l’appela par son nom. Le toit se souleva, faisant brèche, et une forme lumineuse tendit un drap et lui dit de s’en servir pour monter. Ce drap rappelait celui dont il avait enveloppé le corps de Jésus. Prenant le drap à deux mains et s’appuyant sur des pierres qui faisaient saillie, Joseph s’éleva de 3 m jusqu’à la brèche qui se referma derrière lui, et la lumière disparut. Il longea quelque temps la muraille de la ville jusqu’à proximité de la salle à manger, près du mur sud de Sion, et frappa à la porte. Les disciples qui avaient cru à la rumeur qu’on l’avait jeté dans un égout eurent une grande joie lorsqu’il entra, comme pour Pierre Céphas plus tard quand il fut libéré de prison. Il leur raconta ce qui lui était arrivé et ils remercièrent Dieu, réjouis et consolés. Ils lui donnèrent aussi à manger. Joseph quitta Iérusalem pour Arimathie Ramah et revint seulement quand le danger fut écarté.

Arche de l’Alliance | résurrection

Au sud du mont Sion, entre les ruines du palais de David et le marché, se trouvait un ancien bâtiment avec des rangs d’arbres au milieu d’une grande cour clôturée de murs, il y avait aussi deux autres maisons contre ces murs, une pour le gardien, l’autre servit aux dévotes après le crucifiement.

Autrefois plus spacieuse, la salle à manger servit de logis aux capitaines de David et aux exercices de maniement d’armes. Avant la construction du Temple, même avant sa fondation, c’est là que l’arche de l’Alliance était gardée. Ce en qui reste est dans une voûte souterraine où le prophète Malachie se cacha et écrivit les prophéties du sacrifice de la nouvelle Alliance. Malachie 3 Alors qu’une grande partie de Iérusalem fut détruite par les babyloniens, cette maison fut épargnée.

2Samuel 5.7-9 - David prit la forteresse de Sion, qui est la cité de David. David s’établit dans la forteresse qu’il appela cité de David. Il fit de tous côtés des constructions, en dehors et en dedans de millo (remparts). http://www.qbible.com/hebrew-old-testament/2-samuel/5.html
À quelques pas de la porte de Bethléem ou de Rama est un gros et très ancien bâtiment attaché aux murs de la ville, qu’on appelle vulgairement le palais de David, fondé sur la tradition qui le regarde comme le lieu dans lequel ce saint roi demeurait quand il quittait le mont Sion où il avait un palais magnifique que lui-même avait fait bâtir, qui était dans l’enceinte des murs de Iérusalem. Au milieu de la face de ce bâtiment est une fenêtre fort haute, mais fort étroite, qu’on dit être celle d’un cabinet dans lequel David se retirait en solitude. Ce palais de David porte aussi le nom de château des pisans parce que la république de Pise en Italie s’étant liguée avec quelques princes de Jérusalem, les Pisans le rétablirent, le fossoyèrent, le fortifièrent, et le mirent en état de se défendre. Le bâtiment est massif, solide et peu endommagé, mais il est négligé et les fossés qui étaient assez larges et profonds sont presque entièrement comblés. Les mahométans lui donnent le nom d’Elkots qui signifie un sanctuaire. Relation historique d’un voyage p.291, Morison 1704.
La ville de Iérusalem était enfermée par un triple mur excepté du côté des vallées où il n’y en avait qu’un à cause qu’elles sont inaccessibles. Elle était bâtie sur deux montagnes opposées et séparées par une vallée pleine de maisons. Celle de ces montagnes sur laquelle la ville haute était assise était beaucoup plus élevée et plus raide que l’autre, et par conséquent plus forte d’assise, le roi David, père de Salomon qui édifia le Temple, la choisit pour y bâtir une forteresse à laquelle il donna son nom, et c’est ce que nous appelons aujourd’hui le haut marché. La ville basse est assise sur l’autre montagne qui porte le nom d’Acra, et dont la pente est égale de tous les côtés. Il y avait autrefois vis-à-vis de cette montagne une autre montagne plus basse et qui en était séparée par une large vallée, mais les princes asmonéens firent combler cette vallée et raser le haut de la montagne d’Acra pour joindre la ville au Temple afin qu’il commande à tout le reste. Guerre des juifs, livre 5 chap. 13, Antilly 1668.

Le bâtiment était en mauvais état quand Nicodème et Joseph d’Arimathie en devinrent propriétaires. Ils louaient la bâtisse principale comme salle à manger pour les étrangers qui venaient à Iérusalem pour Pesah, le reste du temps le bâtiment et les dépendances servaient d’atelier aux ouvriers ou de rangement des pierres tombales. Joseph d’Arimathie possédait d’excellentes carrières d’où venaient ces blocs de pierre. Sous ses directives, les ouvriers en faisaient des pierres tombales, des ornements d’architecture et des colonnes qui étaient ensuite revendus. Avant que Nicodème prenne part à ce commerce, il taillait à loisir à l’exception du temps des fêtes juives et devint ami avec Joseph d’Arimathie, puis ils s’associèrent dans leurs entreprises. Aram et Thémeni, les cousins de Joseph d’Arimathie, étaient parmi les disciples. La salle à manger était carrée et entourée de piliers, sur ses côtés se trouvaient des cellules aménagées d’épaisses couvertures roulées pour passer la nuit, les disciples y passaient souvent leur nuit. Quand on retirait les panneaux entre les piliers, la salle à manger se prolongeait dans une autre salle fermée où des ouvertures en haut des murs laissaient passer la lumière ; il y avait aussi une troisième salle dans le fond, séparée par un rideau. Cette division par trois pour le Temple était entre le parvis, le sanctuaire et le saint des saints. Derrière le rideau se trouvait un autel encastré dans le mur, cette salle servait aussi de rangement pour les vêtements et autres utilités de célébration de Pesah. De l’autre côté de l’autel, à l’extérieur, se trouvait un four de pierre en forme triangle rectangle où rôtir les agneaux. Au-dessus de l’autel, dans une niche dans le mur, était représenté un agneau ayant un couteau dans la gorge, son sang semblait couler par goutte sur l’autel. Trois tiroirs de couleurs différentes pivotaient dans la niche avec des récipients de Pesah et plus tard le saint-sacrement. Il y avait de belles caves en dessous et l’arche de l’Alliance était sous l’autel. Cinq rigoles d’eau passaient sous le bâtiment et poussaient les immondices sur la pente du mont Sion, car le bâtiment était situé en hauteur. Jésus y avait enseigné et fait des guérisons.

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Tout était calme aux alentours du tombeau gardé par les soldats, certains assis, les autres debout autour de la colline, les lanternes jetaient une vive lueur dans la nuit devant la grotte. Cassius ne quittait pas l’entrée de la grotte, il attendait dans la contemplation depuis qu’il avait reçu de grandes grâces et des lumières. Depuis sa mise au tombeau et ses linceuls, enveloppé de lumière, le corps sacré de Jésus reposait entre deux anges ressemblant à des sacrificateurs par leur tenue sacerdotale, un à sa tête, l’autre à ses pieds, bras sans aile croisés sur la poitrine, semblables aux chérubim de l’arche de l’Alliance. Peut-être que la lumière et la présence des anges étaient-elles visibles à Cassius de l’entrée du tombeau, car il fut en contemplation comme un adorateur par le saint sacrement.

Le messie entra au tombeau au travers du rocher et montra aux patriarches son corps entièrement couvert de plaies. L’Esprit saint qui l’habitait montra à ces âmes toute la portée de son martyre d’une manière merveilleuse : son corps fut transparent et tout l’intérieur se révéla à leurs yeux, ils pouvaient voir toutes ses blessures et les dommages qui l’avaient tant fait souffrir, et apercevoir les lésions jusqu’au fond dans le moindre détail. Les patriarches furent remplis de compassion, de crainte et de respect.

 1e ascension |résurrection 

L’âme de Jésus va bientôt sortir du tombeau dans et avec son corps, mais pas encore en parfaite union, comme ces âmes de prophètes réunies à leur corps pour aller au Temple puis s’en séparer de nouveau. Les deux anges soulevèrent son corps et montèrent au travers des rochers jusqu’au ciel pour que Jésus présente son corps meurtri devant le trône de son Père céleste parmi des chorales d’anges sans nombre respectueusement prostrés. Le passage au travers des rochers produit une forte secousse qui renversa trois soldats de la garde et les fit chanceler. Ignorant la cause véritable, ils attribuèrent cela à un tremblement de terre. Les quatre autres soldats étaient allés en ville, Cassius vit quelque chose et fut ému, mais ce n’était pas clair pour lui, il ne bougea pas de sa place et resta dans le recueillement, en attente de ce qui allait arriver. L’empaquetage des aromates terminé, les dévotes se retirèrent dans leurs cellules avant d’aller au tombeau au lever du jour, malgré la crainte de croiser des adversaires du seigneur. Remplie de courage depuis que son fils lui était apparu, la dévote mère les tranquillisa et leur dit de prendre un peu repos avant de se rendre sans crainte au tombeau, qu’aucun mal n’arriverait.

23 h Par une force irrésistible, la dévote mère quitta la maison recouverte du voile gris et passa par le palais de Caïphe jusqu’au palais de Pilate avec tristesse. Dans les rues désertes, cette force la fit traverser la ville dans le but de retracer le chemin de la croix, et s’arrêter là où Jésus avait subi un mal ou essuyé un affront. Elle se mit souvent par terre et promenait sa main sur les pierres, semblant chercher un objet perdu, puis portait sa main à sa bouche, comme si elle avait touché une chose sainte, et posait le sang sacré du messie à ses lèvres. L’amour divin créa une chose surhumaine, elle fut remplie d’adoration céleste par l’amour, et tous les lieux sanctifiés lui apparurent lumineux. Lorsqu’elle arriva au Goulgolat, elle fut soudainement devant Jésus dans son corps, précédé d’un ange, ayant à ses côtés les deux anges du tombeau, suivis d’âmes délivrées en grand nombre. Il ne bougeait pas, il semblait flotter dans la lumière qui l’encerclait. Une voix lui annonça ce qu’il fit dans les purgatoires et qu’il devait ressusciter avant de revenir dans son corps transfiguré, de l’attendre près du rocher où il était tombé au Goulgolat.

Minuit passé La dévote mère partit s’agenouiller à l’endroit indiqué et pria. Le seigneur et son cortège se dirigèrent en direction de la ville afin que tout son supplice soit montré à ces âmes dans les moindres détails. Tandis que le perçage crucifiement, le perchageredressement du bois, le perçage fente du côté, la descente et la mise au tombeau du corps leur étaient montrés, les anges recueillaient de manière mystérieuse les parties arrachées du corps dans la moindre substance. Remplie d’amour divin, la dévote mère vit tout cela en esprit. Marie attirait la sainteté comme la sainteté l’attirait. Et parce que les grâces accordées par les prières se réalisent par l’entremise des anges, certains ont dit que la dévote mère avait plus d’un saint ange, pour sa protection et service, qu’elle envoyait ici ou là pour remplir telle ou telle mission. En priant pour autrui, il m’arrive souvent de supplier mon ange gardien d’aller dire telle chose à l’ange d’une autre personne pour l’amour de Jésus Christ, comme si j’envoyais un ami pour une affaire importante, je le vois même aller et s’acquitter de la commission.

Résurrection du corps | résurrection

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À son retour, Jésus laissa son corps reposer dans le tombeau pendant que les anges replaçaient tout ce que les outils de torture des mercenaires avaient soustrait. Bientôt son corps resplendit dans ses linceuls, gardé par les deux anges à sa tête et à ses pieds. Dès que le ciel se mit à blanchir à l’est, Marie-Magdala, Marie de Cléophas, Salomé la parente de Joseph le charpentier et Jeanne Chusa quittèrent la salle à manger, emportant sous leurs manteaux les paquets d’aromates, l’une avait aussi une lampe allumée cachée ; elles voulaient couvrir le corps de Jésus de fleurs fraîches et d’extraits de plantes et d’huile parfumée, et partirent furtivement vers la petite porte de Nicodème. L’âme de Jésus revint en splendeur et en gloire. Escorté de deux anges en tenue de combat et environné de formes lumineuses sans nombre, Jésus passa au travers du rocher pour reprendre son corps, il se pencha sur son corps et fondit tout à fait avec lui : l’Esprit saint et son âme vivante s’unirent à son corps et il ressuscita. Ses membres bougèrent, il se dégagea des linceuls au niveau de la plaie du côté comme Ève du côté d’Adam dans une éblouissante lumière. Au même instant un monstre sorti sous le tombeau se dressa contre Jésus, il avait deux têtes, une de dragon, l’autre d’homme, et une queue de serpent. Notre-seigneur avait en main une remarquable houlette blanche surmontée d’un étendard avec laquelle il écrasa la tête du dragon et le frappa trois fois à la queue de sa houlette. Chaque coup le fit plier sur lui-même et sa taille diminua jusqu’à disparaître. La tête de dragon rentra sous terre, mais la tête humaine paraissait encore. Cette prophétie de Dieu le Père dit : La semence descendance de la femme écrasera la tête du serpent. La prophétie de la houlette contre la queue du serpent est le pouvoir de Jésus. (Genèse 3.15,Ps 23.4, Michée 7.14)

Jésus s’éleva dans la splendeur au travers du rocher et la terre trembla ; sorti en un éclair du ciel, un ange guerrier entra dans le tombeau, mit la pierre à droite et il s’assit dessus. Le tremblement fut si fort que les lanternes furent agitées et leurs flammes rejaillirent partout, les gardes furent paralysés et tombèrent sur le sol, leurs membres convulsés, ne donnant pas signe de vie. Ébloui par l’éclat de la lumière, Cassius revint à lui et entrouvrit la porte du tombeau. Voyant les linceuls vides, il voulut partir le rapporter à Pilate, mais il attendit encore, il avait senti le tremblement de terre et vu la pierre mise à côté ainsi que l’ange assis dessus, mais le tombeau était vide et il n’aperçut pas Jésus. Alors que la terre tremblait et que l’ange entrait au tombeau, notre-seigneur ressuscité apparut à sa mère sur le Goulgolat. Il était merveilleusement radieux, son manteau blanc bleuté flottait derrière lui, il avait aux mains des rayons lumineux qui allaient de sa plaie jusqu’aux bouts des doigts. Les patriarches s’inclinèrent devant sa mère, Jésus lui montra ses plaies et lui dit qu’elle le reverrait. Pendant qu’elle se prosternait pour embrasser ses pieds, il lui prit la main pour la relever et disparut.

Je suis la résurrection et la vie. (Deut. 32.39, 1Samuel 2.6) 

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Les dévotes étaient près de la petite porte quand le corps de notre-seigneur ressuscita, mais elles ne virent pas ce prodige. Elles ne savaient pas qu’il y avait des gardes et se demandèrent avec désarroi :

— Qui nous ôtera la pierre devant la porte ?

Elles n’avaient pas pensé à cette pierre dans leur empressement de porter hommage au corps de Jésus ; répandre l’eau de nard, l’huile parfumée, les aromates et les fleurs, c’était ce qu’elles avaient de plus précieux à offrir au seigneur, n’ayant pas contribué aux dépenses de l’embaumement que Nicodème s’était chargé la veille. Elles résolurent de déposer leurs aromates sur la pierre du tombeau en attendant qu’un disciple vienne leur ouvrir l’entrée. Arrivées à la petite porte du jardin, elles virent les lanternes et les soldats allongés par terre. Elles reculèrent tandis que Marie-Magdala et Salomé entrèrent dans le jardin et passèrent entre les soldats. La pierre du tombeau était sur le côté et les portes entrouvertes. Les draps qui avaient enveloppé le corps étaient là, le grand linceul et les aromates, le drap qui avait enserré son corps avait été plié et placé sur le bord ainsi que le voile de sa tête, la partie qui avait recouvert son visage avait été soulevée ; la lumière resplendissait dans le tombeau et un ange était assis sur la pierre. Marie-Magdala regarda fixement les linceuls vides et repartit en flèche vers les apôtres, Salomé alla rejoindre Marie de Cléophas et Jeanne Chusa avec inquiétude. Voulant faire son rapport à Pilate, Cassius passa près d’elles et leur rapporta ce qu’il avait vu ; elles reprirent courage et entrèrent dans le jardin. Elles aperçurent les deux anges en tenue sacerdotale d’une blancheur éclatante et mirent aussitôt leurs mains sur les yeux et se prostrèrent.

L’ange leur dit de n’avoir pas peur, qu’elles ne devaient pas chercher le crucifié ici, car il était ressuscité et plein de vie. Il leur montra la place vide et leur déclara de dire aux disciples ce qu’elles avaient vu et entendu, que Jésus les précéderait en Galilée. Elles devaient aussi se rappeler ce qu’il leur avait dit :

— Le fils de l’homme sera livré aux mains des pécheurs qui le crucifieront, mais il ressuscitera le 3e jour.

Et les anges disparurent à leurs yeux. Les dévotes pleurèrent de joie en voyant les linceuls. Elles revinrent en ville très émues mais sans hâte, s’arrêtant pour voir si elles n’apercevraient pas le seigneur ou Marie-Magdala. Plusieurs disciples parlaient ensemble debout et quelques-uns étaient allongés le long du mur quand Marie-Magdala frappa fortement à la porte de la salle à manger. Pierre Céphas et Jean ouvrirent la porte et Marie-Magdala leur annonça :

— On a pris le seigneur du tombeau, nous ne savons pas où ils l’ont mis.

Et elle repartit au jardin en toute hâte. Pierre Céphas et Jean la suivirent en courant après avoir dit quelques mots aux disciples. Jean courait vite. Couverte de rosée, le manteau tombé sur les épaules, les cheveux dénoués, Marie-Magdala vint au tombeau avec inquiétude, n’osant descendre seule dans la grotte. Par les portes d’entrée elle vit deux anges en tenue sacerdotale assis aux deux bouts de la couche et elle entendit la voix de l’un d’eux dire :

— Femme, pourquoi pleures-tu ?

— Ils ont pris mon-seigneur et je ne sais pas où ils l’ont mis...

La vue des anges ne put la distraire, elle semblait ne pas s’apercevoir qu’ils étaient des anges, ne pensant qu’à Jésus devant les linceuls vides ; dans un sentiment confus qu’il était tout près et qu’elle allait le trouver, elle alla d’un côté et d’autres comme quelqu’un qui a perdu son chemin, disant :

— Jésus n’est pas là. Où est Jésus ?

3 h 30 À la lueur du matin, après avoir mis ses cheveux en arrière, elle vit derrière un palmier une grande figure habillée en blanc à dix pas du tombeau vers l’est. Elle courut là et entendit ces paroles :

— Femme, pourquoi pleures-tu, qui cherches-tu ?

Elle crut que c’était le jardinier à cause de la bêche qu’il avait en main et du large chapeau d’écorce. Jésus avait raconté la parabole du jardinier aux dévotes à Béthanie peu avant son crucifiement.

— Si c’est vous qui l’avez pris, dites-moi où il est et j’irai le prendre, répondit-elle.

Comme elle continuait de regarder autour d’elle, Jésus dit d’un ton habituel :

— Marie.

Au ton de sa voix elle oublia tout, crucifiement, mort, mise en tombe. Elle se tourna et dit comme avant :

— Raboni.

Tombée à genoux, elle tendit les bras aux pieds de Jésus, mais il l’arrêta d’un geste et dit :

— Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et leur Père, vers mon Dieu et leur Dieu.

Il disparut. Il agit ainsi à cause de l’impétuosité de Marie-Magdala, trop absorbée du sentiment que tout était comme avant, qu’il vivait la même vie. En voulant embrasser ses pieds comme autrefois, elle n’avait pensé qu’à son maître bien-aimé dans son emportement et avait oublié le miracle qui était sous ses yeux.

2e ascension |résurrection

Jésus ne s’était pas encore présenté devant son Père céleste depuis la résurrection dans son corps : les prémices des joies appartiennent à Dieu et il devait remercier le Père céleste pour l’oeuvre du rachat réalisé et son triomphe sur la mort, et il devait d’abord se recueillir pour remercier Dieu du mystère de l’opération du rachat. Marie-Magdala se réveilla comme si elle avait fait un rêve, elle courut au tombeau et vit les anges assis. Ils lui dirent ce qu’ils avaient dit aux dévotes. Maintenant certaine du miracle, elle partit retrouver ses compagnes et les rencontra sur le chemin du Goulgolat dans l’attente de son retour avec l’espoir de voir le seigneur en chemin. Marie-Magdala venait de quitter le jardin quand Jean arriva suivi de Pierre Céphas. Jean vit les linceuls vides du seuil de la porte, Pierre Céphas entra dans le tombeau et vit les linceuls et les aromates. Ils crurent à la résurrection et ce que Jésus leur avait dit des écritures devint clair pour eux, ils ne l’avaient pas compris avant. Pierre Céphas emporta les linges et ils repartirent en courant en passant par la petite porte. Marie-Magdala dit aux dévotes qu’elle avait vu le seigneur et les anges, elles répondirent qu’elles aussi avaient vu les anges. Marie-Magdala revint à Iérusalem et les deux dévotes retournèrent au jardin, pensant peut-être y trouver les deux apôtres que Marie-Magdala avait prévenus. Quand les soldats du Temple se relevèrent, ils reprirent leurs lanternes et leurs piques et partirent en ville, ils leur dirent quelques mots en passant devant elles. Lorsqu’elles furent près du jardin, Jésus se montra dans une longue robe blanche qui couvrait ses mains et leur dit :

— Je vous salue.

Elles sursautèrent et tombèrent à ses pieds. Le seigneur leur dit quelques paroles, il leur montra quelque chose de la main et disparut. Elles coururent à la salle à manger pour dire aux disciples qu’elles avaient vu le seigneur et ce qu’il leur dit, mais ils ne voulurent pas croire, ni elles ni Marie-Magdala, et mirent cela sur le compte de l’imagination des femmes, jusqu’au retour de Jean et Pierre Céphas. Jean et Pierre Céphas parlèrent avec Thadé et Jacob le-mineur, à qui le seigneur était aussi apparu près de la salle à manger. Jésus était passé devant Pierre Céphas et Jean, Céphas semblait l’avoir aperçu, car il fut saisi d’une subite terreur. À la résurrection de son corps, Jésus s’était montré à plusieurs personnes à Iérusalem et ailleurs, mais ils ne l’avaient pas remarqué, certains étaient frappés d’étonnement ou de crainte soudaine, d’autres étaient restés indifférents, les hommes l’apercevaient qu’à des moments précis.

67

Une heure après la résurrection, Cassius vint à Pilate lui parler du tremblement du rocher et de l’ange qui poussa la pierre, des linceuls vides de Jésus et qu’il n’était plus là, qu’il était sûrement le messie, le fils de Dieu ressuscité. Pilate écouta ce récit avec terreur, mais n’en laissa rien voir, il dit à Cassius :

— Tu as agi sottement en allant te mettre près du tombeau du galiléen, ses dieux ont pris avantage sur toi et t’ont fait voir ces visions fantastiques. Je te conseille de ne rien dire aux chefs-sacrificateurs car ils te feraient un mauvais parti.

Pilate voyait les choses à sa manière, pour lui le corps de Jésus avait été dérobé par ses disciples, et les soldats du Temple diraient autrement pour cacher leur négligence ou parce qu’ils avaient été trompés par des sortilèges. Pilate partit sacrifier à ses idoles au départ de Cassius. Bientôt quatre soldats du Temple vinrent faire à Pilate le même rapport, mais il ne s’expliqua pas avec eux et les renvoya à Caïphe. Les trois autres soldats de la garde furent interrogés devant de nombreux vieux juifs dans une grande cour voisine du Temple, et après quelques délibérations, ils prirent les soldats un à un, et à force d’argent et de menaces ils les forcèrent à dire que les disciples avaient pris le corps de Jésus durant leur sommeil. Les soldats contestèrent d’abord que les autres soldats qui étaient allés chez Pilate les contrediraient, mais les pharisiens leur promirent d’arranger la chose avec le gouverneur. Quand les quatre gardes arrivèrent, ils refusèrent de dire autre chose que ce qu’ils avaient dit à Pilate. Les pharisiens donnèrent à croire que ces soldats furent soudoyés pour laisser enlever le corps de Jésus et leur firent des menaces s’ils ne le ramenaient pas. Ils répondirent qu’ils ne pouvaient pas plus ramener le corps de Jésus que les gardes de la prison ne pouvaient ramener Joseph d’Arimathie. Le bruit s’était répandu que Joseph d’Arimathie était sorti miraculeusement de sa prison. Les soldats ne changèrent pas leurs déclarations, ils parlèrent ouvertement aussi du mauvais procès de l’avant-veille et de quelle manière Pesah avait été interrompu. Les pharisiens les firent mettre en prison et répandirent la rumeur que Jésus avait été enlevé par ses disciples, ce mensonge fut propagé par les pharisiens, les sadducéens et les hérodiens, et se répandit dans toutes les synagogues avec des injures sur Jésus ; cette imposture ne réussit pas chez tous, beaucoup de tsadiqim justes ressuscités se montrèrent une seconde fois à ceux de leurs descendants capables de recevoir la grâce et les amenèrent à la foi du messie. Les disciples dispersés à travers le pays par découragement les virent aussi, les morts ressuscités les consolèrent et confirmèrent leur foi. Le corps ressuscité de Jésus fut renouvelé et glorifié, et n’était plus sujet à la mort, il monta au ciel dans son corps devant ses amis. Les corps des morts ressuscités sortis des tombeaux n’étaient pas comme celui du seigneur, c’était des cadavres empruntés sans mouvement comme un vêtement pour les âmes, à redéposer en terre, qui ne ressusciteront qu’au jugement dernier comme nous tous. Ils étaient moins vivants que Lazare qui vécut réellement et dut mourir une seconde fois.

68

Le dimanche suivant ils lavèrent le Temple et le purifièrent en y jetant des herbes et des cendres d’os, en offrant des sacrifices expiatoires. Ils retirèrent les décombres et cachèrent les dommages du tremblement de terre sous des planches et des tapis, et reprirent le même jour les cérémonies de Pesah qui n’avaient pas pu se faire. Ils voulurent mettre un terme à tous les propos et rumeurs en disant que l’interruption de la fête et les dommages causés au Temple étaient des conséquences du tremblement de terre et de la présence de personnes impures aux sacrifices. Ils appliquèrent ce qui s’était passé à une vision d’Ézéchiel sur la résurrection des morts et obtinrent facilement le silence parce qu’un grand nombre de gens du peuple avaient été complices du crime. Ils menaçaient aussi de grave sanction ceux qui parleraient. Ils n’amadouèrent du peuple que les plus grossiers et les plus débauchés, car les meilleurs se convertirent ; d’abord en silence puis ouvertement après la Pentecôte ou 50 jours après Pesah, quand ils revinrent chez eux et que les apôtres vinrent leur prêcher. Les chefs-sacrificateurs furent moins arrogants en voyant se propager les enseignements de Jésus. À l’époque de l’ordination d’Étienne, Ophel tout entier et la partie à l’est de Sion n’arrivaient pas à contenir la communauté des croyants à cause de leur grand nombre, et une partie d’entre eux durent cohabiter sous des tentes et des baraques entre la ville et Béthanie. Dans ces jours, Ananus fut possédé du démon, il fut enfermé n’en ressortit plus. Caïphe devint fou furieux, il était secrètement animé de rage très violente. Après le jeudi de Pesah, Pilate fit chercher inutilement sa femme qui s’était cachée dans la maison de Lazare à Iérusalem. On ne put le deviner, car il n’y avait aucune femme qui logeait là. Étienne, alors peu connu comme disciple, allait lui apporter de la nourriture, il lui transmit la connaissance de l’Évangile. Étienne était cousin de Paul, ils étaient fils de deux frères. Simon de Cyrène alla trouver les apôtres après le shabat et demanda à être baptisé pour être admis dans la communauté des disciples. Toute la communauté était formée de disciples prêts à marcher sur les pas de Jésus, ayant renoncé à ce monde et ses attraits. Tous leurs biens étaient en commun. Ils assistaient les pauvres en permanence et enseignaient l’évangile du messie sauveur. Ils soignaient les malades et rassemblaient sous la houlette du seigneur toutes les brebis égarées qu’ils rencontraient. Ici se termine le récit de ces visions qui dura du 18 février jusqu’au 6 avril 1823, jeudi de la semaine après Pesah.

Fin du récit d’Emmerich

 

 

Sion et salle à manger (cénacle).    La montagne de Sion et le cénacle. Dominus in Sion magnus (Ps 98). Après avoir enlevé cette montagne aux jébusiens, David y plaça l’arche d’Alliance sous un riche tabernacle et Dieu la regarda dès lors comme une montagne sainte, devenue son héritage propre : Super Sion montem Sanctum ejus (Ps 2). Il la choisit pour en faire le lieu de sa demeure : Mons Sion in quo habitasti (Ps 11). Non seulement il y attacha son coeur : Montem Sion quem dilexi ; mais il l’aima même avec une extrême jalousie, dit un prophète : Zelatum sum Sion zelo magno (Zacha. 3). Cet amour de préférence que Dieu a toujours eu pour la montagne de Sion a paru avec beaucoup plus d’éclat encore dans la loi nouvelle que dans l’ancienne, puisque ce fut là qu’il accomplit par son fils incarné ces deux ministères qui portent le caractère de l’amour le plus parfait qu’il ait pu témoigner aux hommes : le premier fut l’adorable sacrement de nos autels qu’il y institua (dit s. Thomas, In Opusc. 57) pour laisser à ses disciples un mémorial éternel de sa passion, un accomplissement des figures anciennes, un abrégé de toutes ses merveilles, un gage précieux de son amour infini et une source de consolation dans la tristesse et dans la douleur que devait leur causer son absence. Le second fut la mission du saint Esprit qui est l’amour qui déverse (comme dit l’apôtre) la charité dans le coeur de ceux sur qui il descend, ce fut alors que s’accomplit la prédiction du prophète évangélique : De Sion exibit lex (Isai. 2) une loi sortira de Sion. Description de la montagne de Sion. La montagne de Sion, où est situé un bout occidental de la ville, est d’une figure assez irrégulière et tient plus de l’ovale que de nulle autre. Elle peut avoir deux tiers de lieue de tout (mesuré par le pié), et quoiqu’elle soit assez élevée, elle est de beaucoup inférieure à la montagne des olives. Elle a la vallée de Josaphat à son orient ; le mont Gyon à son couchant ; la piscine supérieure est à son midi (sud) et le Calvaire au nord. Sa situation est agréable, son air est doux et tempéré, par le moyen d’un certain petit vent qui modère la chaleur du climat, qui souvent est étouffante, particulièrement dans les mois de mai, juin, juillet et août. Du temps de Salomon, cette montagne était peuplée et ornée de cyprès : Quasi cypressus in monte Sion (Eccles. 24). Il s’en trouve encore quelques-uns, mais le nombre des oliviers y est beaucoup plus grand, cet arbre étant en Judée le plus commun de tous. Autrefois toute cette montagne était enfermée dans l’enceinte des murs de la sainte cité, et ainsi son sommet était entièrement couvert de bâtiments, mais on n’y en voit aujourd’hui d’autres que ceux que la piété y a conservés en mémoire des ministères qui s’y sont accomplis, le reste est ou couvert de ruines ou converti en jardins et en terres labourables dont une partie se cultive pour accomplir la prophétie : Sion quasi ager arabitur (Jérém. 26). Du cénacle. Le cénacle qui est le lieu le plus auguste sur la sainte montagne de Sion était autrefois une grande salle haute renfermée dans la maison d’un homme riche, ami et disciple de Jésus Christ. Cette tradition est fondée sur les paroles du sauveur même, lui faisant avis du dessein qu’il avait de manger chez lui l’agneau pascal avec ses disciples, ce qui se passa dans le cénacle. L’évangile parlant du cénacle l’appelle grand Caenaculum grande, sans doute non tant par rapport à la grandeur du lieu que par rapport à la grandeur des ministères qui s’y sont accomplis. Ce fut là que Jésus Christ, obéissant à la loi de Moise, mangea avec ses disciples l’agneau pascal et satisfaire en même temps à l’excès de son amour à cette cérémonie, il mit fin à la figure par la réalité, c’est-à-dire en y instituant le sacrement de son corps et de son sang qu’il distribua de ses propres mains en chair et sang de l’agneau immaculé qui devait bien tôt effacer les péchés du monde. Ce fut là qu’il offrit à Dieu son Père le premier sacrifice de la loi nouvelle, dans lequel il voulut être le prêtre et la victime, le temple le plus saint et le plus auguste qui fut dans l’univers. Ce fut qu’après avoir élevé l’homme jusqu’à lui, en le rendant participant de sa divinité, il s’abaissa jusqu’au-dessous de l’homme, en lavant les piez à ses disciples. Ce fut là que pour affermir leur foi, et particulièrement pour guérir l’infidélité de s. Thomas, étant entré, quoique les portes fussent fermées, il les convainquit de sa résurrection en mangeant avec eux, et en leur faisant voir son corps et toucher ses plaies. Ce fut là qu’il rendit leur esprit capable des vérités les plus sublimes, leur donnant l’intelligence des écritures, qu’il leur communiqua le don des miracles, qu’il leur donna le pouvoir de remettre ou de retenir les péchés, de conférer les sacrements et de gouverner son église. Ce fut dans ce lieu que la s. vierge se retira avec les apôtres et les disciples après l’ascension de son fils, pour s’y disposer à la venue de l’Esprit consolateur, descendu dix jours après sur un chacun d’eux en forme de langue de feu afin que par la prédication de l’évangile qu’ils devaient annoncer par toute la terre, ils embrassent tous les coeurs des flammes de l’amour divin, et qu’ils dissipent dans tous les esprits les ténèbres du mensonge en y portant les lumières de la vérité. Le cénacle changé en église vers l’an 330. L’empereur Adrien fit bâtir dans l’endroit même du cénacle sur le mont de Sion un temple à iupiter ; la s. impératrice Hélène fit détruire cet édifice profane et fit construire au même lieu un temple très superbe, dont le portique était en partie soutenu par cette colonne de marbre tirée de la maison de Caïphe, que s. Jérôme dit avoir vu de son temps encore teintée du sang que Jésus Christ répandit dans la flagellation qu’il souffrit chez ce cruel pontife. Godefroi de Bouillon ayant assiégé Iérusalem (Jac. Vitry liv.1 cap.38 ; Tresor. Cron. l’an 1343) alla avec ses généraux en procession du mont des olives à celui de Sion, où était l’église Notre-dame de Sion, dans laquelle la cérémonie s’acheva ; il confia le soin de cette église à des religieux de l’ordre de s. Augustin qui y vécurent longtemps sous la dépendance d’un prieur. L’église de Sion donnée aux religieux de s. François vers l’an 1313. Robert roi de Naples et de Iérusalem bâtit sur le mont Sion un monastère très beau et très commode qu’il attacha aux murs de l’église dont je parle et le donna aux religieux de l’ordre de s. François. Après 200 ans de tranquillité, vers l’an 1560, leur repos fut troublé etc. Description du cénacle. L’église qu’on y voit aujourd’hui, et qui renferme les lieux sanctifiés par les ministères dont j’ai parlé, est un édifice d’environ 45 pas de longueur, sur 16 de largeur. Sa hauteur est très considérable, et le bout oriental de ce temple est terminé par un dôme très propre et couvert de plomb. Les fenêtres à double rang font juger que cet édifice est à double étage, c’est-à-dire qu’il consiste en deux salles, l’une basse et l’autre haute. S. Hélène la partagea ainsi pour ne rien changer à la forme de l’ancienne, étant certaine que le cénacle où se passèrent tant de prodiges était la salle supérieure. Caenaculum grande stratum (Luc 22). Cependant je ne sais pas pourquoi on a divisé ces deux salles en quatre parties. La première partie de la salle inférieure est le lieu où l’on dit que le seigneur lava les piez à ses apôtres ; cependant il est visible que ce lieu n’est pas distinct de celui où le divin sauveur fit la cène et institua l’adorable sacrement de nos autels, ministères qui sont révérés dans la seconde partie de la salle supérieure. Pour ce qui est de la première qui est sous le dôme, elle est dédiée à la descente du saint Esprit, mais étant trop petite pour contenir les six vingt personnes assemblées, sur lesquelles ce divin esprit descendit en forme de langues embrasées ; cette circonstance fait connaître évidemment que le cénacle n’était pas ainsi partagé du temps de Jésus Christ, mais qu’il consistait en cette seule salle supérieure qui était grande, et capable de renfermer à l’aise ce nombre des disciples qui s’y trouvaient réunis le jour de la Pentecôte. Tombeau de David. Le tombeau de David se voit dans la seconde partie de la salle inférieure. Où l’agneau pascal fut rôti. Près d’un escalier par lequel on monte au cénacle, on fait voir un petit endroit fort serré qu’on dit avoir fait partie de l’ancienne cuisine, et l’on veut qu’on y ait rôti l’agneau pascal que Jésus Christ mangea avec ses disciples dans la dernière cène qu’il fit avec eux. Du monastère de Sion. Le monastère est un assez gros bâtiment qui pouvait être régulier dans le temps qu’il appartenait aux religieux de s. François. Les turcs ont fait une mosquée de ce sanctuaire et le monastère est changé en hôpital qui sert d’asile aux jeunes filles orphelines. Citerne près de laquelle les apôtres se séparaient. Dans le milieu d’une petite place voisine du cénacle, est une citerne près de laquelle les apôtres s’assemblèrent pour se donner le baiser de paix, et se dire réciproquement le dernier adieu, sur le point qu’ils étaient de se séparer pour aller porter l’évangile dans les provinces qui leur étaient échues en partage. On la nomme pour cette raison la citerne de la dispersion des apôtres. Maison où la s. vierge demeura après l’ascension. À 50 pas ou environ de la porte du bâtiment dans lequel est enfermé le cénacle, la tradition fait remarque l’endroit de la maison dans laquelle la s. vierge demeura, depuis l’ascension jusqu’à son trépas âgée de 72 ans, la 23e année après l’ascension de son fils. Il ne reste de cette maison que quelques pierres de roches assez grosses, encore posées l’une sur l’autre que l’on embrasse par dévotion. Maison de Caïphe. La maison de Caïphe n’est éloignée de la maison précédente que de 100 pas au plus. La maison de cet injuste pontife est convertie en un petit monastère qui appartient aux arméniens qui y entretiennent cinq ou six moines. Cette maison dans laquelle Jésus souffrit tant d’opprobres et de si cruels traitements pendant la fatale nuit qui précéda le jour de sa passion, est éloignée de celle d’Anne beau-père de Caïphe, d’environ 300 pas. État présent de la maison de Caïphe (Adricom de loc. mont. Sion numb. 27). Le monastère placé sur les ruines de la maison de Caïphe est fermé de murailles assez hautes et épaisses. La porte qui est de fer est extrêmement basse, n’ayant pas plus de 300 piez de hauteur. On descend d’abord de quelques degrez (marches) dans une cour de longueur et largeur médiocre, au milieu de laquelle est un petit oranger, qui occupe l’endroit dans lequel les soldats avaient allumé un grand feu pour se garantir du froid de la nuit. On a gravé sur la muraille voisine en bas-relief un coq qui semble vouloir battre des ailes et chanter. Salle du conseil où Jésus fut accusé et déclaré digne de mort (Niceph. Liv. 8. cap.80). Alors que Jésus n’avait pas encore été introduit dans la salle où était assemblé le grand conseil, dans lequel présidait Caïphe souverain pontife et chef de la cabale qui avait juré la mort du sauveur du monde ; on le fit passer dans la cour où il fut chargé de mille calomnies, par des témoins que la haine animait et que l’argent avait corrompus. Le conseil souverain appelé sanhédrin était composé des chefs des 24 familles sacerdotales des plus considérables de la nation juive. En attendant que le jour parût et qu’il fût temps d’aller présenter Jésus à Pilate qui seul en qualité de président de la Judée de la part du sénat romain pouvait prendre connaissance des affaires criminelles. Le conseil l’abandonna à cette troupe furieuse qui l’avait amené chez Caïphe, et qui pour se faire un mérite auprès du pontife et de tous ses ennemis, lui firent endurer pendant toute cette triste nuit tant de cruautés et de si sanglants outrages que s. Jérôme assure qu’on n’en reconnaîtra l’excès qu’au jour du jugement dernier. Cette salle fort petite, dans laquelle le grand conseil conclut d’une voix commune à la mort de Jésus Christ, fut changée par s. Hélène en une église qu’elle enrichit de marbre et de divers ornements d’architecture. L’église aujourd’hui est bâtie sur les mêmes fondements ; on en trouve la porte à gauche en descendant dans la cour. On y voit deux choses très-considérables. La pierre qui fermait le sépulcre. La première est la pierre avec laquelle Joseph d’Arimathie et Nicodème fermèrent la porte du monument après y avoir enseveli le corps de Jésus Christ. Cette pierre est très longue, très-large, très-épaisse et d’une roche très dure, ce qui fait que je ne suis pas surpris de l’inquiétude et de l’embarras où se trouvaient les femmes dévotes, lors qu’allant de grand matin au sépulcre chargées d’aromates pour parfumer le corps de leur cher maître, elles disaient entre elles : qui pourra rouler cette lourde pierre, et nous ouvrir la porte du monument ? Quis revolves nobis lapidem ab ostio monumenti ? (Marc 16). Ce fut l’ange qu’elles trouvèrent assis sur cette pierre qui leur rendit ce bon office : Et invenerunt revolutum lapidem. Cette pierre qui est naturellement dépendante du sépulcre, fut confiée aux arméniens qui l’enlevèrent de l’église du s. sépulcre. Prison de notre-seigneur. La seconde chose digne de remarque dans cette église, est la prison dans laquelle les juifs enfermèrent notre-seigneur, après l’avoir outragé en mille manières, en attendant qu’il fut temps de le traîner chez Pilate. On y entre par une porte fort basse et fort étroite qui est vers le fond de l’église à main droite et vis-à-vis du maître autel. Ce cachot qui est de forme carrée est si étroit qu’à peine trois ou quatre personnes peuvent y être à genoux en même temps. Cimetière des chrétiens orientaux. À 50 ou 60 pas de la maison de Caïphe, du côté du couchant, on trouve un assez grand cimetière qui est commun à tous les chrétiens orientaux ; contrairement aux autres lieux où chaque secte a son cimetière à part. Château et tour de David. Avançant environ 300 pas vers l’extrémité du mont Sion, entre l’ouest et le nord, on trouve quelques amas de ruines qui paraissent fort anciennes, et qu’on dit être des débris du château et de la tour que David fit bâtir sur le mont Sion, après l’avoir emporté sur les jébusiens. Quelques auteurs ont confondu ce château avec celui des Pisans dont j’ai parlé. N’est-il pas probable que David bâtit sa forteresse et sa tour dans l’endroit le plus avantageux, c’est-à-dire sur le sommet de la montagne de Sion, où ces ruines se voient, et non pas dans un lieu bas, plat, et qui semble ne devoir plus être considéré comme faisant partie de cette montagne où est le château des Pisans, qui peut bien avoir été le palais que ce roi avait dans Iérusalem, mais non pas la citadelle qu’il bâtit sur le mont Sion pour la défense de cette ville. La tour qu’il y éleva, à laquelle il donna son nom, n’était pas moins admirable pour sa beauté que pour sa force ; ce qui fait que l’époux des cantiques lui compare le col de la chaste épouse : Turris David qua edificata est cum propugnaculis, milie clypeipendent ex ea (Cant. 4). Piscine de Bethsabée. La piscine dans laquelle Bethsabée se lavait lorsque le roi la vit, était sous le château de David au pié du mont Sion, du côté du couchant. Cette piscine a à peu près 200 pas de longueur sur 100 de largeur ou environ, et pas plus de 12 piez de profondeur. On y descend par un escalier assez large, pratiqué dans le roc aussi bien que toute la piscine, qui n’est fermée que d’un mur fait avec chaux et sable aux endroits où la roche vive a manqué. Grotte de s. Pierre. Descendant plus bas de 100 pas ou environ, en côtoyant toujours les murailles de la cité, on trouve vers le milieu du penchant de la montagne, qui est encore celle de Sion, une grotte fort ouverte assez grande, mais peu enfoncée, dans laquelle on tient que l’apôtre Pierre alla pleurer son péché. Ceux qui sont assez heureux pour entrer dans cette grotte, le seraient bien plus encore, si l’exemple de s. Pierre tirait de leurs yeux les larmes de pénitence, et qui n’y récite à ce dessein ce psaume si capable d’exciter cette sainte amertume : Misere mei Deus (Ps. 50).

Source : Relation historique d’un voyage p.429, Morison 1704 (chanoine de Bar le Duc et chevalier du s. sépulcre)

 

 

Vision de démon. Ce qu’un démon chassé par Jésus a pu révéler. Arrivé à une lieue de Béthanie, Jésus délivra un jeune homme possédé, dont les parents coururent au-devant de Jésus au moment où il entra dans leur village. Il les suivit dans la cour de leur maison où leur fils devint furieux à son approche, bondissant de rage et escaladant les murs. Les gens voulaient se saisir de lui, mais ils ne le purent, car sa fureur allait en croissant et il montrait ses dents à ceux qui l’approchaient. Le seigneur ordonna à tous les assistants de sortir. Jésus commanda au jeune homme de venir à lui, mais il ne vint pas et fut pris d’affreuses contorsions. Il l’appela une seconde fois mais il refusa de venir et le regardait dos tourné. Jésus leva les yeux au ciel et pria. Cette fois le possédé vint se jeter à ses pieds. Jésus mit sur lui un pied, puis l’autre, et fit cela deux fois comme s’il eut marché sur le corps du jeune homme, il sortit alors de sa bouche un tourbillon de vapeur noire : dans cette vapeur j’aperçus trois noeuds liés par un gros fil et d’autres, comme trois encensoirs superposés laissant échapper des nuages de fumée qui s’assemblaient. Le jeune homme était étendu sans mouvement aux pieds du seigneur. Jésus le bénit de la main comme du signe de la croix, puis il étendit le bras vers lui avec ordre de se lever. Le malheureux se leva très pâle et Jésus le rendit à ses parents en leur disant qu’il le leur redemanderait : il leur dit de ne plus pécher contre leur fils, car ils étaient coupables envers lui, ce qui l’avait fait tomber dans cet état. J’eus lavision du démon que le seigneur avait chassé. Dans les trois noeuds noirs reliés ensemble, il me sembla voir comme l’ombre d’un homme en mouvement, puis une forme humaine dont on distinguait les membres et l’intérieur ; le coeur, le cerveau, et les autres organes avec leurs fonctions, dont on perçait les pensées, les sentiments, et les actes. On aperçut le corps et l’âme de cet homme, qui n’avait paru qu’une ombre, et les rapports qu’il avait avec ses congénères. Dans ces trois noeuds aux teintes noires suspendus dans l’air, plusieurs subdivisions formaient des ‘jardins’ où j’aperçus des choses affreuses, avec de petites figures puis des hommes, dans une succession de différents règnes de leur nature, jusqu’à ce que les ‘jardins’ aient formé diverses sphères d’action ; à ce stade les trois noeuds étaient devenus un monde sphérique. Des cercles lumineux s’opposaient à ces sphères ténébreuses, et les séparaient. Malgré cela des hommes traversaient dans les sphères ténébreuses, qui avaient l’apparence de mondes pleins de vitalité et d’hommes dans les ténébreuses églises (assemblée, lieu de culte). Le culte de ce démon se rendait dans la plus basse sphère de ténèbres sur l’autel en forme de monticule avec un trou (cratère), où d’énormes bûches maintenaient un feu sombre dont la fumée était dirigée sur terre ; les invocations au démon se faisaient sur terre avec des offrandes en outrages, profanations, abominations et toutes sortes d’infamies. On voyait bouillir des plantes avec d’autres choses hideuses dont les gens s’enduisaient et se transportaient en différents endroits pour rejoindre des congénères humains et s’adonner au péché ; des filets rattachaient leurs âmes et l’un savait ce qui concernait l’autre. Dans ces filets, des oiseaux noirs allaient et venaient pour établir des contacts et transmettre des maladies aux humains et toutes espèces de mal. Ces gens de notre temps venaient de tous les pays et dans notre pays : parmi eux beaucoup de juifs de pays étrangers, en groupes peu nombreux, pratiquaient en secret leurs folies, abominations et méchancetés, et autour de cette église infernale, fornication, meurtre, abominations, et tous les actes des adorateurs du démon. Tous ceux qui commettent ces péchés appartiennent à cette église maléfique sans le savoir, incluant des relations non interdites par le commun. Il y avait des personnes qui se frottaient d’onguents pour voir plus loin et participaient ensuite aux péchés méprisables de la chair. Des nuages noirs allaient entre les entraînés et les entraîneurs, leur ‘clairvoyance’ avait de mauvais esprits pour guide et beaucoup de gens semblaient tomber du royaume de lumière dans celui d’en dessous en prenant part à des opérations pour guérir des malades ou par intérêt pour la science. Avec des succès trompeurs, les entraîneurs s’efforçaient de séduire beaucoup de personnes du royaume de la lumière en confondant les guérisons des ténèbres avec les surnaturelles, et la clairvoyance infernale avec celle des saints. Des hommes importants travaillaient pour le royaume de satan sans le savoir. Dans l’autre sphère est une église où on retrouvait des associations secrètes, non le démon en personne, où on ne pratiquait pas son culte comme tel, ni de choses abominables faites volontairement ou par malice, mais on s’occupait de sciences occultes en cherchant à percer les secrets de la nature : on y faisait de l’or, frappait la terre avec une baguette au bout dentelé, portant des amulettes ou des anneaux gravés de lettres, on célébrait certaines cérémonies, tirait aux cartes, conjurait la fièvre, guérissait par des moyens bizarres, et mille choses destinées à contribuer au bien-être externe des humains. Mais il y avait au fond le culte secret du démon : le désir de guérir sans renoncer au péché, source de mort et de maladies, le secours non demandé à Jésus et à son église (assemblée) mais à la nature déchue. Ces guérisons en apparence étaient pleines de dangers, comme un trou recouvert d’une feuille papier, qu’on ne voit pas. Cette fausse église était cernée de gens occupés à entraîner, moins corrompus que les autres, toutefois comme une école qui prépare aux plus grands crimes, peuplée d’une multitude de gens, comme les laïcs relativement aux prêtres par rapport à la sphère inférieure. Au lieu du culte diabolique, il y avait des amours fous ou l’idolâtrie de la créature et de la nature, l’affection aveugle des parents pour leurs enfants, les billets doux (poésie), la musique mondaine, danses, boucles de cheveux (fétiche), anneaux, portraits d’amants. Ici on usait de charmes pour inciter la passion, tandis que dans la sphère précédente se préparaient les breuvages des avortements. Dans la 3e sphère était l’église de franc-maçonnerie et choses semblables où il était question de soit-disant bienfait SANS Jésus Christ, de lumières hors de la vraie lumière, de science sans Dieu, de bonne chair, de vie commode. Les gens de cette sphère se croyaient au-dessus de ceux des deux autres, pensant travailler contre eux alors qu’ils luttaient simplement contre la religion et laissaient grandir les deux autres, ayant leurs racines dans le même sol. Ces trois sphères étaient liées ensemble par de triples canaux ou rayons qui les mettaient en relation. Ces gens ne produisaient qu’erreurs, aveuglements, misères, et désespoirs ; leurs guérisons étaient des palliatifs qui déplaçaient le mal en l’augmentant. Dans les deux dernières sphères étaient de nombreux savants, des médecins et des pharmaciens. Je vis des amis et gens de ma connaissance qu’une espèce de vertige poussait vers les cercles ténébreux et je les ramenais en arrière.

Source : Vie de Jésus Christ par Emmerich, tome 3 ou chap.55

 

Sermon du prince des shéols.  Le prince de la mort (satan) au prince des shéols : Apprête-toi à prendre ce Jésus qui prétend être messie et fils de Dieu, ce n’est qu’un homme qui craint la mort, qui a dit, mon âme est triste jusqu’à la mort. Il s’est opposé à moi en plusieurs choses et beaucoup d’hommes que j’avais rendus aveugles, boiteux, sourds, lépreux, que j’avais fait tourmenter de plusieurs démons, il les a guéris d’une parole, et il t’a aussi arraché ceux que je t’avais emmenés morts. Le prince du shéol à satan : Qu’est ce prince si puissant s’il craint la mort... Tous les puissants de la terre gardés ici sont soumis à mon pouvoir quand tu les amènes soumis par ton pouvoir. Si tu es si puissant, quel est ce Jésus qui craint la mort et s’oppose à toi ? S’il est si puissant dans son humanité, en vérité je te le dis, il est tout puissant dans sa divinité, et personne ne pourra résister à son pouvoir. S’il a dit craindre la mort, il veut te tromper, malheur à toi dans les siècles éternels. Le prince de la mort : Pourquoi hésites-tu, pourquoi redouter de prendre ce Jésus, mon adversaire et le tien ? Je l’ai tenté et excité contre lui mes anciens du peuple juif, les animant de colère et de haine. J’ai aiguisé la lance du persécuteur, mêlé du fiel au vinaigre à donner à boire, j’ai fait préparer le bois pour le crucifier et des clous pour percer ses mains et ses pieds. Sa fin est proche, je l’emmènerai soumis, à moi et toi. Le prince du shéol : Tu dis que c’est lui qui m’a arraché les morts : beaucoup que je retenais ici au purgatoire m’ont été enlevés des morts (alors qu’ils étaient sur terre), non pas de leur pouvoir, mais leur tout-puissant Dieu me les a arrachés par les prières divines. Quel est donc ce Jésus qui m’a arraché les morts par sa parole ? C’est peut-être lui qui sur l’ordre de ses paroles a rendu la vie à Lazare dont je détenais (l’âme), mort depuis quatre jours, dans la puanteur et putréfaction. Le prince de la mort : C’est ce même Jésus. Le prince des shéols : Je te conjure par ton pouvoir et le mien, ne l’amène pas vers moi. J’ai tremblé après avoir entendu la puissance de sa parole, j’ai été frappé de crainte ainsi que tous mes ministres impies, troublés avec moi, car nous n’avons pas pu retenir ce Lazare qui nous a échappé avec la vitesse et l’agilité de l’aigle. Lazare est sorti du milieu de nous quand la terre même qui tenait son corps sans vie l’a sitôt remis vivant. Et maintenant je sais que cet homme qui a accompli ces choses a puissance dans le royaume du Dieu fort, et puissance dans l’humanité, il est le rédempteur de la race humaine. Si tu l’amènes vers moi, tous ceux que je retiens rigoureusement cloîtrés ici en prison, enchaînés aux liens non rompus de leurs péchés, il les en dégagera par son humanité, et par sa divinité il les conduira à la vie qui doit durer autant que l’éternité. Comme satan et le prince du shéol parlaient alternativement, une voix semblable aux tonnerres et au son de l’ouragan dit : Princes, enlevez vos portes, élevez-vous portes éternelles que le roi de gloire entre.
Le prince du shéol à satan : Sors de mes demeures te battre contre le roi de gloire si tu es puissant combattant, qu’y a-t-il de toi à lui... Le prince du shéol jeta satan hors de ses demeures et il cria à ses ministres impies : Fermez cruellement les portes d’airain. Poussez les verrous de fer. Résistez résolument, de peur que nous ne soyons réduits en captivité, nous qui gardons les captifs. La multitude des saints au prince du shéol : Ouvre tes portes et que le roi de gloire entre. Il se fit une voix semblable aux tonnerres disant : Princes, enlevez vos portes. Élevez-vous portes infernales que le roi de gloire entre, dirent-ils d’une seule voix. Le prince du shéol : Quel est ce roi de gloire ? dit-il comme s’il était dans l’ignorance après que cet appel se fit entendre deux fois. David au prince du shéol : Je connais les paroles de cet appel, ce sont les mêmes que j’ai prophétisées par l’inspiration de son Esprit. Maintenant ce que j’ai déjà dit je le répète : le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans le combat, c’est Lui qui est le roi de gloire. (Psaumes 24). Du ciel le Seigneur a regardé vers la terre pour entendre le gémissement de ceux qui sont dans les fers afin de délivrer les fils de ceux qui ont été mis à mort. (Psaumes 107.13). Maintenant immonde et horrible prince du shéol, ouvre tes portes afin que le roi de gloire entre, dit David au prince du shéol. Le Seigneur de majesté vint sous forme d’un homme éclairer les ténèbres éternelles : il nous visita et brisa les liens qui n’étaient pas rompus par le secours d’une vertu invincible, nous qui étions assis dans les profondes ténèbres du péché, dans l’ombre de la mort du péché. (Psaumes 107.14). À la lumière éblouissante et au messie placé tout à coup dans leurs demeures, dans leur propre royaume, le prince du shéol et le prince de la mort furent dans l’épouvante avec leurs cruels ministres et crièrent : Tu nous as vaincus. Qui es-tu, toi que le Seigneur envoie pour notre confusion ? Qui es-tu, toi que la corruption n’atteint pas, dont l’effet dominateur de ta majesté a pu renverser notre puissance ? Qui es-tu, toi si grand et si petit, si humble et si élevé, soldat et général, combattant admirable sous l’aspect d’un esclave ? Roi de gloire, mort et vivant, que la croix a porté et mis à mort, toi qui es demeuré mort étendu au tombeau, qui es descendu vers nous vivant. Toutes les créatures ont tremblé à ta mort, tous les astres ont été ébranlés, et maintenant tu es devenu libre d’entre les morts et tu troubles nos légions. Qui es-tu, toi qui délies les captifs et inondes d’une lumière éclatante ceux qui sont aveuglés dans les ténèbres des péchés ? Les légions des démons furent frappées d’une même frayeur et crièrent d’une seule voix avec crainte et soumission : D’où es-tu Jésus, homme si puissant et splendide en majesté, si éclatant, sans tache et pur de crime ? Ce monde terrestre qui nous a toujours été assujetti jusqu’à présent et qui nous payait des tributs pour nos sombres utilités, ne nous a jamais envoyé un mort tel que celui-ci et n’a jamais destiné de pareils présents aux enfers. Qui es-tu, toi qui as ainsi franchi sans peur les frontières de nos domaines ? Non seulement tu ne redoutes pas nos supplices, mais de plus tu tentes de délivrer tous ceux que nous détenons dans les fers. Peut-être es-tu ce sauveur duquel notre prince satan disait que par ta mort sur la croix tu recevrais une puissance sans borne sur le monde entier. Par sa majesté, le roi de gloire écrasa la mort sous ses pieds. Il saisit le pouvoir de satan et en priva le shéol, et il mit Adam sous la clarté de sa lumière.
Le prince du shéol à satan : O prince de perdition, chef de destruction, dérision des anges de Dieu, ordure des justes, qu’as-tu voulu faire ? Tu as voulu crucifier par la ruine et la mort le roi de gloire duquel tu nous avais promis de si grandes dépouilles ? Ignores-tu comment tu as agi dans ta folie ? Car voici que ce Jésus dissipe par l’éclat de sa divinité toutes les ténèbres de la mort. Il a brisé les profondeurs des prisons les plus solides, il délivre et relâche les captifs et ceux qui sont dans les fers. Voici, tous ceux qui gémissaient sous nos tourments nous offensent et nous sommes accablés de leurs imprécations. Les emprises de nos royaumes sont vaincues, nous n’inspirons plus l’effroi à la race humaine, au contraire ils nous menacent et nous outragent. Ceux qui sont morts n’avaient jamais pu montrer de superbe devant nous, ni éprouver un instant d’allégresse durant leur captivité. O satan, prince de tous les maux, père des impies et des rebelles, qu’as-tu voulu faire ? Ceux qui désespéraient du salut et de la vie ne font plus entendre de gémissement maintenant, aucune plainte ne résonne plus, et plus de trace de larmes sur le visage d’aucun d’eux. O prince satan, possesseur des clés des shéols, par le bois de la croix tu as perdu ces richesses que tu as acquises par le bois de la trahison et par la perte du paradis. Toute ton allégresse a disparu lorsque tu as attaché à la croix ce messie Jésus, roi de gloire. Tu as agi contre toi et contre moi. Apprends quels tourments éternels et supplices infinis tu dois souffrir sans fin sous ma garde. Prince de tous les mauvais, auteur de la mort, source d’orgueil, tu aurais d’abord dû trouver un juste reproche à faire contre ce Jésus, et vu que tu n’as trouvé en lui aucune raison de faute, pourquoi as-tu osé le crucifier injustement et emmener dans notre région l’innocent et le juste ? Tu as perdu les mauvais, les impies, et les injustes du monde entier. Le roi de gloire au prince du shéol : Le prince satan sera sous ton pouvoir à perpétuité des siècles à la place de mes justes Adam et ses fils.

 

Source : Évangile de Nicodème - Évangiles apocryphes p.258, Brunet 1848,
mss grec et latin, Descensus Christi ad inferos, Gesta Sal
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